La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Le Conte d'hiver"... Comme une folle équipée dans un conte de fées en version déjantée

"Le Conte d'hiver", en tournée

L'une des particularités joyeuses et vivifiantes - comme l'air frais et sec d'un matin d'hiver - dans les créations de l'Agence de Voyages Imaginaires, c'est qu'elles conduisent le spectateur vers des pays spectaculaires, chamarrés, mélodieux et empreints d'une fantaisie imaginative chaleureuse. Cette adaptation du "Conte d'hiver" ne déroge pas à la règle et rafraîchit l'esprit d'une heureuse façon.



© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Sous la plume virtuose de Shakespeare, le théâtre se fait ici conte pour partir à l'exploration de l'âme humaine et faire de la description des noirs travers de l'être, habité de jalousie, de pouvoir, de folie et de tyrannie, une pérégrination dont l'étape finale est une pirouette aux allures de burlesque… Le tout empruntant des cheminements sinueux allant de la mort à l'amour.

Pour mémoire, la fable qui nous est contée traite d'un royal jaloux, monarque de Bohême, qui, dans sa déraison, fait moult misère à sa moitié qu'il soupçonne infidèle et crée fort désagrément à son ancien ami, majesté régnante de Sicile, qu'il croit destinataire de l'adultère. Ce motif aux reliefs tragiques se pare in fine des ornements de la comédie.

Les spectateurs dès leur arrivée sont attirés par quelques gais brouhahas et notes émises par divers saxophone, clarinette, accordéon et autres tambours. Cette musique vagabonde s'échappe d'une structure légère à la transparence lactée, ayant fonction de loges où plusieurs comédiens musiciens entament leurs métamorphoses. Cette opération accomplie, nos saltimbanques, dans une pratique endiablée de fanfare, conduisent le public curieux dans ce lieu, le cœur du théâtre, où toutes féeries et magies opèrent, qui devient ici, pour le sujet qui nous préoccupe, le château de Leontes, roi de Bohême.

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
D'entrée de jeu, la délectation première est visuelle et auditive. Sous les notes enthousiastes des musiciens comédiens et dans le froufrou de leurs costumes bariolés, la féerie théâtrale de l'Agence commence. Du conte, la trame est gardée mais le parti pris est résolument tourné vers une expression décomplexée empruntant, dans le prologue, au déambulatoire festif des arts de la rue pour finir avec une liberté clownesque propre au cirque.

Effectuant une réduction réussie et goûteuse de la pièce de cinq actes en trois, Philippe Car dynamise, voire dynamite façon feu d'artifice son sujet. Le premier acte installe la tragédie en terre de Bohême, le deuxième amène légèreté et fantaisie sous le ciel de Sicile et le troisième, enrichie du personnage du Temps, joue les perturbateurs amuseurs entraînant l'ensemble vers le merveilleux et le féerique.

Les comédiens usant d'une palette d'interprétation colorée distillent poésie, fureur, colère, émotion et hilarité dans une rythmique échevelé, aidé par une mise en scène inventive et pleine d'énergie. L'humour est constamment présent, pétillant, construit sur des anachronismes se référant à l'actualité et sur un comique moqueur farci d'autodérision. Un spectacle d'une fraîcheur vive et intelligente qui laisse le spectateur la tête dans les étoiles, avec l'heureuse impression d'avoir participé à une folle équipée dans un conte de fées en version déjanté.

"Le Conte d'hiver"

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
D'après William Shakespeare.
Adaptation et écriture : Philippe Car et Yves Fravega.
Mise en scène : Philippe Car.
Comédiens-musiciens : Valérie Bournet, Francisco Cabello, Philippe Car, Nicolas Delorme, Lucie Botiveau, Vincent Trouble.
Assistanat mise en scène : Laurence Bournet.
Musiques et direction d’orchestre : Vincent Troube.
Création lumière : Julo Etiévant.
Costumes : Christian Burle.
Décors et accessoires : André Ghiglione et Pierre Baudin.
Contributions de : Sophie Rigaud et Luki Millet
Restauration : Jean Marie Bergey et Benjamin Olinet.
Création son : Pedro Theurier.
Régie lumière et son : Jean-Yves Pillone.
Régie plateau et régie générale : Jean-Marie Bergey.

© Elian Bachini.
© Elian Bachini.
Agence de Voyages Imaginaires Compagnie Philippe Car.
Durée : 1 h 40 sans entracte.
Conseillé à partir de 10 ans.

Tournée
28 janvier 2017 : Le Reflet, Vevey (Suisse).
31 janvier 2017 : Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (74).
1er février 2017 : Maison des Arts du Léman, Thonon-les-Bains (74)
4 mars 2017 : Théâtre André Malraux, Chevilly-Larue (94).
9 et 10 mars 2017 : Espace Lino Ventura, Garges-lès-Gonesse (95).
14 mars 2017 : La Renaissance, Mondeville (14).
17 et 18 mars 2017 : Les Passerelles, Pontault-Combault (77).
5 mai 2017 : Théâtre Jean Le Bleu, Manosque (04).
9 au 11 mai 2017 : Bonlieu, Annecy (74).
16 au 19 mai 2017 : Théâtre de la Renaissance, Oullins (69).

>> voyagesimaginaires.fr

Gil Chauveau
Mardi 7 Mars 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024