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Avignon 2017

•Avignon Off 2017• Une succulente et clownesque version du très shakespearien "Othello"

"Othello", Espace Roseau, Avignon

Soyons clairs, "Othello", c'est quinze à vingt personnages, une dizaine de décors différents, sans compter les duels à l'épée, les traversées maritimes, l'assemblée des Doges, les rues de Venise, les plages et les palais de Chypre, la chambre nuptiale de Desdémone, les fêtes, les conciliabules sur l'esplanade… et, là, ils sont deux sur un plateau nu.



© DR.
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Enfin, ils sont deux, oui et non, pas vraiment, deux avec des extensions, comme qui dirait, des prothèses, des excroissances de l'imaginaire comme tout clown qui se respecte, deux clowns. Lui, c'est Francis. Elle, c'est Carpatte. C'est Carpatte qui raconte et Francis, lui… (chuchoté) Francis, il faut qu'on lui explique parce qu'il ne comprend pas tout au bon moment, et parce que lorsqu'il se lance dans une gondole et qu'il part à toute berzingue, ce n'est pas facile de l'arrêter pour continuer l'histoire.

Bref, un duo, un peu à l'image du clown blanc et de l'auguste, mais pas rigide et posés comme ceux dont on a l'habitude. Carpatte et Francis, c'est comme s'ils avaient la frénésie en eux. Des piles. Électriques. Si bien que parfois on croirait qu'il en sort des étincelles. Ils font des bonds, des courses, des folies de paroles et de jeu à toute allure.

Mais non, mais non, ce n'est pas ça. Oubliez. On recommence. Que je vous explique bien.
C'est l'histoire d'Othello, le Maure de Venise… pas le mort, hein... et ça commence. Et chacun des deux clowns va endosser les personnages nécessaires à l'action de la tragédie. Chaque personnage incarné par une attitude simple, drôle, qui correspond si bien aux personnages inventés par Shakespeare qu'on les voit.

© DR.
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Et toujours dans cette frénésie, cette urgence incroyablement drôle, ces ratages, ces recommencements, comme l'acrobate remonte sur le trapèze pour refaire la figure qu'il n'a pas bien réussie, et ce jeu tendre et dynamique qui se développe entre Carpatte et Francis, on halète avec eux. On est pris. On est emportés dans l'histoire, portés sur les éclats de nos propres rires (oui je sais c'est un peu osé comme formule…).

Pourtant, c'est effectivement bien la pièce de Shakespeare qui est narré là en une heure. Et par quelques magies d'éclairages, des disparitions/apparitions rapides dans les coulisses et une tonne et demie de talent, les lieux, les décors et les épisodes de la pièce naissent et vivent.

Carpatte ? C'est Maria Zachenska. Et Francis ? Pierre Cornouaille.
Allez les dévorer, ils sont succulents.

"Othello"

À partir de 6 ans.
Texte : William Shakespeare.
Mise en scène : Maria Zachenska.
Avec : Pierre Cornouaille, Maria Zachenska.
Direction d’acteur et lumières : Pierre Cornouaille.
Scénographie et costumes : Georges Vafias.
Parallèles Compagnie.
Durée 1 h.

•Avignon Off 2017•
Du 8 au 30 juillet 2017.
Tous les jours à 10 h 45 (jours pairs, en alternance avec "Macbeth").
Espace Roseau, Salle Nicolas Gogol,
8, rue Pétramale, Avignon.
Réservations : 04 90 25 96 05.
>> roseautheatre.org

Bruno Fougniès
Mardi 25 Juillet 2017

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

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Brigitte Corrigou
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023