La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Sébastien Guèze… Amant idéal de "Manon" à l'Opéra de Marseille

Du 29 septembre au 7 octobre, l'Opéra de Marseille programme "Manon" de Jules Massenet et offre une prise de rôle de choix au jeune ténor Sébastien Guèze. C'est avec le personnage du Chevalier des Grieux que l'un des meilleurs chanteurs de sa génération partagera la scène avec la soprano Patrizia Ciofi dans le rôle titre. Il a bien voulu nous livrer ses impressions sur les répétitions et nous parler de ses projets.



© Christian Dresse 2015.
© Christian Dresse 2015.
La maison d'opéra de Maurice Xiberras programme en cette fin de mois deux œuvres de Jules Massenet. Ce sera "Manon", son grand œuvre, pour quatre représentations et sa suite moins connue (dont l'intrigue se situe trente ans après) avec "Le portrait de Manon", le 3 octobre, mettant en scène un Chevalier Des Grieux âgé de cinquante ans. Pour interpréter le jeune Des Grieux dans "Manon" - œuvre la plus appréciée avec "Werther" du compositeur français - pouvait-on rêver mieux que le ténor Sébastien Guèze ? Assurément non.

Christine Ducq : Comment les répétitions se passent-elles ?

Sébastien Guèze - Très bien ! Je suis arrivé il y a une semaine (début septembre NDLR) et j'ai répété toutes les scènes intimes entre Des Grieux et Manon en tête à tête avec Patrizia Ciofi. L'équipe des solistes est arrivée hier (le 7 septembre NDLR). C'est magique de jouer avec Patrizia !

© Christian Dresse 2015.
© Christian Dresse 2015.
L'alchimie prend-elle entre vous deux ?

Sébastien Guèze - (Il rit). Si cela se passait toujours comme cela avec mes partenaires… Cela ne s'explique pas. Avec certaines chanteuses, il est inutile de discuter car nous nous comprenons immédiatement. Et, avec Patrizia, c'est le cas et c'est un vrai bonheur. Sur scène, je sens avant elle où elle va aller. Elle est tout de suite dans le personnage, dans ses intentions, dans ses regards. Et je suis très réceptif à cela. On peut vraiment parler d'alchimie, oui !

Comment appréhendez-vous le personnage de Des Grieux ? C'est une prise de rôle de surcroît.

Sébastien Guèze - C'est mon premier Massenet. C'est une étape importante dans ma carrière. Chaque année, je choisis un nouveau rôle assez dense. L'an dernier, c'était Hoffmann (dans "Les Contes d'Hoffmann" à Bonn et Wiesbaden NDLR).

Cette année, c'est donc Des Grieux. J'avance encore à tâtons. Bien entendu, je m'étais préparé quelques repères mais il faut maintenant le construire pas à pas et assurer la continuité du caractère sur scène. C'est la difficulté d'une prise de rôle. Je suis dans une phase de travail, je vois ce que je peux proposer vocalement et physiquement. En tout cas, ce rôle est très bien écrit. En ce qui concerne Des Grieux, comme pour tous ces personnages passionnants du grand répertoire, il faut rendre crédible son évolution sur cinq actes - qui est bien réelle. C'est d'abord un jeune homme sans histoires presque naïf qui rencontre le grand Amour - c'est aussi son premier amour. Il connaît ensuite une grande déception quand Manon le trahit pour suivre le financier Brétigny. Il rejette alors complètement la vie et montre la facette plus sombre de sa personnalité avant de renaître à la fin avec son adorée tel un phénix.

Il est passionnant d'interpréter ces différents états, de la légèreté du début à la passion. Puis survient la rage de l'abandon puis la colère dans l'acte des jeux - on pense à Don José à ce moment - jusqu'à la rédemption finale.

© Christian Dresse 2015.
© Christian Dresse 2015.
Est-il difficile de passer par tous ces sentiments ?

Sébastien Guèze - Oui, mais c'est aussi ce que j'adore chanter. Entre l'enlèvement de Manon à la fin de l'acte II et l'entrevue du séminaire de Saint-Sulpice à l'acte III, il se passe théoriquement deux ans. Il faut savoir amener les changements de registres du personnage de façon très discrète et qu'ils paraissent naturels. Je dois varier les couleurs et l'énergie selon les scènes. Tout est de toute façon déjà présent dès le début de l'opéra et une tension est au cœur de la vibration romantique du personnage. Massenet écrit remarquablement.

