La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.
Théâtre

"Marthe"… Où il est question de la dépersonnalisation du sujet au nom de l’Art - 30/05/2017

C’était à Besançon. Par la porte sur cour, presque une trappe. Les marches de l’escalier sont raides, la fraîcheur subite surprend : une odeur de salpêtre, peut-être. Dans le noir profond de la cave, comme en un ciel de nuit, une lune qui diffuserait, en un léger voile, une lueur blafarde. Une silhouette noire distincte, une ombre à la voix précise, que le spectateur scrute et écoute. Au haut...  

Une vérité de la conscience d'un Thomas Bernhard épris de liberté - 25/05/2017

Dans "Le froid augmente avec la clarté", Claude Duparfait adapte deux romans autobiographiques de Thomas Bernhard, "L'Origine" et "La Cave", qui donnent au spectateur l'accès à une réelle compréhension de l'œuvre. L'itinéraire de vie d'un écrivain qui a de bonnes raisons de haïr le pays qui l'a vu naître. Les textes sont adaptés pour cinq présences humaines, cinq voix humaines, qui dialoguent...  

"L'Histoire du soldat" de Ramuz et Stravinsky… recréée avec pertinence et conviction - 24/05/2017

Charles-Ferdinand Ramuz à la plume et Igor Stravinsky à la baguette se sont complétés pour cette œuvre d'une force musicale et dramatique sans pareille. Une rareté conçue pour se jouer dans des lieux éloignés des temples culturels, dans les provinces, dans les campagnes, juste après la Première Guerre mondiale. En voici une mise en scène fidèle avec ses sept instrumentistes et une très belle...  

Un "songe d'une nuit d'été" où apparaissent les oripeaux du théâtre, comme rêves et désirs - 18/05/2017

Dans "Le Songe d’une nuit d’été" de William Shakespeare, une troupe de comédiens amateurs a l'idée saugrenue et maladroite de présenter une histoire d'amants malheureux (celle de Pyrame et Thisbé) à l'occasion de mariages de jeunes gens de la noblesse. Saugrenue et maladroite car ces mariages sont vraiment malheureux, forcés qu'ils sont par des pères d'autorité. Mais les projets des uns et des...  

Un art des pérégrinations symboliques reliant les imaginaires des hommes et des femmes - 10/05/2017

Dans "Le Testament de Marie", l'auteur, Colm Toibin, restitue l'intimité d'une femme brisée. Sa raison, sa sensibilité, ses souvenirs sont travaillés par la brutalité des événements. Le spectacle de la metteure en scène Deborah Warner est débarrassé de tout sulpicianisme… Il cerne à partir des bribes et des déchirures des récits évangéliques une manière de révélation, une authenticité de Marie...  

Une quête marionnettique… comme un miroir de l'état du monde et de la pauvreté de nos actions - 09/05/2017

Dans un univers proche du nôtre, à une date pas très déterminée et dans un lieu aux allures post-apocalyptiques, un humain manipulateur, accompagné d'un singe-taupe guide aux yeux phares, d'un administrateur, d'un appariteur, d'une vieille, d'un banquier, d'une femme en attente de bus, et autres sujets à l'artistique étrangeté invitent le spectateur à une réflexion poétique et décalée sur notre...  

Comment voulez-vous que nous sortions, le monde est bien trop dangereux ! - 05/05/2017

S'ouvrir à de nouveaux milieux, à de nouveaux publics, à de nouvelles formes artistiques, pouvant remettre en question les prérequis habituels d'un CDN ou d'un CDR, c'est le choix qu'on fait le NEST à Thionville et Le Préau à Vire en dédiant, dans la forme et dans le contenu, un festival aux ados. "Taisez-vous ou je tire" de Métie Navajo et Cécile Arthus est l'une des propositions phares de ces...  

"Baal"… Dans cette proposition, un poète fait ses gammes… - 03/05/2017

En 1919, dans "Baal", le tout jeune Brecht, inspiré par François Villon, poète maudit, décrit la vie d'un artiste qui, dans une apparente indifférence aux autres, une froideur de comportement, s'extrait de la vie sociale et de sa gangue réaliste (voire triviale) et qui d'épisodes en épisodes, traverse le monde dans une cascade de trébuchements, avance, en seigneur, de rejets en rejets. Qui...  

"Erich von Stroheim", une allégorie de la marchandisation des corps, de la standardisation de la médiocrité - 02/05/2017

Sur le plateau, dans la mise en scène de Stanislas Nordey, pour la pièce de Christophe Pellet "Erich von Stroheim", un paravent, ou plutôt un retable géant, s'ouvre et se ferme de manière répétitive. Lorsque le retable s'ouvre une femme et deux hommes apparaissent, dans une alternance de duos. Présentés dans une simplicité d'appareil. Elle est dominatrice. L'un est mûr et soumis et probable...  

"Bajazet", pointer la résonance de l'intime… dans une montée tragique et sublime - 24/04/2017

Éric Ruf met en scène une œuvre de Jean Racine peu jouée, "Bajazet", dans laquelle est décrite une tentative de coup d’État. Au palais, lors d’une vacance du pouvoir, pendant que le roi guerroie au loin, le vizir influence la maîtresse du roi qui rêve du titre d'impératrice, la pousse au mariage avec le frère du roi qui ne se sent pas à la hauteur. La confusion est extrême. Le retour du roi,...  
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À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024