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Festivals

"Next" Un festival véritablement pluriel ouvert sur le monde !

Pour sa 16e édition, le festival "Next", qui s'est déroulé du 9 novembre au 2 décembre, fut présent dans 16 villes françaises et belges avec 36 spectacles de théâtre, de danse et de performance. Nous en faisons une deuxième et dernière incursion avec deux représentations, "Traces - discours aux nations africaines" et "Mirlitons", créations aux contours artistiques et thématiques très différents.



"Blind Runner" d'Amir Reza Koohestani, présenté à La Condition Publique (Roubaix) © Benjamin Krieg.
"Blind Runner" d'Amir Reza Koohestani, présenté à La Condition Publique (Roubaix) © Benjamin Krieg.
Tout est musiques et paroles dans "Traces - Discours aux nations africaines". Étienne Minoungou s'avance. Sa voix claire et aérienne est reposante. Il est accompagné du chanteur, compositeur et musicien multi-instrumentiste Simon Winsé. Tous les deux sont du Burkina Faso. Le texte est de l'écrivain et économiste sénégalais Felwine Sarr qui a travaillé, entre autres, sur la restitution d'œuvres d'art aux pays d'origine du continent africain sous la présidence Macron. Son discours parle de l'Afrique et de sa relation au Monde, de la considération qui en émane, marquée par une histoire faite de massacres et de surexploitation des grandes puissances coloniales.

Notre période, jamais trop lointaine de l'esclavage, proche de la colonisation et baignant actuellement dans une forme de néocolonialisme dont l'Afrique essaie de se libérer, apporte encore aujourd'hui une image étriquée et quelques fois teintée de mépris du continent noir en Europe. L'Afrique, continent aux multiples visages fantasmés depuis des décennies de soi-disant sous-développés, voire de sauvages, autant par les racistes à court d'idées et d'humanité que par une culture aux relents parfois coloniaux, est un continent aux cultures riches et très différentes traversées par un rapport à l'autre fait d'ouvertures.

"Traces" © Véronique Vercheval.
"Traces" © Véronique Vercheval.
Le texte est éminemment politique et Étienne Minoungou arrive à créer une forte interaction avec le public. Ce n'est pas que propos. C'est surtout l'incarnation d'un texte porté avec conviction et élégance. Sur ces deux aspects, la dynamique de jeu propose un clair-obscur où, de l'image dévalorisante que les colons blancs et de leurs générations fils ont (eu) de l'Afrique, c'est avec le sourire et de temps en temps le rire qu'Étienne Minoungou y répond. L'analyse de ce constat, au travers des propos de Felwine Sarr, en dresse un portrait et une critique parfois ironique, toujours argumentée, jamais légère.

L'approche du comédien est de faire de l'écrit de Felwine Sarr un propos plein d'à-propos qu'il peut tenir loin d'une tribune. Car il rejette loin de lui la force oratoire du tribun pour adopter l'élégance amicale du verbe. Ce qui rend le spectacle captivant.

Le discours est ponctué de chants côté jardin avec Simon Winsé, aux cordes, qui est rejoint parfois par Étienne Minoungou. Il raconte l'Afrique, berceau de l'Humanité et décrit sa jeunesse, porteuse d'espoir et d'avenir. Texte riche, apaisant, de paix et de combat pour faire en sorte que l'Afrique soit considérée comme ce qu'elle est, une terre de lumière et de soleil. Le comédien, de sa voix envoûtante de douceur, raconte, dit, parle, relaie et incarne la pensée de l'économiste sénégalais. L'acte est autant déclamatoire que relationnel face à un public qu'il interpelle. L'improvisation déborde dans des à-propos où il laisse voir sa répartie.

Tout est dans l'incarnation. Le corps est roi et n'est pas théâtral qui veut, pour reprendre le propos de Camus. La présence physique du comédien est indéniable, mêlant aussi bien du calme et de la sérénité avec un corps bien ancré au sol. Ses expressions faciales lui permettent de délimiter son périmètre de jeu et de rayonner scéniquement. Son calme est soutenu par ses membres inférieurs, enracinés aux planches comme un arbre à sa terre, quand sa sérénité est alimentée par des expressions joyeuses, donnant à la représentation une force et un aspect captivant.

L'intérêt du spectacle n'est pas que dans les propos politiques tenus, mais surtout dans le jeu expressif de l'interprète. Les mots étant accompagnés aussi bien d'inflexions vocales que faciales autoporteuses, ces deux supports d'expression donnent à voir un discours qui peut être décorrélé de celles-là. Car regarder et entendre Étienne Minoungou procurent théâtralement un plaisir qui, avec la compréhension du discours, mêle aux idées une forme gracieuse et convaincante d'élocution.

