Pour rappel, Roland Topor fut un artiste aux multiples talents, un provocateur tout-à-tout, ne voulant entrer dans aucune case tout en les fréquentant toutes, avec pour fil conducteur la préservation d'un statut de déconneur et d'adepte de l'humour noir qu'il se forgea sans doute à l'époque de sa collaboration en tant que dessinateur au journal Hara-Kiri (1961). L'année suivante, il participera à la création du mouvement "Panique" avec Fernando Arrabal et Alejandro Jodorowsky.
Il revêtira ensuite, avec réussite, les habits d'affichiste, de peintre, de cinéaste (collaborateur de René Laloux pour "La Planète sauvage, entre autres), d'écrivain (romans, nouvelles, pièces de théâtre, chansons), de poète, de dramaturge, etc., en n'oubliant pas de cultiver la contradiction, l'autodérision et un réalisme antidogmatique. Il s'essayera également au petit écran en imaginant Téléchat avec Henri Xhonneux (1983) et participera aux séries télévisées de son ami Jean-Michel Ribes, Merci Bernard et Palace, toujours dans les années quatre-vingt. Sa pièce "L'Ambigu"* est, quant à elle, publiée en 1996.
Il revêtira ensuite, avec réussite, les habits d'affichiste, de peintre, de cinéaste (collaborateur de René Laloux pour "La Planète sauvage, entre autres), d'écrivain (romans, nouvelles, pièces de théâtre, chansons), de poète, de dramaturge, etc., en n'oubliant pas de cultiver la contradiction, l'autodérision et un réalisme antidogmatique. Il s'essayera également au petit écran en imaginant Téléchat avec Henri Xhonneux (1983) et participera aux séries télévisées de son ami Jean-Michel Ribes, Merci Bernard et Palace, toujours dans les années quatre-vingt. Sa pièce "L'Ambigu"* est, quant à elle, publiée en 1996.
Pour cette dernière, comme à son habitude, Topor va se jouer des idées reçues et questionner, au-delà des genres, l'univers des ressentis, des constructions intimes de soi, du face-à-face amoureux et/ou érotique avec soi-même. Mais toujours avec la force du rire et jouant de sa capacité à la subversion, à la provocation ; et en instillant une bonne dose d'humour noir pour dépeindre la noirceur profonde de l'être tout en célébrant sa puissance de vie… ce qu'associe parfaitement le personnage de Dom Juan, tant chez Molière que la version créée dans "L'Ambigu". En somme, en portant une réflexion sur l’absurde, la société et ses travers.
Et comme souvent dans l'œuvre de Roland Topor, on retrouve des références aux mythes, dont certains ici se croisent. Dom Juan devenant Narcisse, bien sûr, naissant de l'amour passionnel et passionné de cette femme en lui ô combien désirable. Mais aussi Œdipe et surtout Tirésias, "le seul à avoir été transmué en femme puis à nouveau en homme, le seul capable de révéler à Zeus que le plaisir féminin est bien supérieur au masculin". Mais tout cela est traversé chez Topor par une force intrinsèque au "déconnage" qui fait que le narcissisme de Dom Juan, sa façon de parler de la domination que celui-ci a pu exercer comme séducteur invétéré, son donjuanisme exacerbé, deviennent acceptables, jouissifs tout en interrogeant.
Et comme souvent dans l'œuvre de Roland Topor, on retrouve des références aux mythes, dont certains ici se croisent. Dom Juan devenant Narcisse, bien sûr, naissant de l'amour passionnel et passionné de cette femme en lui ô combien désirable. Mais aussi Œdipe et surtout Tirésias, "le seul à avoir été transmué en femme puis à nouveau en homme, le seul capable de révéler à Zeus que le plaisir féminin est bien supérieur au masculin". Mais tout cela est traversé chez Topor par une force intrinsèque au "déconnage" qui fait que le narcissisme de Dom Juan, sa façon de parler de la domination que celui-ci a pu exercer comme séducteur invétéré, son donjuanisme exacerbé, deviennent acceptables, jouissifs tout en interrogeant.
Face à la richesse du texte de Topor, son écriture brute et moderne, l’interprétation de Fabrice Delorme est d’une grande intensité tout en donnant une réelle fluidité au propos. L’ambivalence du personnage de Dom Juan imaginé par l'auteur est subtilement mise en perspective. Face à la diversité des genres que ce dernier initie dans son texte – basculement entre féminin et masculin, narration romanesque et théâtre, monologue et dialogue –, le comédien jongle avec maestria entre incarnation fougueuse et légèreté malicieuse, éclats de rire et tension intérieure, érotisme espiègle et rigidité hautaine, expression virile et port de kimono façon geisha.
