La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Soyez "super heureux" et sans faux-semblants !

"Super heureux", Théâtre les Déchargeurs, Paris

Couple aux contours rutilants, téléphone rose et préservatifs multicolores. Le pitch de "Super heureux !" ressemble à une petite comédie sans grande originalité. Et pourtant…
Le metteur en scène Jean-Claude Berutti réapparaît là où on ne l’attend pas. Le moment est savoureux. Le jeu réglé au poil. Le texte, un petit bijou d’humour. C’est au Théâtre Les Déchargeurs et c’est jusqu’au 27 avril.



© Photo LOT
© Photo LOT
Faut-il présenter Jean-Claude Berutti ? Cependant, qui, en France, en entend encore parler ? C’est pourtant un metteur en scène très prolifique. Mais pour l'heure, essentiellement à l’étranger. Depuis son départ en tant que directeur du CDN de Saint-Étienne (2011), Berutti a fait un choix : exporter outre-Rhin (quand ce n’est pas à Vienne ou à Zagreb) ses créations. Certes, le contact demeure avec la France puisqu’il est l’artiste associé de la scène Nationale de Martigues (Théâtre des Salins). Mais il reste minime comparé à l’accueil que lui fait l’Allemagne. Et souvent bien plus confortable que sur le sol français. Retrouver Bérutti dans une toute petite salle d’un théâtre privé est aussi étonnant que de vouloir mettre un géant dans une petite boîte. Pourtant, la formule fonctionne. Donc ici, pas de mise en boîte. Juste l’envie de vous faire partager cette boîte à malice.

De son œil candide et creux, Paul, le "poster-boy", observe… Lola, au téléphone (avec ses nombreux amants imaginaires) et son voisin de palier s’incruster chez elle. Belle gueule de blondinet, Paul a le profil pour être modèle chez Provost. En fait, il est tout juste bon à trôner au milieu du salon. Mais le plateau est minuscule et la boîte de Pandore ne semble pas bien grande. C’est en tout cas ce qui est annoncé : "Homme rencontre femme. Ce qui s’ensuit n’est qu’une répétition sans fin"… Enfin presque !

© Photo LOT
© Photo LOT
Et les a priori ne manquent pas, car à voir d’ailleurs ce décor quelconque (affiche, petit canapé, table basse et piano droit), on pourrait se croire dans une de ces mauvaises comédies d’Éric Assous. Mais les faux-semblants sont l’apanage de ce huis-clos à deux personnages ! Là aussi, de concert, Berutti et Silke Hassler (jeune auteure autrichienne) tirent au flan. Gare aux apparences, donc !

Et pour ce qui est des comédiens. Sur scène, ce couple d’esseulés (qui ne sait même plus comment s’y prendre pour devenir un couple - apanage de notre société moderne ?) a su trouver le ton juste. Plus le texte est simple, plus il est difficile de ne pas surjouer. Vincent Dédienne et Julie Delille sont deux jeunes et talentueux comédiens sortis de l’ENSAD (1) de Saint-Étienne. Sans tomber dans certains écueils de la comédie, ils endossent au contraire leur rôle avec beaucoup de finesse et de mesure.

Bien ficelée, drôle (là où on ne s’y attend pas), intelligente (mais pas trop intello), cette comédie acidulée et rafraîchissante est un excellent moment à partager.

(1) École Nationale Supérieure d’Art Dramatique de la Comédie de Saint-Étienne.

"Super heureux"

© Photo LOT
© Photo LOT
Texte : Silke Hassler, publié aux éditions Thomas Sessler Verlag.
Traduction : Silvia Berutti-Ronelt.
Mise en scène : Jean-Claude Berutti, assisté de Alix F. Pittaluga.
Avec : Vincent Dédienne et Julie Dellile.

Du 26 mars 2013 au 27 avril 2013.
Du mardi au samedi à 19 h 15.
Durée : 1 h 15.
Théâtre les Déchargeurs, Salle Vicky Messica, Paris 1er, 01 42 36 00 50.
>> lesdechargeurs.fr

Mardi 2 Avril 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024