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Lyrique

Les ArtScènes, la belle saison des jeunes talents à Nantes

Pendant un mois, le sixième opus du festival Les ArtScènes de Nantes offre au public sur un plateau le travail des voix et des corps à l'opéra et au théâtre. Master-classes et concerts se succèdent jusqu'au 15 octobre 2016 avec notamment Stéphanie d'Oustrac et Jean-Yves Ruf.



© DR.
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Pour cette sixième édition des ArtScènes, son directeur artistique Thierry Pillon a choisi un thème tragiquement d'actualité en donnant à voir et à entendre au public ces "Voies et voix des migrations". Un thème décliné dans douze master-classes et de nombreux concerts donnés dans divers lieux emblématiques de la capitale du duché de Bretagne. Un thème qui donne sa coloration engagée à ce festival original dédié au travail des chanteurs et des acteurs.

Après Sylvia Sass, Teresa Berganza et Laurence Dale, Stéphanie d'Oustrac a donné à neuf jeunes chanteurs les conseils précieux dont ils auront besoin pour la suite de leur carrière (en plus de son récital d'ouverture). La chanteuse Brigitte Balleys et Thierry Pillon, tous deux professeurs à la Haute École de Musique de Lausanne, ont offert quant à eux une classe ouverte à tous le premier week-end d'octobre.

En ce qui concerne les classes de jeu d'acteur et de scénographie, l'invité de cette édition 2016 est Jean-Yves Ruf, qui succède ainsi à Jorge Lavelli et Jean-François Sivadier (entre autres). Le festival a ainsi à cœur de révéler au public les relations étroites entre les différents arts de la scène mais aussi de toucher un auditoire nouveau, pas forcément habitué aux salles de spectacles, opéra ou théâtre.

© DR.
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Ainsi les master-classes ont lieu à l'auditorium du lycée Nelson Mandela situé près du conservatoire régional, au Passage Sainte-Croix dans le centre de Nantes, dans la serre du Jardin des Plantes. Jardin où ont eu lieu plusieurs récitals en soirée où se croisent sans façon familles, badauds et mélomanes convaincus.

Pour Thierry Pillon (voir son interview ci-dessous), c'est une autre façon d'organiser la rencontre du public et des arts, loin des schémas préétablis. Une méthode qui rencontre un vrai succès d'adhésion populaire. Et quelle meilleure ambassadrice que la mezzo Stéphanie d'Oustrac ? La chanteuse rennaise, devenue une star internationale, a fait merveille avec son habituelle simplicité généreuse pour offrir aux jeunes chanteurs la richesse de son expérience (voir son interview ci-dessous).

Énergie, éclats de rire et un émouvant passage de relais ont rendu son enseignement passionnant. Les ArtScènes sont bien cette pépinière d'où est issue la jeune soprano Cécile Houillon qui a donné deux récitals (deux soirées de trois sets chacune) dédiés à des airs d'opéras et de mélodies (les 23 et 24 septembre). Une voix et une présence déjà marquantes dans "L'Invitation au Voyage" de H. Duparc et "L'Heure exquise" de Reynaldo Hahn", un charme vocal évident en Mimi dans des extraits de "La Bohème, qui font tout l'attrait de la jeune nantaise. Une jeune chanteuse à suivre.

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Du 10 au 14 octobre, ce sera au tour de Jean-Yves Ruf de transmettre son art comme metteur en scène de théâtre et d'opéra. De nombreux concerts (parfois gratuits) à venir mettent l'eau à la bouche. Citons par exemple ces "Voix tsiganes" qu'interprétera la soprano (remarquée au Festival d'Aix cet été) Chloé Briot (accompagnée de Michalis Boliakis), et une soirée de clôture qui fera revivre Kurt Weill grâce à la chanteuse Laurence Malherbe.

Festival Les ArtScènes.
Du 21 septembre au 15 octobre 2016.
Une production de L'éternel éphémère.
29, bd de la Liberté, Nantes (44), 09 72 22 15 15.
Renseignements et réservations :
>> lesartscenes.fr

interview_thierry_pillon.mp3 Interview Thierry Pillon.mp3  (7.26 Mo)


interview_stephanie_d__oustrac.mp3 Interview Stéphanie d'Oustrac.MP3  (2.09 Mo)


Christine Ducq
Mercredi 5 Octobre 2016

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Concerts | Lyrique







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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
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© Delphine Royer.
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Isabelle Lauriou
15/05/2025
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"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

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