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Théâtre

"Toute Nue" et le rythme and blues d'une femme qui entre en résistance

La toute première de la pièce "Ne te promène donc pas toute nue" de Georges Feydeau a été présentée au Théâtre Femina, c'est drôle non ? "Femina"… Un siècle plus tard, Feydeau n'est plus de ce monde mais son théâtre continue à faire les belles heures du spectacle vivant…



© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
Et c'était au Théâtre Paris-Villette, un 27 février, en pleine déferlante de Coronavirus, dont on ne sait rien, mais on suppose tout, qu'une (nouvelle) adaptation de ce grand classique a fait son apparition. Mêmes personnages, même trame, mêmes ressorts et répétitions que l'œuvre originale mais le rock en plus !

Rock and Roll ! Il y a dans "Toute Nue" un rythme effréné que les comédiens assurent tout au long du jeu en occupant tous les recoins du plateau, in et off. Il y a aussi un batteur, au centre de la scène, qui suit les mouvements des acteurs ou les prolongent. Et il y a un décor sur lequel nous sommes, spectateurs, tous tombés d'accord : superbe ! Un décor rock, gris métal et aéré. Nouvelles technologies obligent, le futur ministre reçoit des appels vidéo, le maire arrive avec son Mac Book, les costumes sont tendance et la femme élégamment vêtue se dresse et entre en résistance ! Tenue coquette qu'elle va progressivement enlever, il fait si chaud !

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
Et l'histoire, vous la connaissez, le mari préfère à la femme, la politique, la réussite, le pouvoir… Alors que la femme, elle, a juste envie qu'on la regarde et qu'on s'occupe d'elle. A minima… Ni sotte, ni idiote, comme il est fréquent encore de l'entendre lorsqu'une femme se montre en tenue légère et décolletée. Clarisse veut juste être considérée. C'est simple, si simple finalement. Tellement qu'on se demande comment en 2020 nous en soyons encore à défendre notre place ? À se positionner toujours, tout le temps ! Et à devoir se mettre "à nu" pour se faire remarquer. Et à remettre au goût du jour un classique qui n'a pas meilleure publicité que ce qu'on vit présentement.

Feydeau n'est pas démodé, la preuve. Le spectacle est réjouissant, on rit, on sourit face à toutes les partitions données. Qu'elles soient vocales, musicales ou mimées. Il y a un gros travail de direction d'acteurs et un autre, très chiadé, de synchronicité, c'est épatant.

On passe un moment délicieux à suivre cette histoire qui pourrait avoir été écrite hier, dont on pourrait dire qu'elle est : "dans l'air du temps" alors que… non finalement. On s'émeut face à cette femme qui exagère pour attirer le regard de son mari, on vit la scène avec eux puisqu'ils se baladent de bas en haut, de cour à jardin dans une élocution remarquable et un jeu d'acteurs admirable.

Ce soir-là, l'épidémie n'avait pas encore déferlé au Théâtre Paris-Villette et je conseille justement comme remède ce spectacle réussi pour contrer l'anxiété que les médias propagent, oubliant encore trop souvent, de parler culture, place des femmes, et spectacle bien vivant !

"Toute nue"

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.
D'après Feydeau et Lars Norén.
Conception et mise en scène : Émilie Anna Maillet.
Avec : Arthur Chrisp, Sébastien Lalanne, Denis Lejeune, Marion Suzanne, François Merville (batterie), Noé Mercklé (cadrage vidéo).
Scénographie : Benjamin Gabrié.
Vidéo : Jean-François Domingues, Maxime Lethelier.
Réseau : Thibaut Le Garrec.
Musique : François Merville.
Lumière et régie générale : Laurent Beucher.
Construction du décor : Benjamin Gabrié, Yohann Chemmoul et les Ateliers de La Comédie de Saint-Étienne.
Participation vidéo : David Migeot, Fabrice Pierre et François Kergoulay (dans le rôle de Georges Clémenceau).
Par la Cie Ex Voto à la lune.
Durée : 1 h 15.

Du 16 au 26 mai 2024.
Du mardi au samedi à 20 h 30 et dimanche à 16 h 30.
Théâtre de la Tempête, Salle Copi, Paris 12e, 01 43 28 36 36.
>> la-tempete.fr

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.

© Maxime Lethelier.
© Maxime Lethelier.

Isabelle Lauriou
Mercredi 15 Mai 2024

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© Ève Pinel.
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© Betül Balkan.
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On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

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