Allez-vous prochainement chanter "Werther".

Sébastien Guèze - Oui, c'est prévu en 2017.

Les critiques ont longtemps été condescendants avec Massenet et son opéra "Manon" a même été qualifié de "petit chef-d'œuvre" écrit par "un petit maître". Qu'en pensez-vous ?

Sébastien Guèze - (Il rit). Je veux bien avoir le dixième de son talent ! Ses opéras ont de surcroît longtemps fait peur aux maisons lyriques - même si "Manon" a toujours été un succès. Cela dit, ce sont des opéras difficiles à produire car ce sont des œuvres grandioses au contraire - qui nécessitent beaucoup de moyens en termes d'équipes, de décors et de costumes. Le "Manon" de Massenet, c'est trois heures de musique très belle - avec des passages sublimes même. Ce "petit chef-d'œuvre" va être joué ici à Marseille à guichets fermés !

J'en suis heureux car cette maison est la première à m'avoir fait confiance. J'ai chanté ici Gastone (de Létorières NDLR) dans "La Traviata" alors que j'étais encore étudiant au conservatoire à Paris. Je suis retourné ensuite à l'Opéra de Marseille à la fin de mes études pour chanter le rôle d'Arturo dans "Lucia di Lammermoor" de Donizetti. J'avais seulement une petite scène avec Patrizia Ciofi qui chantait Lucia et c'était ma première rencontre avec elle. Je me suis dit déjà à cette époque qu'elle était ébouriffante ! Elle arrivait et en un regard me saisissait. C'était terrible ! Je me disais alors que ce serait un vrai bonheur de partager plus de scènes avec elle. C'était il y a dix ans. Je mesure avec tendresse le chemin parcouru. Je suis vraiment très heureux de vivre cette aventure scénique avec elle aujourd'hui.

© Christian Dresse 2015.
© Christian Dresse 2015.
Qu'allez-vous chanter cette saison ?

Sébastien Guèze - Après "Manon" est prévu "Rigoletto" au Mexique - quasiment une prise de rôle puisque je l'ai chanté, il y a très longtemps, en remplacement d'un ténor souffrant. Après la reprise des "Mousquetaires au couvent" à Toulon, je chanterai Gaston de Béarn dans "Jérusalem" de Verdi à Bonn en janvier-février 2016. En avril, "Le Roi d'Ys" à Saint-Étienne, puis en mai "Roméo et Juliette" à Hong-Kong.

J'essaie de chanter au moins la moitié de l'année en France et de promouvoir une œuvre atypique ou nouvelle. L'an dernier, c'était "Un amour en guerre" à Metz, cette année, ce sera cet opéra mal connu de Verdi "Jérusalem".

Interview réalisée le 8 septembre 2015.

© Christian Dresse 2015.
© Christian Dresse 2015.
Mardi 29 septembre, vendredi 2, mercredi 7 octobre 2015 à 20 h.
Dimanche 4 octobre 2015 à 14 h 30.


Opéra de Marseille,
2, rue Molière, Marseille 1er.
Tél. : 04 91 55 11 10 ou 04 91 55 20 43.
>> opera.marseille.fr

"Manon" (1884)
Opéra en cinq actes.
Musique de Jules Massenet.
Livret de H. Meilhac et P. Gilles d'après le roman de l'abbé Prévost.
Alexander Joël, direction musicale.
Renée Auphan et Yves Coudray, mise en scène.

Patrizia Ciofi, Manon.
Sébastien Guèze, le Chevalier des Grieux.
Jennifer Michel, Pousette.
Jeanne-Marie Lévy, Rosette.
Antoinette Dennenfeld, Javotte.
Etienne Dupuis, Lescaut.
Nicolas Cavallier, le Comte Des Grieux.
Christophe Gay, De Brétigny.
Rodolphe Briand, Guillot de Morfontaine.
Patrick Delcour, L'hôtelier.

Orchestre et Chœur de l'Opéra de Marseille.
Compagnie Julien Lestel.

Retransmission en direct le 2 octobre 2015 sur Radio Classique.

