La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2017

•Avignon In 2017• Antigone, une héroïne d'actualité, une pièce sans cesse renouvelée… à l'honneur du Festival d'Avignon

"Antigone", Cour d'honneur du Palais des papes, Avignon

En 441 avant J.-C., un dramaturge grec du nom de Sophocle écrit une pièce qui raconte une révolte. Antigone, c'est l'histoire d'une jeune fille qui défit l'autorité de son oncle, l'autorité du gouvernement, pour accomplir ce en quoi elle croit. C'est l'histoire de celle qui va jusqu'à sacrifier sa vie au nom de ses valeurs. Antigone c'est l'histoire d'une utopiste.



Au Musée National de Tokyo en 2004 © Uchida Takuma.
Au Musée National de Tokyo en 2004 © Uchida Takuma.
Étéocle et Polynice, après l'abandon du trône par Œdipe, choisissent de se partager le pouvoir : ils décident de gouverner tour à tour une année chacun. Étéocle est le premier à régner mais, à la fin de l'année, il refuse de céder sa place à son frère. Polynice lève une armée. Cette guerre compta de nombreux morts et, pour sauver le reste de leurs hommes, Étéocle et Polynice décidèrent finalement de s'affronter mutuellement et s'entre-tuèrent. Étéocle a droit aux funérailles mais pas Polynice car Créon le qualifie de traître puisqu'il a attaqué la cité.

Antigone va à l'encontre de l'interdiction de son oncle d'enterrer son frère. Dans les mœurs grecques, priver un mort de sépulture, c'était le condamner à errer cent ans sur les bords du Styx, en proie aux pires tourments. Antigone ne reconnaît pas les lois écrites, c'est-à-dire les lois civiles, qui sont variables en fonction du temps et de la civilisation. Elle ne respecte que les lois divines qu'elles considèrent comme transcendantales et inviolables. Au théâtre, elle est connue comme celle qui a osé s'imposer, qui a osé dire non.

L'été dernier, dans le cadre du off, Jean-Charles Raymond nous transportait en Espagne avec son "Antigona". Le choix de ce pays s'expliquait par son rapport à la mort, notamment avec la corrida. L'Espagne semblait le lieu idéal pour implanter la tragédie. La compagnie La Naïve en profitait également pour introduire le thème de l'homosexualité et mettait en scène un hommage touchant pour les victimes des attentats homophobes qui ont eu lieu le 12 juin 2016 à Orlando, aux États-Unis. Le spectacle proposait une mise en scène très show-business et cabaret, faisant de Tirésias un présentateur transformiste.

À l'ancien Stadium de Delphes en 2004 © Tamura Naoko.
À l'ancien Stadium de Delphes en 2004 © Tamura Naoko.
Cette année, le festival d'Avignon In s'ouvrira sur une adaptation d'Antigone mise en scène par Satoshi Miyagi. Le spectacle sera en japonais surtitré en français. Une conférence portant sur l'intérêt de continuer à représenter Antigone sur scène, intitulée "Antigone, tragédie nécessaire", se tiendra le lundi 10 juillet à 16 h 30 sur le site Louis Pasteur Supramuros de l'Université d'Avignon et des Pays de Vaucluse. Elle réunira Satoshi Miyagi, Yoshiji Yokoyama (dramaturge) et Tiphaine Karsenti (maître de conférences en Études théâtrales à l'Université Paris 10-Nanterre) et sera animée par Christian Biet (professeur d'histoire et esthétique du théâtre à l'Université Paris 10-Nanterre).

Le mythe d'Antigone sera également représenté sous la forme d'une lecture-concert d'après une adaptation de Stéphane Michaka, mêlant cinq acteurs et quinze musiciens de l'Orchestre national de France. La représentation se déroulera les dimanches 9 et lundi 10 juillet à 20 h dans la Cour du Musée Calvet.

"Antigone" a su traverser les époques et les civilisations. Notre société n'a plus rien à voir avec l'antiquité grecque. De nos jours, la religion occupe une part beaucoup moins importante, la population oscillant entre l'athéisme et le monothéisme. "Antigone" n'est pas une pièce moderne mais Antigone est un personnage moderne. Elle représente l'essence même de l'humain par l'affirmation de son libre-arbitre. La liberté transcende la vie elle-même.

Aller voir "Antigone" au théâtre, c'est se voir conter la même histoire mais différemment. Chaque metteur en scène et chaque troupe nous offrent sa vision de la pièce. Ce classique ne cessera pas de vivre tant qu'il y aura de nouveaux artistes pour le présenter et le représenter. Antigone est l'histoire d'une jeune fille qui, par sa mortalité, a atteint l'éternité. C'est l'histoire de celle qui est devenue un symbole d'acceptation et d'affirmation de soi. C'est l'histoire d'un rêve qui devient réalité.

"Antigone"

© Uchida Takuma.
© Uchida Takuma.
Texte : Sophocle.
Spectacle en japonais surtitré en français.
Traduction : Shigetake Yaginuma.
Mise en scène : Satoshi Miyagi.
Assistanat à la mise en scène : Masaki Nakano.
Avec : Asuka Fuse, Ayako Terauchi, Daisuke Wakana, Fuyuko Moriyama, Haruka Miyagishima, Kazunori Abe, Keita Mishima, Kenji Nagai, Kouichi Ohtaka, Maki Honda, Mariko Suzuki, Micari, Miyuki Yamamoto, Moemi Ishii, Momoyo Tateno, Morimasa Takeishi, Naomi Akamatsu, Ryo Yoshimi, Soichiro Yoshiue, Takahiko Watanabe, Tsuyoshi Kijima, Yoji Izumi, Yoneji Ouchi, Yu Sakurauchi, Yudai Makiyama, Yukio Kato, Yuumi Sakakibara, Yuya Daidomumon, Yuzu Sato.
Musique : Hiroko Tanakawa.
Scénographie : Junpei Kiz.
Lumière : Koji Osako.

© Hirao Masashi.
© Hirao Masashi.
Costumes : Kayo Takahashi.
Coiffure et maquillage : Kyoko Kajita.
Durée : 1 h 45 estimée.
Production Shizuoka Performing Arts Center.
Coproduction Festival d'Avignon.


Du 6 au 12 juillet 2017.
Jeudi, vendredi, samedi, lundi, mardi, mercredi à 22 h.
Cour d'honneur du Palais des papes, Avignon.
>> festival-avignon.com

Ludivine Picot
Vendredi 9 Juin 2017

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024