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Lyrique

"L'Arlésienne/Le Docteur Miracle"Entre conte musical et aventure épique… Georges Bizet toujours d'actualité !

La 12e édition du festival Palazzetto Bru Zane, centre de musique romantique française, se tient du 24 mai au 2 juillet et fête les 150 ans de la mort de Bizet. Au Théâtre du Châtelet, jusqu'au 3 juin, "L'Arlésienne" et "Le Docteur Miracle" sont couplés dans des mises en scène de Pierre Lebon où le jeu théâtral, l'opéra-comique et la danse sont accompagnés par l'orchestre de chambre de Paris.



"L'Arlésienne" © Thomas Amouroux.
"L'Arlésienne" © Thomas Amouroux.
Inspiré d'un drame qu'a vécu le poète Frédéric Mistral avec le suicide de son neveu, Alphonse Daudet écrit "L'Arlésienne" que l'auteur décline ensuite en pièce de théâtre. George Bizet en compose différentes interventions musicales. La pièce connaît un échec cuisant, arrêtée après dix-neuf représentations mais sa musique rencontre un succès certain. Hervé Lacombe le décline aujourd'hui en conte musical sous la direction de l'orchestre de chambre de Paris.

La mise en scène de Pierre Lebon est basée sur la narration, celle du vieux berger Balthazar (Eddie Chignara). Il est à la fois protagoniste, lecteur théâtral et omniscient par le récit qu'il en fait et qui supplée à l'action. Il en est le cadre et le fil directeur. La parole donne corps au silence, le verbe au geste. Les dialogues entre les personnages, à l'exception d'une seule, sont uniquement corporels, les voix étant passées sous silence, sauf au travers de Balthazar qui les fait vivre en les disant.

"L'Arlésienne" © Thomas Amouroux.
"L'Arlésienne" © Thomas Amouroux.
Dans cet état transitoire où le verbe se fait presque acte, le conte musical marche essentiellement sur les deux pieds de Balthazar. Malgré le talent d'Eddie Chiragna, "L'Arlésienne" reste principalement cantonné dans un pré-carré narratif, les autres protagonistes existant par les gestuelles et les chorégraphies. Le silence les animant, la parole prend le pas sur le geste et les occulte quelque peu par rapport à Balthazar.

La scénographie est superbe avec une grande ferme en arrière-scène, celle du Castelet où sont montrés dans son intérieur des tableaux de paysages, de travaux des champs pour planter symboliquement un décor champêtre. Le théâtre dans le théâtre intervient avec une affiche du spectacle d'époque de la création de la pièce que l'on découvre au démarrage. Il est aussi présent quand Balthazar interpelle parfois des personnages pour cadencer leur rythme de jeu. Cela apporte une touche d'humour.

Balthazar investit une grande partie du plateau, bien qu'il se retrouve souvent sur une petite scène composée de planches à l'intérieur du Castelet. Il est en scène et sur scène. Le théâtre est autant narratif que corporel, avec un jeu physique très important, basé sur des chorégraphies qui contrebalancent autant le silence que le verbe de la narration. Ce qui apporte de façon judicieuse un équilibre entre les deux. Le spectacle est audacieux dans son approche, avec un apport chorégraphique qui permet de désaxer la fable et de la transformer en récit théâtral.

"Le Docteur Miracle" © Thomas Amouroux.
"Le Docteur Miracle" © Thomas Amouroux.
"Le Docteur Miracle" est un opéra-comique en un acte de Georges Bizet sur un livret de Léon Battu et Ludovic Halévy créé aux Bouffes-Parisiens en 1857 d'après la pièce de théâtre de Richard Brinsley Sheridan, "Saint Patrick's Day" (1775).
C'est une opérette pleine de vie et d'humeur, souvent joyeuse. C'est comique et vif, avec des accents de commedia dell'arte. Les postures et les attitudes sont le tégument du jeu théâtral. Les personnages ont les visages chamarrés de blanc et les traits bien dessinés en noir. Ils sont habillés de couleurs rouges et blanches. Ils s'accompagnent de chants lyriques qui alternent avec des déplacements très physiques et un jeu théâtral, à dessein, extrêmement marqué.

Gestes, postures et facéties sont les trois leviers sur lesquels la soprano Dima Bawab, la mezzo-soprano Héloïse Mas, le ténor Marc Mauillon et le baryton Thomas Dolié rivalisent de facéties. Le chant lyrique est là pour porter à son paroxysme des émotions et des situations qui sont incarnées physiquement.

La scénographie présente un décor à plusieurs niveaux. Aussi, les personnages se retrouvent fréquemment à différentes hauteurs. Dans cette configuration, les situations et les ruptures de jeu peuvent être appréhendées par le public autant visuellement, que lyriquement et théâtralement. C'est plein d'espièglerie avec un ressort de jeu comique, parfois grave, souvent léger.
◙ Safidin Alouache

"L'Arlésienne/Le Docteur Miracle"

"Le Docteur Miracle" © Thomas Amouroux.
"Le Docteur Miracle" © Thomas Amouroux.
Direction musicale : Sora Elisabeth Lee.
Mise en scène, décors et costumes : Pierre Lebon.
Lumières : Bertrand Killy.
Orchestre de Chambre De Paris.
Durée totale : 3 h avec entracte.

L'Arlésienne
Conte musical pour récitant, ensemble vocal et orchestre.
Texte : Hervé Lacombe d'après Alphonse Daudet.
Avec : Eddie Chignara, Pierre Lebon ou Morgan L'Hostis, Aurélien Bednarek, Iris Florentiny.
Soprano : Dima Bawab.
Mezzo-soprano : Héloïse Mas.
Ténor : Marc Mauillon.
Baryton : Thomas Dolié.

Le Docteur Miracle
Opéra-comique en 1 acte.
Livret : Léon Battu et Ludovic Halévy.
Avec : Dima Bawab, Héloïse Mas, Marc Mauillon, Thomas Dolié, Pierre Lebon ou Morgan L'Hostis.

Dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane.
Du 24 mai au 3 juin 2025.
Sept représentations dans le cadre du Festival Palazzetto Bru Zane Paris.
Du mercredi au samedi à 20 h, mardi à 19 h, dimanche à 16 h avec une relâche le dimanche 25 mai.
Théâtre du Châtelet, Grande Salle, Paris 1er, 01 40 28 28 40.
>> chatelet.com

Safidin Alouache
Lundi 2 Juin 2025

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Concerts | Lyrique







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