La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Marie-Nicole Lemieux au Festival Palazzetto Bru Zane

Dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane à Paris, la contralto Marie-Nicole Lemieux donnait un récital de mélodies françaises accompagnée par son vieux complice Daniel Blumenthal au Théâtre des Bouffes du Nord. Un concert mémorable entre rires et émotion.



© DR.
© DR.
Le Palazzetto Bru Zane, Centre de musique romantique française installé à Venise, a pour vocation de favoriser la redécouverte et le rayonnement international du répertoire français - parfois méconnu ou oublié - des années 1780-1920. Pour cette 4e édition de son festival se tenant début juin, certains des concerts vénitiens de l'année ont été ainsi donnés à Paris, mais aussi des nouveautés. Ce ne sont pas moins de huit soirées qui ont embelli les soirées de la capitale avec une recréation d' "Olympie" un opéra de 1819 de Gaspare Spontini, des concerts de musique de chambre pour des formations à géométrie variable (duo, trio, quatuor, quintette) et enfin ce récital très attendu de la chanteuse québécoise Marie-Nicole Lemieux.

Une soirée d' "Invitation au voyage" donc pour une promenade sur les terres de la mélodie française avec des compositeurs plus ou moins en vogue, tous inspirés par des poètes tels Charles Baudelaire, Théodore de Banville ou Paul Verlaine - qui se taille la part du lion avec pas moins de douze poèmes mis en musique sur un programme de vingt-quatre airs. Programme que la contralto connaît bien sur scène et sur disque. Parmi les compositeurs majeurs, Gabriel Fauré et ses "Cinq mélodies de Venise" (1891), Henri Duparc avec quatre mélodies dont cette fameuse "Invitation au voyage", mais aussi une "Sérénade florentine" (1881) de Henri Cazalis (le grand ami de Mallarmé), une superbe "Phidylé" (1882) d'après Leconte de Lisle et bien-sûr Claude Debussy avec quelques chefs-d'œuvre extraits du livre II des "Fêtes galantes".

© DR.
© DR.
Mais le programme mettait aussi l'accent sur un répertoire moins arpenté avec l'élève de Fauré, Charles Koechlin, inexplicablement oublié malgré ses cent mélodies composées ; Guillaume Lekeu (un élève de César Franck et Vincent d'Indy) disparu à vingt-quatre ans, auteur des textes comme de la musique (ses ravissants "Trois Poèmes" 1892), et Reynaldo Hahn, compositeur précoce dont la postérité n'a retenu que la liaison avec Marcel Proust - à tort. En témoignent ces quatre magnifiques mélodies dont de sublimes "Heure exquise" (1890) et (en troisième bis de la chanteuse) "A Chloris".

Pour ces pièces raffinées, où s'enrichissent le piano allègre ou rêveur et la magie des vers, quelle autre voix pouvait mieux que celle de Marie-Nicole Lemieux les porter à ce haut degré d'intensité avec ce somptueux art du chant ? Malgré une légère gêne à la gorge (et une petite difficulté dans la plénitude de l'aigu), son timbre rare, pénétrant, généreux et sa faculté à ciseler chaque mot sans forcer les sentiments ont envoûté le public. Prompte à rire du moindre incident (Daniel Blumenthal se trompant une fois d'ordre dans le programme), sa personnalité exubérante ravit mais Marie-Nicole Lemieux impressionne aussi par son implication absolue et son art subtil du récit avec ce répertoire charmant, et parfois poignant.

© DR.
© DR.
Concert entendu le 6 juin 2016.

Diffusion prévue ultérieurement sur France Musique.

Festival Palazzetto Bru Zane à Paris.
4e édition du 3 au 9 juin 2016.
>> bru-zane.com

Prochains spectacles de la Fondation Bru Zane :

11 octobre 2016 : "Proserpine" (1872) de C. Saint-Saëns à l'Opéra Royal de Versailles.
Du 16 décembre 2016 au 7 janvier 2017 : "Les Chevaliers de la Table Ronde" (1866) de Hervé au Théâtre de l'Athénée (Paris).

Christine Ducq
Lundi 13 Juin 2016

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024