La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2017

•Avignon Off 2017• "F(l)ammes"… Ne pas être pas considérées comme issues des quartiers populaires mais comme appartenant au Peuple

"F(l)ammes", Théâtre des Halles, Avignon

Dans "F(l)ammes", Ahmed Madani met en scène les véridiques récits de la vie contemporaine portés par dix jeunes femmes, fruits de l'Histoire des peuplements successifs du territoire français. Autant de témoignages que les bonnes fées du théâtre ont sublimé.



© François-Louis Athénas.
© François-Louis Athénas.
Les comédiennes ont sculpté de vrais personnages contemporains hauts en couleur qu'elles évoquent sans fard et qu'elles expriment avec une grande de joie de vivre et ce, en dépit du contenu des propos d'un quotidien souvent difficile.

Ces jeunes femmes sont typées, à certains égards extravagantes. Elles appartiennent d'évidence à la vitalité de la ville. La parole est dégagée. Elles expliquent comment elles sont dans la nécessité de quitter les rôles attribués par les traditions familiales, qui les enferment dans un filet de violence et de brutalité ; et combien elles sont mises à l'épreuve pour s'inventer, se forger, se libérer des fidélités. Elles émeuvent. Elles racontent avec aisance leur itinéraire qui cherche à se démarquer de leurs mères qui ont attendu, attendu, tricotant, détricotant les jours comme Pénélope en attente d'un Ulysse providentiel.

Et dans la description des difficultés nées de l'opposition multi séculaire qui oppose les barbares et les urbains, elles font rire, non par le sarcasme ou l'autodérision mais par le partage. L'imaginaire est riche. Le verbe et le geste sont au service d'une métamorphose. Sur la scène c'est une forme de courage qui s'exprime : celui de la fuite qui vous sauve. Au risque du déchirement. Sans jamais perdre le sens de la vie et de l'amour. En conservant la dynamique de retrouvailles. Dans la lucidité.

© François-Louis Athénas.
© François-Louis Athénas.
Le spectateur en les voyant sur scène éprouve un grand bonheur, il assiste en direct à sa dissolution des préjugés : le propre du génie de l'art théâtral quand il ne se veut pas voyeur.

La mise en scène d'Ahmed Madani sait interpeller les consciences par la vidéo, magnifier les corps et les expressions par la lumière et exalter les caractères par le jeu des chorégraphies et du chant choral.

Le réalisme est là. La poésie est là. Les personnages sont là, positifs. Et la leçon du spectacle est là. Ces femmes n'ont pas besoin de fraternité, elles ont des sœurs, pas besoin de liberté, elles en trouvent le chemin, elles ont besoin d'égalité. Celle que devrait leur offrir les canons esthétiques et les codes de la société pour qu'elles ne soient pas considérées comme issues des quartiers populaires mais comme appartenant au Peuple.

Elles ont besoin d'auteur. Où sont les Prévert qui compléteront le magnifique travail de restitution des paroles vraies que fait Ahmed Madani et s'intéresseront, avec lui, avec amour, à ces vies trop souvent malmenées par une mauvaise ironie et moquées par les "télé-réalités".

Le spectateur applaudit ce moment de création qui a l'éclat d'une pépite de beauté.

"F(l)ammes"

© François-Louis Athénas.
© François-Louis Athénas.
Textes et mise en scène : Ahmed Madani.
Assistante à la mise en scène : Karima El Kharraze.
Complicité artistique : Mohamed El Khatib.
Avec : Anissa Aou, Ludivine Bah, Chirine Boussaha, Laurène Dulymbois, Dana Fiaque, Yasmina Ghemzi, Maurine Ilahiri, Anissa Kaki, Haby N’Diaye, Inès Zahoré.
Création vidéo : Nicolas Clauss.
Création lumières et régie générale : Damien Klein.
Conseiller à la scénographie : Raymond Sarti.
Création sonore : Christophe Séchet.
Costumes : Pascale Barré.
Théâtre de la Poudrerie (Sevran).
À partir de 13 ans.
Durée : 1 h 40.

© François-Louis Athénas.
© François-Louis Athénas.
•Avignon Off 2017•
Du 6 au 29 juillet 2017.
Tous les jours à 11 h (relâche le lundi).
Théâtre des Halles, Salle Chapitre,
4, rue Noël Biret, Avignon.
Réservations : 04 90 85 52 57.
>> theatredeshalles.com

Jean Grapin
Jeudi 27 Juillet 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022







À découvrir

"Othello" Iago et Othello… le vice et la vertu, deux maux qui vont très bien ensemble

Réécrit dans sa version française par Jean-Michel Déprats, le texte de William Shakespeare devient ici matière contemporaine explorant à l'envi les arcanes des comportements humains. Quant à la mise en jeu proposée par Jean-François Sivadier, elle restitue - "à la lettre" près - l'esprit de cette pièce crépusculaire livrant le Maure de Venise à la perfidie poussée jusqu'à son point d'incandescence de l'intrigant Iago, incarné par un Nicolas Bouchaud à la hauteur de sa réputation donnant la réplique à un magnifique Adama Diop débordant de vitalité.

© Jean-Louis Fernandez.
Un décor sombre pouvant faire penser à d'immenses mâchoires mobiles propres à avaler les personnages crée la fantasmagorie de cette intrigue lumineuse. En effet, très vite, on s'aperçoit que l'enjeu de cet affrontement "à mots couverts" ne se trouve pas dans quelque menace guerrière menaçant Chypre que le Maure de Venise, en tant que général des armées, serait censé défendre… Ceci n'est que "pré-texte". L'intérêt se noue ailleurs, autour des agissements de Iago, ce maître ès-fourberies qui n'aura de cesse de détruire méthodiquement tous celles et ceux qui lui vouent (pourtant) une fidélité sans faille…

L'humour (parfois grinçant) n'est pour autant jamais absent… Ainsi lors du tableau inaugural, lorsque le Maure de Venise confie comment il s'est joué des aprioris du vieux sénateur vénitien, père de Desdémone, en lui livrant comment en sa qualité d'ancien esclave il fut racheté, allant jusqu'à s'approprier le nom d'"anthropophage" dans le même temps que sa belle "dévorait" ses paroles… Ou lorsque Iago, croisant les jambes dans un fauteuil, lunettes en main, joue avec une ironie mordante le psychanalyste du malheureux Cassio, déchu par ses soins de son poste, allongé devant lui et hurlant sa peine de s'être bagarré en état d'ébriété avec le gouverneur… Ou encore, lorsque le noble bouffon Roderigo, est ridiculisé à plates coutures par Iago tirant maléfiquement les ficelles, comme si le prétendant éconduit de Desdémone n'était plus qu'une vulgaire marionnette entre ses mains expertes.

Yves Kafka
03/03/2023
Spectacle à la Une

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
07/04/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022