Christine Ducq
Mardi 29 Septembre 2015

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique


Brèves & Com








À découvrir

"Salle des Fêtes" Des territoires aux terroirs, Baptiste Amann arpente la nature humaine

Après le choc de sa trilogie "Des Territoires", dont les trois volets furent présentés en un seul bloc de sept heures à Avignon lors du Festival In de 2021, le metteur en scène se tourne vers un autre habitat. Abandonnant le pavillon de banlieue où vivait la fratrie de ses créations précédentes, il dirige sa recherche d'humanités dans une salle des fêtes, lieu protéiforme où se retrouvent les habitants d'un village. Toujours convaincu que seul ce qui fait communauté peut servir de viatique à la traversée de l'existence.

© Pierre Planchenault.
Si, dans "La vie mode d'emploi", Georges Perec avait imaginé l'existence des habitants d'un bâtiment haussmannien dont il aurait retiré la façade à un instant T, Baptiste Amann nous immerge dans la réalité auto-fictionnelle d'une communauté villageoise réunie à l'occasion de quatre événements rythmant les quatre saisons d'une année. Au fil de ces rendez-vous, ce sont les aspirations de chacun qui se confrontent à la réalité - la leur et celle des autres - révélant, au sens argentique d'une pellicule que l'on développe, des aspérités insoupçonnées.

Tout commence à l'automne avec l'exaltation d'un couple de jeunes femmes s'établissant à la campagne. Avec le montant de la vente de l'appartement parisien de l'une d'elles, écrivaine - appartement acquis grâce au roman relatant la maladie psychiatrique du frère qui les accompagne dans leur transhumance rurale -, elles viennent de s'installer dans une usine désaffectée flanquée de ses anciennes écluses toujours en service. Organisée par le jeune maire survient la réunion du conseil consultatif concernant la loi engagement et proximité, l'occasion de faire connaissance avec leur nouvelle communauté.

Yves Kafka
17/10/2022
Spectacle à la Une

"Qui a cru Kenneth Arnold ?" Une histoire à dormir… éveillé

Levant la tête vers le ciel, qui pourrait soutenir encore que le monde s'organise autour de la Terre centrale et immobile… depuis que Copernic et Galilée ont renversé magistralement la hiérarchie du système solaire, rejetant notre planète Terre - actrice décatie et déchue - au rang d'accessoire de l'étoile Soleil ? De même qui, de nos jours, pourrait être assez obtus pour affirmer que d'autres formes d'intelligences ne puissent exister dans l'univers… depuis que le GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés) a été scientifiquement créé pour démêler le vrai des infox entourant ces phénomènes ? Le collectif OS'O, la tête dans les étoiles (cf. "X", sa précédente création), s'empare de ce sujet ultrasensible pour apporter sa contribution… "hautement" artistique.

© Frédéric Desmesure.
Dans l'écrin du Studio de création du TnBA, une table avec, pour arrière-plan, un écran tendu plantent le décor de cette vraie fausse conférence sur les P.A.N. Mobilisant les ressources de la haute technologie - bricolée frénétiquement - un (vrai) acteur (faux) conférencier de haut vol, assisté d'une (vraie) actrice (fausse) scientifique coincée dans ses notes, et accompagné d'un (vrai) acteur complice, (faux) journaliste critique, incrusté dans les rangs du public, le maître ufologue va compiler les témoignages venus d'ici et d'ailleurs.

Sur le ton amusé des confidences, le conférencier introduit la session en livrant son étrange vision d'une nuit d'été où, à l'aube de ses quinze ans, à 23 h 23 précises, il fut témoin d'une apparition fulgurante alors qu'il promenait son chien sur une plage… Et, encore plus étranges, les deux heures qui suivirent et leur absence de souvenirs, comme s'il avait été "ravi à lui-même", enlevé par les passagers des soucoupes orange…

Suivent d'autres témoignages reposant eux sur des archives projetées. Ainsi, dans l'état du New Hampshire, du couple Betty et Barney Hill, témoignant "en gros plan" avoir été enlevé par des extraterrestres dans la nuit du 19 au 20 septembre 1961. Ainsi, au sud du Pérou, des géoglyphes de Nazca, photographies à l'appui montrant un système complexe de lignes géométriques seulement visibles du ciel… et ne pouvant avoir été tracées que par des extraterrestres…

Yves Kafka
09/02/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022