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Avignon 2021

•Off 2021• Le Souffleur Dans l'ombre de la création du Cyrano d'Edmond Rostand

Le 28 décembre 1897, au Théâtre de la Porte Saint-Martin, a lieu la première représentation du "Cyrano de Bergerac" d'Edmond Rostand avec, dans le rôle-titre, le grand comédien de l'époque : Benoît Constant Coquelin. Depuis, cette pièce est l'une des plus célèbres du répertoire du théâtre français. Cyrano, Roxane sont devenus des personnages de légende, des héros, des joyeux fantômes de l'inconscient collectif. C'est l'apport qu'a eu ce texte dans la symbolique de la bravoure, de la passion, de l'abnégation. Un amour impossible de plus.



© Compagnia dell'Edulis.
© Compagnia dell'Edulis.
Pourtant, il manque un héros à cette liste issue de cette première représentation. Il y manque un fantôme, un tout petit fantôme, mais un fantôme protecteur qui était, lui aussi, au plateau ce 28 décembre 1897. Oublié. C'est un peu normal puisque Edmond Rostand n'a pas écrit un vers pour lui. Et pourtant, lui seul dans toute la distribution avait lu, mis en bouche, voire appris, les répliques de tous les personnages de la pièce et, en particulier, celle de l'Auguste Coquelin. Il s'appelait Ildebrando Biribo'. Il était ce soir-là dans le trou en avant-scène, invisible des spectateurs, le manuscrit devant lui, le trou du souffleur.

Et c'était sa dernière performance. Coquelin, avant le début de la représentation, lui annonce qu'il n'aurait plus besoin de lui pour les suivantes. La représentation se déroule. Ildebrando Biribo' fait son office. La pièce se termine. Les acteurs quittent la scène sous les ovations. C'est un triomphe. Ils sortent de scène. Le public quitte la salle. Et l'on retrouve le souffleur mort dans son trou.

© Compagnia dell'Edulis.
© Compagnia dell'Edulis.
La gazette n'a pas parlé de ce drame, les annales n'en ont pas gardé l'infime trace, mais Emmanuel Vacca, lui-même comédien, décide de sortir le personnage de l'ombre et de le ressusciter devant nous sous la forme d'un hommage émouvant aux humbles qui gravitent toujours autour des lumières, qui leur donnent souvent leurs vies et tombent irrémédiablement dans l'oubli.

Mais point de larmes ici, du feu, de la flamme, de la fantaisie et de la comédie dans ce qu'elle a de plus noble, qui se source à la grande commedia dell'arte, au pied de nez à la lune.

Le personnage d'Ildebrando Biribo', interprété avec grâce et espièglerie par Paolo Crocco, est une âme faite de passion, de tendresse, de plaisir. Passion pour les mots, les vers, les personnages, passion pour les comédiens toujours en équilibre instable sur des plateaux en pente et dans des répliques fuyantes. C'est d'amour dont on parle ici. De tragique, d'injustice, et d'amour pour les choses, les actes, les mots.

© Compagnia dell'Edulis.
© Compagnia dell'Edulis.
Paolo Crocco joue tous les rôles, ou presque (la voix de l'auteur suggère sa présence sur scène par instants). Dans le décor de coulisses après un spectacle, son jeu physique, partie mime, partie commedia, installe immédiatement le ton tragi-comique de toute la pièce.

Son énergie sans bornes force un peu l'amitié que l'on ressent pour son personnage. Dans le sens où le comédien "vient nous chercher" et l'on aimerait parfois "aller chercher" le personnage dans des passages où il aurait moins d'adresses au public. Mais l'ensemble de la performance et le texte joliment troussé d'Emmanuel Vacca (texte moderne sans vouloir l'être à tout prix et fuyant délibérément toute complaisance et évidence) sont des valeurs sûres qu'il faut aller apprécier.

"Le Souffleur"

© Compagnia dell'Edulis.
© Compagnia dell'Edulis.
Texte : Emmanuel Vacca
Mise en scène : Paolo Crocco
Avec : Paolo Crocco, Alberto Taranto (régie plateau)
Collaboration Artistique : Fabio Marra
Lumières : Luc Dégassart
Musiques : Claudio Del Vecchio
Costumes : Pauline Zurini
Régie plateau : Alberto Taranto
Décors : Claude Pierson
Production/Diffusion : Sylvain Berdjane.
Par Compagnia Dell'Edulis.
Durée : 1 h 10.

•Avignon Off 2021•
Du 7 au 31 juillet 2021.
Tous les jours à 17 h 15, relâche les 13 et 20 juillet.
Théâtre Au coin de la Lune, 24, rue Buffon, Avignon.
Réservations : 04 90 39 87 29 .
>> theatre-aucoindelalune.fr

Bruno Fougniès
Mardi 20 Juillet 2021

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
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© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
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© Philippe Hanula.
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N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024