La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

"On aura tout vu !"… et c'est peu dire !

C'est la 11ᵉ édition du festival Palazzetto Bru Zane qui est le "rendez-vous de la musique romantique française", comme il se décrit, et qui, pour cette édition, met à l'honneur des compositrices méconnues telles que Juliette Dillon, Henriette Renié et Mel Bonis. Le focus que nous faisons concerne une création autour de chansons de café-concert, accompagnées d'un répertoire musical des XIXe et XXe siècles et dans lesquelles la facétie est un élément important.



© Olivier Lalane.
© Olivier Lalane.
Cela démarre alors que le public n'a pas encore fini de s'installer. Un machiniste de plateau (Pierre Lebon) est derrière un gros bloc noir en train de préparer la scène. La trame dramaturgique est celui d'un spectacle qui ne se déroule pas comme prévu. Des loupés de démarrage, une scène qui ne descend pas comme il faut, un machiniste qui essaie tant bien que mal de résoudre des problèmes de décors et de lumières, le public se retrouve dans les coulisses d'une représentation qui englobe et confond dans un espace-temps réduit le moment d'une générale ou a minima d'une répétition et celui d'une première. Les artistes sont sur une ligne de crête à chaque instant où les facéties alternent avec des chansons, de la musique et du théâtre.

Le jeu est très corporel avec des protagonistes fortement maquillés. Ils semblent être sortis tout droit d'une fable de commedia dell'arte même s'ils en sont, avec la gestique, très différents. Leur approche est appréhendée d'une façon aussi marquée avec pour chacun leur périmètre de jeu, leur rôle spécifique et leur tessiture vocale, l'ensemble se complétant.

© Olivier Lalane.
© Olivier Lalane.
Les chansons d'Aristide Bruant, Yvette Guilbert, ainsi que les compositions de Vincent Scotto, Hervé, Borel-Clerc et Erik Satie nous emmènent dans un voyage musical remontant de la fin du XIXe jusqu'au milieu du XXe siècle. Nous naviguons dans une atmosphère joyeuse avec des opérettes et des chansons et où la mezzo-soprano Marie Gautrot se trouve confrontée à une préparation scénographique des plus aventureuses. Elle est aussi comiquement susceptible de vexation tout en sachant garder un professionnalisme afin d'occulter les problèmes qui l'entourent.

La création est découpée en plusieurs temps forts dans un décor représentant une petite scène noire, avec sa grande affiche derrière éclairée de grosses lumières. Il est un élément principal avec une mise en place qui dure plusieurs moments. Il est le "La" de la représentation.

Les personnages oscillent ainsi entre amateurisme comique et professionnalisme autour d'une chanteuse (Marie Gautrot), d'une pianiste (Delphine Dussaux), d'un machiniste de plateau (Pierre Lebon) et d'un meneur (Flannan Obé) qui dirige le spectacle et joue son propre rôle, à savoir de concepteur et de metteur en scène en donnant des directives pour pallier certains manquements. Le machiniste de plateau endosse parfois d'autres rôles, comme celui de remplacer un bref moment la chanteuse. Seule la pianiste incarne une certaine discrétion. Elle accompagne le spectacle de son piano en chantant à deux reprises.

© Olivier Lalane.
© Olivier Lalane.
Les personnages sont très différents et ont leurs propres attitudes et gestiques qui font qu'un décalage s'opère entre eux. Il y a aussi un autre décalage, tout aussi permanent, entre ce qui se passe sur les planches et ce qui doit réellement s'y passer. Nous sommes ainsi dans une double focale avec des coulisses qui se jouent sur les planches et, à certains moments, un dévoilement de ce qui doit être ni vu ni su du public.

"On aura tout vu ! Une nuit au café-concert" est un joli cocktail de théâtre, de chanson et de musiques servi avec beaucoup de facéties. C'est rafraîchissant et drôle.

A été représenté du 14 au 16 juin aux Bouffes du Nord dans le cadre du 11e Festival Palazzetto Bru Zane.

"On aura tout vu ! Une nuit au café-concert"

© Olivier Lalane.
© Olivier Lalane.
Conception et mise en scène : Flannan Obé.
Avec : Flannan Obé (ténor), Pierre Lebon (baryton), Marie Gautrot (mezzo-soprano), Delphine Dussaux (piano).
Collaboration artistique, création décors et costumes : Pierre Lebon.
Création lumières : Ingrid Chevalier.
Régie générale et lumières : Bertrand Killy.
Œuvres de Bruant, Guilbert, Scotto, Hervé, Borel-Clerc, Satie, etc.
Production Bru Zane France sur une idée du Palazzetto Bru Zane.
En coproduction avec la Ferme de Villefavard en Limousin.
Durée : 1 h 15.

11e Festival Palazzetto Bru Zane.
Le rendez-vous de la musique romantique française.
Du 3 au 26 juin 2024.
Programmation dans six lieux à Paris :
Amphithéâtre-Cité de la Musique (19e), Salle Gaveau (8e), Auditorium de Radio France (16e), Théâtre des Bouffes du Nord (10e), Bibliothèque Musicale La Grange-Fleuret (8e) et Théâtre des champs-Élysées (8e).

