La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2023

•Off 2023• "Dos" Un duo dos à dos, côte à côte, confondu l'un dans l'autre… enfin à géométrie variable. Mais, point constant, toujours délicieusement drôle

D'emblée, le titre "Dos", à double entrée (est-ce le chiffre espagnol ou une partie de l'anatomie française ?), entretient une ambigüité qui, au final – on vous rassure –, ne sera pas éclaircie… ou plus exactement le sera dans le sens… où les deux sens se cumulent, au même titre que leurs deux corps distincts finissent (parfois) par n'en faire qu'un se donnant à voir, de profil, de face, ou… de dos.



© Jérôme Bourquin.
© Jérôme Bourquin.
Dans l'esprit léger, aérien, et détaché de tout mortel esprit de sérieux, les deux danseurs incarnant la vie – dans ce qu'elle a de fantaisiste – aiment jouer de tout ce qui peut, au-delà d'un sens donné, susciter le "plaisir des sens". Créer un mouvement de curiosité sans autre frein que l'exigence des chorégraphies composées, réglées au cordeau, tel semble en effet être leur mantra.

Lorsqu'ils se détachent de l'ombre qui les recouvrait, les deux complices en tenue sportive, leurs jambes gainées dans des collants moulants et baskets aux pieds, se tournent le dos dans une parfaite immobilité. Après un long temps d'arrêt sur image, regard fixe, bras tendu devant lui, le danseur du premier plan semble attiré irrésistiblement par l'extrémité de sa propre main l'amenant à amorcer un demi-tour. Son alter ego, se positionnant derrière lui, tend ses mains en appui… Toujours dans le plus grand silence, le porteur s'approche, met sa main sur celle du danseur, fait bouger lentement son bras…

Après avoir pris le temps de la découverte de leur corps, ils se retrouveront pour interagir en parfaite complicité. Allongé au pied du porteur qui, solidement campé sur ses deux jambes, lève les bras vers le ciel, le danseur le regarde fixement. Au rythme sifflant d'une télécommande pneumatique imaginaire, le danseur exécutera les mouvements saccadés répondant aux impulsions délivrées à distance par son mentor. Remake clownesque d'un certain Charlot, relié à une télécommande.

© Jérôme Bourquin.
© Jérôme Bourquin.
Enlacés en position accroupie, faisant d'eux une sorte de divinité hindoue à plusieurs bras et deux têtes, ils se relèveront, le danseur délicatement allongé dans le berceau offert par les bras du porteur, pour donner naissance à… une Piéta improbable ! Sous l'effet sans aucun doute de la grâce qui les touche alors, quelques paroles impénétrables comme le sont les "voix" de Dieu seront grommelées.

De nombreuses autres figures exploreront l'espace dans une joyeuse suite de marches, de poursuites et de combats mimés – à moins que ce ne soit des rocks endiablés – pour se terminer par une scène éthérée montrant les doigts de l'un et de l'autre s'attirer irrésistiblement, prêts à s'effleurer. Pour peu, on se croirait à la Chapelle Sixtine, face au chef-d'œuvre – certes là, revisité… – de "la Création d'Adam" peint par Michel-Ange.

Un autre tableau montrera le porteur étendu, dos plaqué au sol, faisant monter et descendre à la force des poignets le danseur, avec bruits d'élévateur "à l'appui". La mécanique se déréglant, il sera secoué comme un shaker pour finir dans une chevauchée fantastique… Succèdera la figure aérienne du danseur soulevé à bout de bras comme un avion, au nez fendant l'air et aux deux ailes déployées.

Enfin, le déshabillage et l'habillage de l'un par l'autre, pour, torse nu et en slip, se vêtir d'un chapeau melon, d'une veste noire cintrée et de bottines à boutons, équipement pour le moins surréaliste, s'inscrira dans le droit fil de l'atmosphère féérique baignant cette étrange rencontre de deux danseurs à l'œil lumineux. Avec, "cerise sur le gâteau" en guise de dernier acte, un masque qui tombera particulièrement "au poil"…

Dans cette parenthèse hors du temps, entre gestes caresses et acrobaties clownesques, figures expressives teintées d'une pointe d'humour délicieux, détournement d'images sacrées ou empruntées au quotidien, Marco Delgado et son complice, Valentin Pythoud, ont dessiné de leurs corps sculptés, sous nos regards éblouis par tant de légèreté sereine, le visage "en-joué" d'un certain bonheur.

Vu le mardi 18 juillet 2023 à L'Atelier (La Manutention) à Avignon.

"Dos"

© Jérôme Bourquin.
© Jérôme Bourquin.
Conception et chorégraphie : Nadine Fuchs et Marco Delgado en collaboration avec Valentin Pythoud.
Avec : Marco Delgado et Valentin Pythoud.
Collaboration et production : Rosine Bey.
Production : Delgado Fuchs - Association Goldtronics.
Tout public dès 9 ans.
Durée : 40 minutes.

•Avignon Off 2023•
A été représenté du 10 au 20 juillet 2023.
Tous les jours à 11 h 05.
Hivernales - CDCN d'Avignon, hors les murs à l'Atelier (La Manutention), Avignon.
>> hivernales-avignon.com

Tournée
19 et 20 janvier 2024 : Festival Smell Like Circus à Viernulvier, Gent (Belgique).
27 et 28 janvier2024 : Festival Suresnes Cités Danse, Théâtre Jean Vilard, Suresnes (92).
Novembre 2024 : Festival Immersion, L'Onde - Centre d'Art, Vélizy-Villacoublay (78).
Novembre 2024 : Festival Hors Pistes, Les Halles de Schaerbeek, Bruxelles (Belgique).

Yves Kafka
Dimanche 30 Juillet 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024