La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Que lire cet été ? Des livres en musique !

À la montagne, à la campagne, en forêt, sur la plage, dans la savane, quelle que soit notre destination estivale, pas question de se passer de lecture ! Pour les amoureux des livres, mélomanes ou pas, petite revue de détail de Boulez à Mozart.



Cet été on pourra lire, par exemple, un roman policier, une déclaration d'amour à Mozart, un recueil d'hommages aux artistes lyriques et aux chefs d'orchestre sans oublier un lexique recensant "Les 100 Maux de l'Opéra". De tons, de styles et d'enjeux différents, ils nous permettent de prolonger notre saison musicale et nous emportent en se faisant savants, sarcastiques ou nostalgiques.

Commençons par le (premier) roman policier au titre un brin intrigant "En attendant Boulez" de Yann Ollivier aux éditions Plon. L'ancien directeur d'Universal Music Classics livre une satire férocement drôle d'un milieu qu'il connaît bien. Celui des professionnels de la musique classique que découvre un lieutenant de police mélomane (une jeune femme nommée Jade Valois) alors qu'elle enquête sur une série de meurtres atroces commis à la Philharmonie de Paris, à la Seine Musicale ou au Nouveau Siècle de Lille, dont l'Auditorium accueille (dans le roman) une soirée de remise de Victoires de la musique – Yann Ollivier est également ex-président de cette cérémonie.

Sur les traces d'un tueur particulièrement sadique, l'enquêtrice va faire la connaissance d'une faune que le polar caricature à peine et ce, d'une façon réjouissante. Pour savoir qui a outragé le corps de la star chinoise du piano, Han Li, qui devait interpréter le concerto "Chopart" (mélangeant les styles de Chopin et Mozart) composé par un logiciel mis au point par un ingénieur d'une major de la culture et du divertissement (Entertainment Inc), Jade Valois rencontrera un soliste vaniteux et célèbre, un chef d'orchestre russe (Igor Ostrenkov) aussi doué en direction d'orchestre qu'en harcèlement sexuel, l'administrateur de l'Orchestre National Philharmonique de Radio France (sic), André Zeitoun, plutôt porté sur la bouteille, entre nombreux autres savoureux personnages. La musique adoucit-elle les meurtres ? Rien de moins sûr dans ce roman (à clefs pour les connaisseurs) qui se dévore grâce à un suspens bien mené.

Les Éditions Papiers Musique inaugurent une nouvelle collection, Via Appia, avec trois titres aussi différents que complémentaires. Cette collection, dirigée par les fondateurs du site Forum Opéra Camille de Rijck et Sylvain Fort, entend mettre en lumière les répertoires, les esthétiques, les artistes, constituer une mémoire des grands interprètes et compositeurs disparus mais aussi donner la parole aux vivants dans les livres à suivre.

André Tubeuf livre ainsi en cent un courts chapitres dans "Mozart, le visiteur" ses souvenirs de spectacles comme ses réflexions érudites sur les œuvres du divin Amadeus. "In Memoriam" recueille les articles nécrologiques de Sylvain Fort écrits après les disparitions d'immenses artistes, tels Carlo Bergonzi, Carlo Maria Giulini ou encore Régine Crespin et Gabriel Dussurget. Des hommages qui rendent à cette génération d'artistes les honneurs qu'elle mérite dans la mémoire collective. Christophe Rizoud (contributeur éminent de Forum Opéra comme tous les "lyricomanes" le savent) a, quant à lui, jeté un regard aussi décapant que subtil sur le monde de l'opéra ; traduit dans les cent entrées de ses "100 Maux de l'Opéra".

Un lexique qui se veut autant une déclaration d'amour à l'opéra (voir "Callas", "Métastase" ou "Colorature") qu'une analyse de ses phénomènes historiques (les "Huées" que supportait stoïquement Verdi, voir aussi l'article "Claque" par exemple), économiques ("Grève", "Coproduction"), et sociologiques (voir la section "Avion" dans laquelle l'auteur nous rappelle qu'un voyage climatisé de huit heures entre New York et Paris peut menacer la santé d'un chanteur quand celui-ci doit arriver en catastrophe pour un remplacement alors que Caruso pouvait se reposer dix jours pendant la traversée de l'Atlantique – mais on se précipitera aussi sur les chapitres "Twitter", "Réseaux sociaux" ou "Ponctualité"). Car avec son esprit habituel, Christophe Rizoud ne manque pas d'épingler les tics et travers du monde fou de l'opéra et du "Lyricomane" avec des entrées consacrées au "Smartphone", à la "Toux" ou encore au "Snobisme" - des maux que connait bien tout passionné d'art lyrique. Bonne lecture !


Christine Ducq
Jeudi 27 Juin 2019

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024