La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Un voyage déjanté dans "Le Monde de la Lune"

Pour sa sixième collaboration avec la MC 93, l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris, vivier des chanteurs de demain, s’attaque à un opéra (méconnu) de Franz Joseph Haydn, "Il Mondo della Luna", d’après un livret de Carlo Goldoni. Et comme la mise en scène est de surcroît confiée à l’iconoclaste David Lescot, nous n’allons pas être déçu(e)s du voyage !



© DR.
© DR.
Le directeur de la MC 93, Patrick Sommier, a fait un pari des plus audacieux en faisant alliance avec le directeur de l’Atelier Lyrique, Christian Schirm. Un pari gagnant depuis 2007 qui a permis d’exporter en banlieue Est de nobles compositeurs tels Mozart, Cimarosa, Gluck et Martinu. Cette année, c’est Haydn qui franchit le périphérique. Et avec lui, les chanteurs et l’Orchestre-Atelier Ostinato, autre vivier de jeunes musiciens professionnels. Une initiative passionnante qu’on espère reconduite après 2014 (terme du contrat), parce que nous appuyons totalement cette volonté de sortir l’opéra de sa confiscation bourgeoise, comme dirait Jérôme Deschamps. Une volonté de refaire du divin genre de l’opéra un divertissement populaire et sans façon. Mais non pas sans grande ambition artistique !

© DR.
© DR.
De quoi peut bien nous parler cet opéra italien de Haydn ? - qui en a composé dix-sept quand même pour complaire aux Princes Esterhazy, ses "patrons" ! Cet ami de Mozart et professeur de Beethoven reprend à son compte un livret du dramaturge Carlo Goldoni, initialement destiné à un autre, et le fait retoucher (un peu) par un certain Pastor. L’histoire est à première vue délicieusement inactuelle. Un faux savant-astronome et vrai escroc, Ecclitico, fait croire à un riche vieillard naïf (le sieur Buonafede) qu’il peut l’emmener à la cour de l’Empereur de la Lune. Par un amusant jeu de dupes réalisé avec deux complices, Cecco et Ernesto, Ecclitico fait accroire au barbon que la vie est plus douce sur la Lune pour les vieux ! Jeunettes à gogo portées sur le troisième âge, discipline de fer soumettant les épouses... Bref, on lui promet monts et merveilles.

© DR.
© DR.
Ils ne quitteront jamais le jardin d’Ecclitico, mais les trois filles du barbon et nos compères peu scrupuleux trouveront la fortune (aux dépens du vieux Buonafede), si ce n’est l’amour vrai.

Pour sa deuxième mise en scène lyrique, David Lescot dit s’être inspiré de la comédie grinçante d’Ettore Scola, "Affreux, sales et méchants". Cela promet ! Avec un art de la récupération qui lui appartient en propre, David Lescot veut nous broder un joli conte sur les pouvoirs de l’illusion théâtrale - bricolée si possible - et sur l’obsession anthropophage de l’argent dans nos sociétés en crise. Soit. Faisons lui crédit et suivons-le dans "Le Monde de la Lune", en bonne compagnie. Celle des jeunes artistes de demain !

© DR.
© DR.
Spectacle les samedi 22, lundi 24, mercredi 26 et vendredi 28 juin 2013 à 20 h.
MC 93, 01 41 60 72 72 (ou 08 92 89 90 90).
9 bd Lénine 93000 Bobigny.
>> mc93.com

"Il Mondo della Luna" (1777).
Musique : Franz Joseph Haydn (1732 – 1809).
Livret : P. F. Pastor d’après Carlo Goldoni.
Livret en italien, surtitré en français.
Durée : 2 h 20 avec entracte.

Mise en scène : David Lescot.
Scénographie : Alwyne de Dardel.
Costumes : Sylvette Dequest.
Lumières : Paul Beaureilles.

Les Solistes de l’Atelier Lyrique de l’Opéra national de Paris.
Eva Zaïcik, Ernesto.
Joao Pedro Cabral, Oleksiy Palchykov, Ecclitico.
Anna Pennisi, Lisette.
Piotr Kumon, Tiago Matos, Buonafede.
Élodie Hache, Andreea Soare, Clarice.
Armelle Khourdoïan, Olga Seliverstova, Flaminia.
Kevin Amiel, Cecco.

Orchestre-Atelier Ostinato.
Guillaume Tourniaire, direction.

Christine Ducq
Jeudi 20 Juin 2013

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024