En judicieux appui, la mise en scène de Carmen Samayoa est sobre et reste au service du comédien. Son apport dans la direction de jeu tient notamment dans la mise en avant des représentations du masculin et du féminin, comme les habits, le maquillage, les manières d'être, les postures physiques. Ces réflexions sur les conventions culturelles permettent d'enrichir, grâce aux attitudes et aux différents mouvements, la gestuelle du comédien. L'expression visuelle passera aussi par les choix de costumes et rapidement, le kimono, par exemple, s'imposera, Carmen Samayoa étant une admiratrice du théâtre Nô et du Kabuki. Cette proposition du kimono n’est ici pas déguisement, mais l’aboutissement d’une réflexion et la recherche d’une sorte de métamorphose.
Cette pièce de Roland Topor est aujourd'hui tout à fait pertinente face à nos problématiques actuelles concernant les genres, mais aussi, plus en profondeur, elle nous amène à nous demander "qui sommes-nous ?", "quelle est notre part de féminité ?"… Tout cela nous menant à l'une des questions essentielles de l'après #MeToo : comment définir la place de l'homme et de la femme dans une société qui serait enfin construite sur la base d'une parfaite égalité entre le féminin et le masculin… ou plus universellement, entre tous les genres !
◙ Gil Chauveau
* L'ambigu : (En parlant d'une personne, d'une collectivité ou de leurs attributs) Incertain, dont la nature est difficile à préciser, parce qu'intermédiaire entre deux catégories, selon la définition du CNRTL (centre national de Ressources Textuelles et Lexicales).
En judicieux appui, la mise en scène de Carmen Samayoa est sobre et reste au service du comédien. Son apport dans la direction de jeu tient notamment dans la mise en avant des représentations du masculin et du féminin, comme les habits, le maquillage, les manières d'être, les postures physiques. Ces réflexions sur les conventions culturelles permettent d'enrichir, grâce aux attitudes et aux différents mouvements, la gestuelle du comédien. L'expression visuelle passera aussi par les choix de costumes et rapidement, le kimono, par exemple, s'imposera, Carmen Samayoa étant une admiratrice du théâtre Nô et du Kabuki. Cette proposition du kimono n’est ici pas déguisement, mais l’aboutissement d’une réflexion et la recherche d’une sorte de métamorphose.
Cette pièce de Roland Topor est aujourd'hui tout à fait pertinente face à nos problématiques actuelles concernant les genres, mais aussi, plus en profondeur, elle nous amène à nous demander "qui sommes-nous ?", "quelle est notre part de féminité ?"… Tout cela nous menant à l'une des questions essentielles de l'après #MeToo : comment définir la place de l'homme et de la femme dans une société qui serait enfin construite sur la base d'une parfaite égalité entre le féminin et le masculin… ou plus universellement, entre tous les genres !
◙ Gil Chauveau
* L'ambigu : (En parlant d'une personne, d'une collectivité ou de leurs attributs) Incertain, dont la nature est difficile à préciser, parce qu'intermédiaire entre deux catégories, selon la définition du CNRTL (centre national de Ressources Textuelles et Lexicales).
"L’Ambigu"
Texte : Roland Topor.
Mise en scène : Carmen Samayoa.
Avec : Fabrice Delorme.
Collaboration artistique : Mario Gonzales.
Chorégraphie : Shimehiro Nishikawa.
Costume - couture : Nelly.
Création lumière : Otmane Abdesselam.
Chanson : Roland Topor/Reinhardt Wagner.
Graphisme : Alysse Pocquet.
Par la Compagnie de l’If.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 15.
A été créé du 14 mars au 20 avril 2025 au Théâtre Le Guichet Montparnasse, Paris 14e.
•Avignon Off 2025•
Du 6 au 26 juillet 2025.
Tous les jours à 10 h 50. Relâche le ?.
Théâtre de L'Archipel, 25, rue du Rempart de l'Oulle, Avignon.
Réservation : 06 10 94 18 84.
>> Billetterie en ligne
Mise en scène : Carmen Samayoa.
Avec : Fabrice Delorme.
Collaboration artistique : Mario Gonzales.
Chorégraphie : Shimehiro Nishikawa.
Costume - couture : Nelly.
Création lumière : Otmane Abdesselam.
Chanson : Roland Topor/Reinhardt Wagner.
Graphisme : Alysse Pocquet.
Par la Compagnie de l’If.
À partir de 14 ans.
Durée : 1 h 15.
A été créé du 14 mars au 20 avril 2025 au Théâtre Le Guichet Montparnasse, Paris 14e.
•Avignon Off 2025•
Du 6 au 26 juillet 2025.
Tous les jours à 10 h 50. Relâche le ?.
Théâtre de L'Archipel, 25, rue du Rempart de l'Oulle, Avignon.
Réservation : 06 10 94 18 84.
>> Billetterie en ligne