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Avignon 2018

•Avignon Off 2018• Quatre clowns jetés dans le grand cirque de la politique mondiale

"Bienvenue en Corée du Nord", Théâtre des Halles, Avignon

Le territoire le plus hermétique du monde a laissé pénétrer sur son sol… des clowns… oui ! Mais il faut avouer que ces créatures étranges, nez proéminents, accoutrements bizarres, visages blafards et traits surlignés s'étaient déguisés en touristes absolument basiques pour franchir les contrôles.



© Alban Van Wassenhove.
© Alban Van Wassenhove.
Une ruse félonne pour les autorités de Corée du Nord qui n'ont pas décelé le stratagème. Comment auraient-elles pu imaginer que cette petite bande de jeunes Occidentaux décadents dissimulaient en réalité de dangereux activistes du rire ?

C'est ce voyage, réalisé il y a trois ou quatre ans, que la Compagnie La Cité/Théâtre raconte sur scène via le regard d'une incroyable fantaisie que permet l'art clownesque. Les codes de ce jeu si particulier, mélange savant de naïveté, de puérilité parfois, mais surtout d'une sensibilité immédiate, confrontés à cette plongée dans la prison à ciel ouvert qu'est la Corée du Nord forment un cocktail détonant. Une manière extraordinaire de mettre en relief la folie des hommes.

Qui en effet mieux que des fous pour parler de la folie ? Et qui mieux que des clowns sont capables de regarder sans ciller ni juger, l'absurde, la peur et la détresse humaine ?

© Alban Van Wassenhove.
© Alban Van Wassenhove.
Plateau vide, rideau rouge, les quatre personnages, chacun dressé dans sa parure personnelle, maquillages, nez et colifichets déboulent, valises en main, tombés de l'avion.Ils arrivent directement de leur voyage dans le désordre joyeux de champions de la gaffe… Ils sont enchantés, séduits, émerveillés par cette Corée du Nord complètement merveilleuse, ce peuple tout à fait charmant, cette organisation parfaite, cet accueil si bien encadré comme une bande de touristes revient d'un séjour inoubliable.

C'est l'axe qu'Olivier Lopez et ses comédiens ont choisi pour nous faire découvrir et savourer la culture Nord-Coréenne, ses usages, ses règles implacables. Une manière corrosive à souhait qui donne aux rires une amertume savoureuse. Derrière cette frénésie de situations cocasses et d'accidents de parcours, il y a un immense travail de création que Marie-Laure Baudain, Laura Deforge, Alexandre Chatelin, Adélaïde Langlois ont déployé.

D'abord, pour que chacun des quatre personnages ait son caractère particulier, son accoutrement personnel, sa manière de bouger, de parler… Une invention qui donne à l'ensemble du spectacle du ressort. Ensuite, pour se répartir les rôles, les interventions, en fonction des sensibilités de chacun et de leurs traits de caractère, de manière à ce que chaque réplique ricoche, que chaque situation provoque réactions et bouffonneries à se tordre.

"Bienvenue en Corée du Nord" est ce très beau travail, ce moment de rire et de découverte, salutaire.

"Bienvenue en Corée du Nord"

© Alban Van Wassenhove.
© Alban Van Wassenhove.
De : Marie-Laure Baudain, Laura Deforge, Alexandre Chatelin, Adélaïde Langlois et Olivier Lopez.
Mise en scène : Olivier Lopez.
Avec : Marie-Laure Baudain, Laura Deforge, Alexandre Chatelin, Adélaïde Langlois.
Costumes : Angela Seraline.
Décors : Luis Enrique Gomez.
Création lumières : Éric Fourez.
Régie plateau : Simon Ottavi.
Régie lumières : Louis Sady.
Compagnie La Cité/Théâtre.
Durée : 1 h 20

•Avignon Off 2018•
Du 6 au 29 juillet 2018.
Tous les jours à 14 h, relâche le lundi.
Théâtre des Halles, Salle Chapitre,
Rue du Roi René, Avignon.
Réservation : 04 32 76 24 51.
>> theatredeshalles.com

Bruno Fougniès
Dimanche 22 Juillet 2018

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© Pics.
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© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
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"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

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© Alejandro Guerrero.
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La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023