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Lyrique

"Pop'pea" au Théâtre du Châtelet : un opéra rock'pop qui met le feu !

Au théâtre du Châtelet, le moins qu’on puisse dire, c’est qu’on innove sans cesse. Son directeur Jean-Luc Choplin, toujours à la pointe du hype, a eu une idée ahurissante - que tous les artistes engagés dans cette aventure trouvent maintenant (presque) évidente : adapter l’opéra baroque de Claudio Monteverdi "Le Couronnement de Poppée" (370 ans au compteur quand même) et en faire un "opéra vidéo-pop" ! Rien que ça…



À l'image: Carl Barât (Nero), Benjamin Biolay (Ottone) © Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
À l'image: Carl Barât (Nero), Benjamin Biolay (Ottone) © Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
"Un pari insensé", "une liberté d’une rareté insensée", c’est ce qu’en dit notre Benjamin Biolay national - qui chante le personnage de Othon, amoureux transi de Poppée et ex-amant. Mais reprenons depuis le début. "Pop’pea", ce n’est plus tout à fait de l’opéra et ce n’est pas non plus une comédie musicale, si on en croit ses créateurs. C’est une œuvre-monstre, hybride, folle, et quoi mieux que la folle passion de Néron pour Poppée - deux beaux monstres - pouvait en être l’argument ?

Un orchestre pop-rock, un casting européen et glam pour une histoire pleine de sexe, de fureur et de mort où les méchants triomphent, quand les vertueux sont punis. Le livret de Francesco Busenello du XVIIe siècle, délicieusement ambigu, avait tout pour plaire au dramaturge Ian Burton qui signe à la fois le livret et les lyrics. Néron, marié à Octavie, aime Poppée, qui est aimée par Othon. Le tout sous les regards sévères du précepteur de Néron, le stoïcien Sénèque.

Néron, c’est le chanteur Carl Barât, un ex des "Libertines" et des "Dirty pretty things". Poppée sera interprétée par la chanteuse lyrique Valérie Gabail (spécialiste du rôle dans le monde de l’opéra baroque), avec la chanteuse de jazz Federika Stahl (Octavie) et Marc Almond, ex de "Soft Cell" dans le rôle de Sénèque. Changement de perspective si on en croit le chanteur tatoué dans le cou : Sénèque, c’est le manager d’une star ingérable et punk-rock, Néron ! L’adaptation musicale est assurée par le compositeur contemporain Michael Torke. Il est secondé pour la ré-orchestration par le guitariste rock Max la Villa et Peter Howard, ex batteur des "Clash".

Quelque part à mi-chemin entre l’opéra et le rock, saluons la création mondiale d’un OCNI (objet chantant non identifié) et une affiche de folie ! Lust, ambition, death, caution. Je vous en reparlerai !

"Pop'pea"

De gauche à droite : Benjamin Biolay (Ottone), Carl Barât (Nero), Achilles 'AC' Charrington (soldat), Anna Madison (Drusilla), Marcus 'Matic Mouth' Smith (Soldat) © Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
De gauche à droite : Benjamin Biolay (Ottone), Carl Barât (Nero), Achilles 'AC' Charrington (soldat), Anna Madison (Drusilla), Marcus 'Matic Mouth' Smith (Soldat) © Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
Un opéra vidéo-pop d’après "L'incoronazione di Poppea" de Claudio Monteverdi.
Adaptation musicale : Michael Torke.
Orchestration : Peter Howard et Max La Villa.
Livret & lyrics : Ian Burton.
Direction musicale : Peter Howard.
Mise en scène : Giorgio Barberio Corsetti et Pierrick Sorin.
Scénographie - vidéo : Pierrick Sorin.
Costumes : Nicola Formichetti.
Lumières : Marco Giusti.
Avec : Valérie Gabail (Poppea), Carl Barât (Nero), Benjamin Biolay (Ottone), Marc Almond (Seneca), Fredrika Stahl (Ottavia), Anna Madison (Drusilla), Joel O’Cangha (Lucano), Achilles ‘AC’Charrington (Soldier 1), Marcus ‘Matic Mouth' Smith (Soldier 2).
Musiciens : Peter Howard (Batterie), Max La Villa (Guitares), Gareth ‘Gaz’ Williams (Basse), Chris McComish (Percussions), Angie Pollock et William Drake (Claviers).

Spectacle du 29 mai au 7 juin 2012.
Mardi (29 et 5), mercredi (30), jeudi (31 et 7), samedi (2) à 20 h.
Dimanche 3 juin à 16 h.
Théâtre du Châtelet, Paris 1er, 01 40 28 28 40.
>> chatelet-theatre.com

Christine Ducq
Samedi 26 Mai 2012

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Concerts | Lyrique







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Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
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© Delphine Royer.
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15/05/2025
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"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

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"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

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