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Coin de l’œil

Rock’n’Love : Coup de foudre à Rockin’ Hill

Imaginez un croisement entre "Woodstock" et "Coup de foudre à Notting Hill". L’hybridation peut faire reculer, mais vous auriez tort. Car David McKenzie donne un véritable coup de fouet au genre huilé de la comédie romantique, dans un film vraiment rock’n’roll filmé quasiment en temps réel.



© Wild Side Video.
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Enchaînés l’un à l’autre par une paire de menottes… On peut difficilement faire plus simple point de départ pour lancer cette comédie romantique, au cours de laquelle Adam, un chanteur pop américain, et Morello, une rockeuse indé anglaise, se voient contraints de cohabiter intimement, pour, d’engueulades en vannes acides, en arriver à devenir complices et, fatalement, à ne plus pouvoir se passer l’un de l’autre.

Aucune surprise à attendre du côté du scénario donc, qui suit son chemin logique jusqu’à la fougueuse embrassade finale dans la liesse générale. L’originalité et la dynamique de ce "Rock’n’Love" tient à la nature des deux tourtereaux - musiciens de rock - et, surtout, à l’endroit où leur idylle va se nouer : le festival "T in the Park", l’un des plus grands festivals de Grande-Bretagne - rien moins que sept lieux de concerts différents, dont l’inévitable scène géante, plantés sur un gigantesque aérodrome -, qui a lieu le deuxième week-end de juillet en Écosse, et qui voit défiler, pendant trois jours, stars mondiales et groupes en devenir.

© Wild Side Video.
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À cadre exceptionnel, conditions de tournage exceptionnelles : l’équipe s’est installée in situ du jeudi, veille de l’ouverture des festivités, au dimanche, clôture de l’événement. Quatre jours, pas un de plus, durant lesquels il a fallu, au beau milieu d’un chaos certes réjouissant mais imprévisible et d’une foule incontrôlable, filmer en moyenne vingt minutes utiles par jour - pour info, sur un tournage traditionnel, même à petit budget, quand on en filme cinq, c’est Byzance… Avec, pour corser le jeu, l’assurance quotidienne d’un planning chamboulé par la météo et les aléas de la figuration locale.

Car le luxe d’avoir 500 000 figurants gratuits implique aussi que ceux-ci n’en font qu’à leur tête - laquelle étant de surcroît souvent bien chargée en substances diverses… -, sans forcément se rendre compte qu’ils constituent le décor principal d'une fiction. D’où nombre de scènes dans lesquelles les acteurs sont forcés d’improviser, parfois totalement à contre-pied de ce qui était prévu, en fonction des réactions des spectateurs du festival. Un véritable travail d’atelier théâtral punk, auquel Natalia Tena, qui interprète ici Morello mais qu’on a surtout vue dans la peau de la sorcière Nymphadora Tonks dans les derniers volets de la saga "Harry Potter", n’était sans doute pas habituée…

© Wild Side Video.
© Wild Side Video.
Ce tournage à l’arrachée et pratiquement non-stop, qui explose les normes au fond bien délimitées du docu-fiction et démontre de façon éclatante que le cinéma est bien du spectacle "vivant", donne à cette romance classique une authenticité inhabituelle et un ton naturaliste à l’opposé de l’ambiance "conte de fée moderne" qui imprègne en général ce type de productions. Ce qui fait qu’au bout du compte on ne sait plus si l’enthousiasme électrique qui se dégage des images est dû au talent multiformes des comédiens, à la bande-son déchaînée, aux 500 000 exaltés hirsutes qui sautent en hurlant dans chaque coin de l’écran, ou à la folie improvisatrice qui a, par la force des choses, dû gagner toute l’équipe.

Un peu tout cela à la fois, vraisemblablement, d’où l’impression d’avoir assisté, durant 77 courtes minutes, à une expérimentation cinématographique aux limites du raisonnable.

© Wild Side Video.
© Wild Side Video.
● You Instead (Titre français : Rock’n’Love)
Réalisation : David McKenzie.
Scénario : Thomas Leveritt.
Avec : Luke Treadaway, Natalia Tena, Rebecca Benson, Mathew Baynton, Kari Corbett, Cora Bisset, Clare Kelly.
Édité en DVD par Wild Side Video.
Disponible depuis le 29 août 2012.

© Wild Side Video.
© Wild Side Video.

Gérard Biard
Mardi 9 Octobre 2012

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
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C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

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"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

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"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023