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Avignon 2023

•Off 2023• "Mes élèves vont bien" Les maîtres d'écoles sont des jardiniers en intelligences humaines*

Le Festival d'Avignon me fait penser par moments à une immense école. Le programme, composé de près de 1 500 spectacles, tel un guide incontournable, incarne l'instituteur ou l'institutrice. Les élèves sont joués par les nombreux festivaliers et les salles se transforment, le temps d'un été, en salle de classe. Les élèves, ce grand public qui déambule dans les brûlantes rues de la cité, sont sympathiques, rabat-joie, souriants, curieux, concentrés ou indisciplinés. Exactement comme des élèves dans une salle de classe. De tout, il faut de tout pour faire un monde. N'est-ce pas cela l'humanité ?



© OniFilms.
© OniFilms.
Justement ! Parlons-en de cette salle de classe représentée parfaitement sur le plateau du théâtre de l'Atelier Florentin. Un grand bravo à la "scéno" d'Achille Jourdain. Celui qui joue est désormais comédien et relate son histoire alors qu'il était instituteur et directeur d'école. Il s'appelle Christophe Som. Il était cette humanité pendant plusieurs années jusqu'à ce qu'il démissionne pour une raison qu'il exprime simplement : "j'avais l'impression de ne pas pouvoir bien faire mon métier". "Bien faire son métier" quand on est passionné, qu'on donne tout, de sa vie, de son temps, de ses moments de repos pour toujours plus, encore mieux partager son savoir et enseigner.

Rattrapé par ce mastodonte contraignant plus connu sous le nom "d'Éducation nationale", regroupant des fonctionnalités toutes plus incompréhensibles qu'incohérentes pour ne pas dire "tordues", nombreux sont ces enseignants dont la vocation pourtant motivée, laissent tomber tableau, stylos et cahiers pour retrouver sérénité et santé. Ne pas se faire démolir alors que leur seule mission était d'accueillir, partager et instruire.

© OniFilms.
© OniFilms.
Christophe Som, tel un conteur – douceur à l'état pur – nous parle de son parcours semé d'embûches tout en ajoutant les moments de joie et de bonheur. Ces élèves, pendant toutes ces années, lui ont tant apporté. Pourquoi alors démissionner ? Pour tout le reste. Ces courriers, ces mails, les parents mécontents, l'inspectrice ou inspecteur qui écrasent plutôt que soutenir. Tous qui devraient marcher dans la même direction se retrouvent à faire bande à part. Et au milieu, pourtant, les enfants et leur devenir.

Tous, nous sommes allés à l'école. Beaucoup ont connu l'ère du "maître d'école", celui qu'on écoutait, qu'on respectait et qui souvent faisait preuve d'une grande humanité, privilégiant d'abord l'égalité. La chance pour toutes et tous, qu'un élève soit handicapé, de couleurs différentes, moins riche que l'autre ou en difficulté. En laissant partir un homme comme Christophe Som, l'Éducation nationale perd encore un "BON" homme, simple, généreux et passionné. Un homme lassé de se battre contre vents et marées. Si seulement cela pouvait nous faire "marrer" ? Pas vraiment. De bons enseignants, on va en manquer terriblement.

Une salle de classe pleine à craquer n'a pas la même saveur qu'une salle de théâtre bondée, c'est vrai. Moins d'élève dans les classes, pour mieux accompagner, serait une des solutions à trouver. En revanche, des festivaliers nombreux à 21 h 15 à l'Atelier Florentin pour partager ce doux moment de générosité, de talent et d'humanité, est une solution toute trouvée pour comprendre à quel point perdre ces maîtresses et maîtres d'école va devenir un réel problème de notre société.

"Mes élèves vont bien" est une bulle de tendresse dans cet océan de requins qui, de l'éducation, ne comprennent décidément plus rien !

* Victor Hugo.

"Mes élèves vont bien"

© OniFilms.
© OniFilms.
Texte : Christophe Som.
Mise en scène et scénographie : Achille Joudrain.
Avec : Christophe Som.
Compagnie Théâsique.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h 15.

•Off 2023•
Du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours à 21 h 15. Relâche le lundi.
Théâtre Atelier Florentin, 28 rue Guillaume Puy, Avignon.
Réservations : 04 84 51 07 00.
>> atelierflorentin.com

Isabelle Lauriou
Samedi 15 Juillet 2023

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© François Vila.
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