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Lyrique

Pierre Cao, une vie au service de la musique

Pierre Cao, fondateur et directeur artistique du chœur Arsys Bourgogne et des Rencontres Musicales de Vézelay, est un homme précieux. Le monde de la musique n’est pas le seul à saluer la personnalité de ce chef luxembourgeois charismatique ; toute la région Bourgogne et les fidèles de la manifestation, créée il y a quinze ans, sont clairement affectés par son départ. Il a en effet annoncé son retrait de ses deux missions pour la fin de l’édition 2014.



Arsys Bourgogne et La Fenice © François Zuidberg.
Arsys Bourgogne et La Fenice © François Zuidberg.
Issu d’un milieu ouvrier à priori très éloigné du monde de la musique, c’est paradoxalement à une grave maladie contractée dans sa jeunesse qu’il doit d’entrer dans l’école de musique de Dudelange (sa ville natale) et non à l’usine. À dix-huit ans, il dirige la chorale populaire des ouvriers. En 1968 (à trente et un ans), il est lauréat du concours international des chefs d’orchestre "Nikolaï Malko" de Copenhague. Voilà les deux passions de sa vie : la voix (et la chaleur humaine régnant dans un chœur forcément solidaire) et la direction d’orchestre.

Louis Froment lui confie alors le poste de chef assistant à l’orchestre de Radio Télévision Luxembourg (RTL), poste qu’il quittera en 1976. Appelé à d’autres aventures, également pédagogue (beaucoup de chefs européens ont suivi son enseignement à Barcelone et à Dijon), il va donc poursuivre sa double carrière de chef d’orchestre et de chœur. Il reste encore et toujours un militant infatigable de la pratique vocale amateur et professionnelle*. Il enseigne au Luxembourg puis ailleurs en Europe, crée plusieurs chœurs et formations de chambres au Luxembourg, en France, en Allemagne, en Belgique ; vit la vie d’un chef invité à la tête de nombreux orchestres (aux répertoires variés) de premier plan et enregistre aussi.

Pierre Cao © François Zuidberg.
Pierre Cao © François Zuidberg.
Plus de quarante ans à contribuer à construire, avec son grand talent, l’Europe musicale lui laisse cependant des forces intactes et il crée, en 1999, Arsys Bourgogne et les Rencontres Musicales de Vézelay, conçues au départ pour être la vitrine du chœur - dont le siège social est de façon méditée installé à Vézelay. Son ambition ? Créer un ensemble "de très haut niveau qui (lui) permet de faire ce qu’(il) n’a pas pu faire avant".

Il s’agit de recruter des chanteurs capables de chanter Johann Sebastian Bach, de retrouver la source pure du son de Kantor de Leipzig. Pour cela, il n’hésite pas à auditionner mille chanteurs. Arsys étant un chœur à géométrie variable, des profils différents seront recrutés, par exemple pour chanter le "Requiem allemand" de Johannes Brahms en 2010 au Théâtre des Champs-Élysées, puis à Vézelay. Sa double expertise dans le chœur et l’orchestre lui est bien utile pour aborder ces partitions difficiles à diriger à chacun de ces postes.

Rencontré pendant le festival à Vézelay, l’homme provoque immédiatement une très grande empathie. Simplicité, droiture évidente, le charme modeste, on comprend au contact de Pierre Cao ce qu’est la grandeur d’une vie au service de la musique et de sa transmission au plus large public. Avouant qu’il a été tenté de poursuivre son mandat jusqu’en 2016 (une formation éminente qu’il voulait inviter absolument n’était pas libre avant), il lui faut maintenant se ménager. Il est fier à juste titre du niveau atteint par Arsys unanimement loué et du succès des Rencontres Musicales tant public que professionnel.

Une charmante bénévole du festival (et ils sont ici aussi nombreux qu'indispensables) me confiait que la New York Polyphony, invitée à ouvrir ce cru 2014, avait adoré jouer dans des monuments si beaux et si anciens, inexistants Outre-Atlantique. Les longs applaudissements saluant l’engagement du chef historique des Rencontres au concert du samedi 23 août (Arsys et l’ensemble La Fenice dirigés par Jean Tubéry) et les remerciements sur scène de Pierre Cao ont fait de cette soirée un moment de partage très émouvant.

Pour autant, heureusement, Pierre Cao ne prend pas sa retraite. Le public pourra encore l’applaudir le 5 février au Grand Théâtre de Provence et le 28 mars 2015 à la Philharmonie de Paris pour "Carmina Burana", l’impressionnante cantate de Carl Orff. Monsieur Pierre Cao, comptez sur notre fidélité, nous serons là.

Note :
* Pierre Cao a initié la création de l’Institut Européen du Chant Choral (INECC).


● Le dernier CD de "Arsys Bourgogne" Pierre Cao, "La France par Chœur",
dirigé par Bruno Rastier, est sorti en 2014 chez Sony (Label : Vogue
).

Christine Ducq
Mercredi 27 Août 2014


1.Posté par COULON Bernard le 01/05/2019 12:09
Bonjour,
je voudrais communiquer avec Pierre CAO (je suis un ancien contre ténor du Chœur de Chambre de Namur).
Pouvez-vous lui transmettre ce message et lui demander comment je peux communiquer avec lui ?
Merci d'avance
Bernard Coulon

2.Posté par Ducq Christine le 02/05/2019 17:37
Bonjour Mr Coulon, nous n’avons pas d’informations ni la possibilité de joindre Mr Cao. Bien à vous, CD

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Concerts | Lyrique







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Isabelle Lauriou
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Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

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