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Théâtre

"Margot" par Laurent Brethome… Une approche caravagesque, une mise en scène d'un authentique peintre !

"Margot", en tournée

Christopher Marlowe aurait pu être le jumeau de Shakespeare s‘il n'avait disparu, mystérieusement, prématurément. Témoin fougueux d'un temps tumultueux, qui voit la Renaissance et son humanisme s'effondrer dans le crime et le sang, dans les guerres de religion.



© Philippe Bertheau.
© Philippe Bertheau.
C'est sous le titre "Margot" que Laurent Brethome met en scène "Massacre à Paris" de Christopher Marlowe, mettant en valeur un personnage qui existe peu dans la pièce originelle. Celui de Marguerite de Valois (la reine Margot), bien connu des Français depuis Alexandre Dumas et le film de Patrice Chéreau avec Isabelle Adjani.

C'est ainsi qu'il relate les horreurs qui se produisirent dans la capitale au lendemain du mariage de la princesse catholique Marguerite de Valois (Margot) et du roi protestant Henri III de Navarre (futur Henri IV des Français). Les partisans catholiques refusant toute réconciliation massacrèrent plus de 3 000 protestants.

L'œuvre de Marlowe est fragmentée, hachée. La pièce avance à un rythme effréné, à couper le souffle. Elle reste une œuvre ouverte. Car, au moment de son écriture, les guerres de religion ne sont pas terminées. L'écœurement n'est pas allé à son terme.

Bien informé, l'auteur, dans une grande intelligence, montre la course au Pouvoir sous couvert de religion et, pour mieux exorciser une propagation possible en Angleterre, met en pratique un bâchage des français et de leurs caractères supposés (meilleurs ennemis héréditaires) des plus comiques*.

Le spectateur moderne y retrouve avec joie des traits du mélodrame dans sa dimension essentielle, celle de la persécution des innocents et leur victoire finale face à la duplicité, l'hystérie, la folie des méchants. Celles de ces grandes familles qui manient la dague et le sourire : les Valois finissant, les Bourbons montant, les Guise grenouillant. La pièce est excessive, tutoie le grotesque. C'est tout cela que Laurent Brethome met en scène.

© Philippe Bertheau.
© Philippe Bertheau.
Sa théâtralité totalement affirmée est pourtant délivrée de tout grotesque ou ridicule. Ses personnages sont typés et leurs caractères magnifiés. Trempés comme fil d'acier, ils sont exaltés dans les costumes et les postures. Par une approche caravagesque, les noirs, les blancs et les rouges claquent à la figure du spectateur. Le metteur en scène est un authentique peintre.

La reine Catherine est séduisante, duplice et jalouse, Guise séducteur et spadassin, le cardinal de Lorraine obséquieux et vaniteux, Charles IX tendre et dépassé, Henri III de France précieux et fin politique et le futur Henri IV christique. Il ne reste des suppliciés, qui traversent l'espace comme fantômes horrifiés, que leurs chaussures, en tas, au hasard. L'image est saisissante, le rire étranglé.

Quant à Marguerite de Valois "Margot", elle est la grande oubliée de Marlowe. Et pourtant son ombre plane. Laurent Brethome lui donne voix. Et dans son monologue créé pour l'occasion, elle est bien le point de concrétion des événements et se montre victime humblement et fièrement tragique.

Le spectateur est subjugué.

* Lors de la rédaction de la pièce, la reine d'Angleterre Elizabeth 1ère joue les équilibristes.

"Margot"

© Philippe Bertheau.
© Philippe Bertheau.
D'après "Massacre à Paris" de Christopher Marlowe.
Traduction inédite et textes additionnels : Dorothée Zumstein (Les Nouvelles Éditions Jean-Michel Place).
Mise en scène : Laurent Brethome.
Assistante à la mise en scène : Clémence Labatut.
Avec : Fabien Albanese, Florian Bardet, Heidi Becker-Babel, Maxence Bod, Clémence Labatut, Vincent Bouyé, Dominique Delavigne, Leslie Granger, Antoine Herniotte, François Jaulin, Thierry Jolivet, Julien Kosellek, Denis Lejeune, Nicolas Mollard, Savanna Rol et Philippe Sire.
Créateur lumière : David Debrinay.
Créateur sonore : Jean-Baptiste Cognet.
Scénographe et costumier : Rudy Sabounghi.
Dramaturge : Catherine Ailloud-Nicolas.
Direction technique : Gabriel Burnod.
Conseiller circassien : Thomas Sénecaille.
Conseiller vidéo : Adrien Selbert.
Assistante répétition : Nina Orengia.
Stagiaire mise en scène : Élise Rale.
Cie Le Menteur Volontaire.
Durée : 2 h 30, entracte compris.

>> Cie Le Menteur Volontaire

Tournée 2017/2018
Jeudi 30 novembre 2017 : 19 h, Le Grand R - Scène nationale, La Roche-sur-Yon (85).
Vendredi 1er décembre 2017 : 20 h 30, Le Grand R - Scène nationale, La Roche-sur-Yon (85).
Lundi 11 décembre 2017 : 14 h, Scènes de Pays dans les Mauges, Beaupreau (49).
Mardi 12 décembre 2017 : 20 h, Scènes de Pays dans les Mauges, Beaupreau (49).
Vendredi 12 janvier 2018 : 20 h, Théâtre Anne de Bretagne, Salle Lesage, Vannes (56).

© Philippe Bertheau.
© Philippe Bertheau.
Du 17 au 24 janvier 2018 : Théâtre des Célestins, Lyon 2e (69).
Vendredi 26 et samedi 27 janvier 2018 : Château Rouge - scène conventionnée, Annemasse (74).
Mercredi 30 et jeudi 31 mai 2018 : Le Trident - Scène nationale, Cherbourg-Octeville (50).

Jean Grapin
Lundi 27 Novembre 2017

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
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© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023