La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2018

•Avignon Off 2018• "Les Fourberies de Scapin"… En un élan créatif et impertinent, une version chaleureuse et revigorante

"Les Fourberies de Scapin", Théâtre La Luna, Avignon

Jeunesse amoureuse, frondeuse et insoumise. Amour acté et signé sans consentement de leurs géniteurs et, en secours rusé mais généreux, l'homme Scapin au pedigree de valet futé donne la cadence de la danse. Dans un pur esprit de troupe, Emmanuel Besnault et une ribambelle de comédiens musiciens chanteurs nous prouvent, avec impétuosité et fraîcheur, l'intemporalité du texte de Molière.



© Compagnie L’Éternel Été.
© Compagnie L’Éternel Été.
Le répertoire n'a de cesse que d'être revisité, c'est son destin, son malheur ou son bonheur… Chacun apprécie en fonction de la proposition artistique. La pièce de Molière, "Les Fourberies de Scapin", en fait bien sûr partie. Et si j'allai un peu à reculons, bien que connaissant le jeune talent à l'œuvre, voir cette énième version, j'en revins fort satisfait tant le travail de cette jeune compagnie était riche de virtuosité et d'une joyeuse énergie.

D'entrée de jeu, la dynamique est impulsée par une introduction musicale et chantée avec un entrain qui donne immédiatement le tempo qui sera insufflé tout au long du spectacle. Cela est amplifié par une distribution astucieuse de la totalité des rôles à cinq comédiens, générant ainsi des passages de scènes rapides et fluides. Et l'option choisie, de faire jouer Argante (le père d'Octave) par le comédien (Schemci Lauth) interprétant Léandre et Géronte (le père de Léandre) par Manuel Le Velly qui joue également Octave, agit comme un exorcisme ludique et éminemment comique.

© Compagnie L’Éternel Été.
© Compagnie L’Éternel Été.
Seuls Scapin (Geoffrey Rouge Carrassat) - vif, au regard malicieux, malin et souple comme un singe - et Sylvestre (Benoît Gruel) sont interprétés par un seul acteur. Chacun, dans une fougue quasi juvénile, entretient le rythme effréné adopté sans jamais se départir de sa justesse de jeu et de diction. Seule femme de la partie, Deniz Turkmen (Hyacinthe, Zerbinette et Nérine) est rayonnante dans ses compositions et apporte une intelligence et un charme féminins à l'ensemble.

Le metteur en scène, Emmanuel Besnault, use ici avec intelligence et passion de son expérience* de la commedia dell'arte et de son amour pour les théâtres de troupe et de tréteaux. Ainsi, associant le jeu burlesque, celui des baladins, des amuseurs publics et autres saltimbanques ainsi que celui musical des troubadours, en une synthèse enthousiaste, il magnifie avec audace et un rien d'effronterie joviale le texte du sieur Molière.

Son approche scénique est généreuse et éminemment inscrite dans une cinématique joyeuse et inventive. Les trouvailles de mise en scène sont nombreuses et initient des intelligences de décors ou d'effets que l'on trouve rarement dans une jeune compagnie. La scène du sac et des coups de bâton est traitée de manière originale et invite le public à se retrouver embarqué, drapé, dans l'intimité de l'action. Une des idées fortes d'Emmanuel Besnault… qui, "après coups", fait mouche !

© Compagnie L’Éternel Été.
© Compagnie L’Éternel Été.
Cette proposition d'Emmanuel Besnault et de la compagnie L’Éternel Été agit comme une cure de jouvence... mais sans omettre de porter l'éclairage sur l'éternelle aventure, romancée ou pas, des amours entravés pour d'aussi éternelles futiles raisons familiales, religieuses, de classe ou d'États ; et sur les joutes universelles entre notre bienveillante humanité et nos attraits vénaux.

* Acquise entre autres avec le rôle d'Arlequin dans "Arlequin valet de deux maîtres" de Goldoni à la Comédie Italienne en 2013. Ce théâtre est le lieu de référence de la commedia dell'arte à Paris (et seul théâtre italien en France). Ce dernier, après avoir été contraint de fermer pour cause de difficultés financières dues à la baisse importante de ses subventions, tente de renaître, grâce à la vente de costumes et de quelques discrets mécènes, en proposant une création (d'après des textes d'auteurs italiens), "Les Délices du Baiser", depuis le 16 novembre 2016.

"Les Fourberies de Scapin"

© Compagnie L’Éternel Été.
© Compagnie L’Éternel Été.
Texte : Molière.
Mise en scène : Emmanuel Besnault.
Avec : Emmanuel Besnault, Benoit Gruel, Schemci Lauth, Deniz Turkmen, Manuel Le Velly.
Lumières : Cyril Manetta.
Scénographie : Emmanuel Besnault.
Musique : Manuel Le Velly.
Par la Compagnie L’Éternel Été.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2018•
Du 6 au 29 juillet 2018.
Tous les jours à 13 h 10, relâche le mardi.
Théâtre Buffon,
18, rue Buffon, Avignon.
Réservations : 04 90 27 36 89.
>> theatre-buffon.fr

Gil Chauveau
Samedi 14 Juillet 2018

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024