"Mirlitons" © Thibault Manuel.
"Mirlitons" © Thibault Manuel.
"Mirliton" démarre par un personnage allongé (Aymeric Hainaux), traîné au sol et porté par son alter ego (François Chaignaud). Le théâtre prend ses aises où seuls les corps parlent en silence. Le premier est inanimé quand le second est dans le mouvement et la force. Nous sommes dans un rapport inversé de "dominé dominant" où le protagoniste à porter influe sur la latitude d'action du porteur. Dans cette entame, c'est la relation à l'autre qui se trouve questionnée où les protagonistes sont à la fois dans une situation de support, de contraintes et d'opposition. Puis s'enchaînent des bruitages avec des sons étranges et originaux avec, entre autres, la bouche, alimentée de tapotements sur la joue par un crayon de bois. Quelques costumes apportent une touche étriquée au tableau. Tout est répétitif dans ces enchaînements de sons et de gestiques.

Apparaissent des mouvements de Flamenco avec les taconeos et une gestuelle très physique où les bras sont plongeants pour suivre ceux-là. Les membres supérieurs n'ont pas la gestuelle flamenca, l'objet artistique n'étant pas celui-ci. Chaignaud lève, de façon répétitive et durant un long moment, la jambe droite jusqu'au genou de la jambe gauche. L'artiste tape à dessein de manière exagérée son talon (tacon) sur les planches, permettant d'opérer un mariage sonore avec les bruitages effectués par Hainaux. Pour celui-ci, il en est le support principal quand pour Chaignaud, il en ajoute une dynamique corporelle.

"It's a Match - Faire atterrir le spectacle vivant dans le nouveau régime climatique" © Jonas Verbeke.
"It's a Match - Faire atterrir le spectacle vivant dans le nouveau régime climatique" © Jonas Verbeke.
Ces sonorités dégagent un rythme endiablé comme celle d'une musique effectuée sans instrument, mais avec le corps, la bouche et les talons étant aux commandes. Les rôles entre nos deux artistes s'inscrivent dans une répartition où le premier est dans une position phonique quand le second intègre un rapport très physique. Chaignaud est l'aiguillon et le créateur d'une atmosphère où la répétition autant sonore que gestuelle donne un rythme endiablé quand pour Hainaux, il est dans un rôle de bruitage qui apporte une résonance très originale à ce qui se joue sur scène. Ainsi, le mouvement se trouve amplifié par le son. Celui-ci en devient une caisse de résonance.

C'est à tour de rôle que les trois arts se succèdent et se chevauchent. Quelques instants après l'entame de la représentation, la danse et la musique prennent le relais du théâtre. Celui-ci donnait à voir une situation très contrainte d'opposition quand, ensuite, pour la musique et la danse, les corps se libèrent, mais dans un cadre toujours restreint. Par la répétition, le spectacle devient obsessionnel et corporellement phonique, les bruitages devenant de plus en plus importants. Ils donnent un aspect presque assourdissant à des mouvements dont le pré-carré tourne autour d'une sonorité et de mouvements réduits à dessein, le but recherché étant de créer une atmosphère soutenue de rythme effréné qui occulte l'espace scénique.

"Traces - Discours aux Nations Africaines"
En Français, surtitré en Néerlandais.
Texte : Felwine Sarr (Sénégal).
Mise en scène : Étienne Minoungou (Burkina Faso).
Musique : Simon Winsé, kora et flûte peule (Burkina Faso).
Vidéo : Emmanuel Toe.
Création lumières : Rémy Brans.
À partir de 12 ans.
Durée : 1 h.
A été interprété le 10 novembre au "Phénix" de Valenciennes et le 13 au Budascoop de Courtrai.

"Mirlitons"
Conception : Aymeric Haineaux (France) et François Chaignaud (France).
Avec : Aymeric Haineaux et François Chaignaud.
Collaboration artistique : Sarah Chaumette.
Création costumes : Sari Brunel.
Création lumières et régie générale : Marinette Buchy.
Régie son : Aude Besnard, Jean-Louis Waflart.
Durée : 1 h.

A été joué le 11 novembre au CC Het Spoor, Harelbeke (Belgique), les 14 et 15 à l'Espace Pasolini à Valenciennes, les 18 et 19 à L'Oiseau-Mouche à Roubaix.

16e Festival Next
A eu lieu du 9 novembre au 2 décembre 2023.

>> nextfestival.eu
>> Programme

Safidin Alouache
Lundi 4 Décembre 2023

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À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
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"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

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En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
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"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024