Palazzetto Bru Zane - Centre de musique romantique française
San Polo 2368, 30125 Venise, Italie.
>> bru-zane.com

Safidin Alouache
Lundi 24 Juin 2024

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
Mais qui est donc cette incontournable Carolina ? Ou, plus exactement, qui se cache derrière cette artiste plutôt extravagante, à la folie douce ? De qui est-elle l'extension, au juste ?

L'éternelle question autour de l'acte créatif nous interpelle souvent, et nous amène à nous demander quelles influences l'homme ou la femme ont-ils sur leurs "créatures" fabriquées de toutes pièces ! Quelles inspirations les ont portées ! Autant de questions qui peuvent nous traverser particulièrement l'esprit si tant est que l'on connaisse un peu l'histoire de Miguel-Ange Sarmiento !

Parce que ce n'est pas la première fois que Carolina monte sur scène… Décidément, elle en a des choses à nous dire, à chaque fois. Elle est intarissable. Ce n'est pas Rémi Cotta qui dira le contraire, lui qui l'accompagne depuis déjà dix ans et tire sur les ficelles bien huilées de sa vie bien remplie.

Rémi Cotta, artiste plasticien, graphiste, comédien, chanteur lyrique, ou encore metteur en scène, sait jouer de ses multiples talents artistiques pour confier une parole virevoltante à notre Carolina. Il suffit de se souvenir du très original "Carolina Show", en 2010, première émission de télé sans caméra ayant reçu de nombreux artistes connus ou moins connus ou le "Happy Show de Carolina", ainsi que les spectacles musicaux "Carolina, naissance d'une étoile", "Le Cabaret de Carolina", ou encore " Carolina, L'Intelligence Artificielle".

"Différente" est en réalité la maturation de plusieurs années de cabarets et de spectacles où Carolina chante pourquoi et comment elle est devenue une star internationale tout en traversant sa vie avec sa différence". Miguel-Ange Sarmiento.

Brigitte Corrigou
08/11/2024
Spectacle à la Une

"Tout va très bien !" Le Grand Orchestre du Splendid, bon pied bon œil, revient avec de la musique sur tous les fronts

Voir les choses en grand tout en restant léger ! Prendre du plaisir et, surtout, en donner ! Voilà la philosophie du Grand orchestre du Splendid qui régale le public depuis 1977. Bientôt 50 ans… Bientôt le jubilé. "De la musique avant toute chose" et vivre, vivre, vivre…

© Aurélie Courteille.
En 1977, quelques amis musiciens professionnels se retrouvent entre eux et décident de s'amuser en réinterprétant des classiques tels que ceux de Ray Ventura ou de Duke Ellington. Ce qui ne devait être qu'un plaisir entre copains devient vite un succès immédiat qui dure depuis presque 50 ans. Mais quel est donc le secret de cette longévité entre rythmes endiablés, joyeuses cadences et show totalement désopilants ?

Ne le leur demandez pas ! Ils ne vous en diront rien… Si tant est qu'ils le sachent eux-mêmes, tant cette énergie semble ancrée en eux depuis toutes ces années, indéfectible, salvatrice et impérissable.

Entre swing, jazz, salsa, reggae – quatre de leurs principales influences –, ou encore fiesta et mises en scène délirantes, les quatorze chanteuses et musiciens de l'Orchestre mythique enchantent le public, sur la scène du Café de la Gare, depuis le 11 novembre. Comme à leurs premières heures, et en échappant pourtant aux codes et impératifs de la mode, ils nous donnent irrésistiblement envie de monter sur scène pour danser à leurs côtés sur le plateau, frétiller, sautiller, et tout oublier l'espace de quelques instants. Leur énergie communicative est sans failles, et gagne sans commune mesure toutes les générations. Les cuivres étincellent. Les voix brillent de mille feux sonores.

Brigitte Corrigou
13/11/2024
Spectacle à la Une

"Jacques et Chirac" Un "Magouille blues"* décapant et burlesque n'occultant pas le mythe du président sympa et séducteur

Une comédie satirique enjouée sur le pouvoir, le mensonge et la Cinquième République portée par une distribution tonitruante et enthousiaste, dégustant avec gourmandise le texte de Régis Vlachos pour en offrir la clownesque et didactique substantifique moelle aux spectateurs. Cela est rendu aussi possible grâce à l'art sensible et maîtrisé de l'écriture de l'auteur qui mêle recherche documentaire affinée, humour décapant et bouffonnerie chamarrée pour dévoiler les tours et contours d'un Jacques sans qui Chirac ne serait rien.

© Fabienne Rappeneau.
Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

Le président disparu en 2019 fut un homme complexe composé du Chirac "bulldozer" en politique, menteur, magouilleur, et du Jacques, individu affable, charmeur, mettant autant la main au cul des vaches que des femmes. Celui-ci fut d'abord attiré le communisme pour ses idéaux pacifistes. Il vendra même L'Humanité-dimanche devant l'église Saint-Sulpice.

La diversité des personnalités importantes qui marquèrent le début de son chemin politique joue tout autant la complexité : Michel Rocard, André Malraux et, bien sûr, Georges Pompidou comme modèle, Marie-France Garaud, Pierre Juillet… et Dassault comme portefeuille ! Le tout agrémenté de nombre de symboles forts et de cafouillages désastreux : le bruit et l'odeur, la pomme, le cul des vaches, les vacances à l'île Maurice, les amitiés avec les despotes infréquentables, l'affaire ELF, etc.

Gil Chauveau
03/11/2024