La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Sur le banc d'Avignon" Nous asseoir sur un banc soixante-cinq minutes avec elles, et regarder la vie tant qu'il y en a…

La vie, il y a. Oui, avec Marta, Christine et Nathalie.
Cette belle chanson de Renaud, du moins ces quelques mots, leur siéent à merveille. Elles. Trois femmes, à la fois chanteuses, comédiennes et généreuses. Plus qu'une pièce, c'est un road trio "théâtro-poético-lyrico-zen". Elles nous embarquent dans un voyage alors que leur seul moyen de transport est un banc, posé au centre de la scène. Banc sur lequel elles affichent leur souplesse, leur délicatesse et surtout leur immense jeunesse. Le temps passe, cela va de soi !



© Josiane Mangiavillano.
© Josiane Mangiavillano.
Dans leur dossier de presse, elles ne font pas grande mention de la profondeur des propos qu'elles lancent sans amertume ou rancœur. Absolument pas ! Et pourtant, ce trio délicat nous rappelle que vieillir n'est pas synonyme d'inertie, d'épanouissement terni et de projets rêvés qui ne pourraient plus être exaucés. Au contraire. Toutes formées à la danse, deux d'entre elles au chant, elles s'en amusent et nous en font profiter largement. Elles s'exercent et nous donnent même des codes pour améliorer notre quotidien. Respirer, se relaxer, souffler, tout cela sur des "arias" de beauté.
Senior, et alors ?

Elles sont trois, de belles femmes, assez charismatiques, aux sourires ravageurs. Elles sont, ce qu'on appelle aujourd'hui, des "seniors". Ce terme qui a trait d'abord au sport. C'est exactement cela. Elles sont expérimentées en danse, leur souplesse pourrait rendre jaloux les premiers rangs de spectateurs ne sachant même plus comment poser leurs genoux sans avoir de crampes à la fin d'un spectacle. Qu'il se déroule à Avignon, Carolles ou Jarnac ! Une leçon de vie animée par trois fées bien vivantes. Elles assument leur âge et c'est tellement joli de partager ce moment de gaité en leur compagnie.

© Josiane Mangiavillano.
© Josiane Mangiavillano.
Elles parviennent aussi à mettre en lumière sur un fond de fantaisie, la difficulté de trouver un emploi dans cette jungle très "triée sur le volet" qu'est le monde du spectacle. Si, à 50 ans, de nombreuses artistes, qu'elles soient chanteuses, réalisatrices ou actrices, peinent à trouver du travail dans leur domaine, qu'en est-il alors pour celles qui ont, ou atteignent, la soixantaine ?

Créer. Voilà ce qu'elles ont fait. Comme des copines qui, après trois années d'école chez Lecoq ou Florent, décident de s'unir pour ne pas avoir à subir. Elles se racontent, sans colère, sans jalousie et avec espièglerie. Leur terrain est la scène. Qu'elles soient sur un banc, assises ou debout entre deux chorégraphies qu'elles préparent pour une audition prochaine. Leur terrain de jeu est tout trouvé. Elles s'y amusent comme des gamines dans une cour de récré ! Souriantes, variant les plaisirs du jeu et prouvant au public à chaque instant que ce qui vibre dedans brille aussi dehors. Ce trio s'adore et ça se voit.

Partager le banc soixante-cinq minutes avec elles et de l'émotion pure pour leur jeunesse éternelle.

Le titre est inspiré de "Mistral gagnant", Renaud, 1985.

"Sur le banc d'Avignon"

© Josiane Mangiavillano.
© Josiane Mangiavillano.
"Sur le banc d'Avignon"
Danse, théâtre et chant lyrique.
Création collective : Marta Bentkowski, Christine Loret et Nathalie Sternberg.
Avec : Marta Bentkowski, Christine Loret et Nathalie Sternberg.
Création : lumière Jean Kozine.
Régie : Jérôme Pastini.
Par la Compagnie en quarantaine.
À partir de 10 ans.
Durée : 1 h.

•Avignon Off 2023•
A été représenté du 7 au 29 juillet 2023.
Tous les jours impairs à 10 h 30.
Théâtre Atelier Florentin, 28, rue Guillaume Puy, Avignon.
>> atelierflorentin.com

Tournée
5 et 6 octobre 2023 : Le Petit Manoir, Asnières-Genevilliers (92).

Isabelle Lauriou
Vendredi 4 Août 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024