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Avignon 2021

•Off 2021• L'Aérien Le fabuleux défi de l'insoupçonnable légèreté de l'être…

Solliciter ressources du corps et de l'esprit unis dans la même entité afin d'affranchir l'humaine condition aux semelles de plomb de la pesanteur la clouant au sol, c'est le prodige réalisé par Mélissa Von Vépy "à l'apogée" de son art. À partir d'une vraie-fausse conférence sur les rapports entre l'Homme et les airs depuis que la Terre est Terre - écrite avec légèreté par Pascale Henry, complice inspirée -, la circassienne rivalise de grâces ascensionnelles. De quoi damer le pion, du haut de son Olympe, à Hermès au casque et chaussures ailées…



© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
La conférencière au look décontracté étudié, chaussée de lunettes à monture d'écailles et d'escarpins mettant en valeur ses longues jambes, mallette à la main renfermant les planches évocatrices des tentatives humaines pour vaincre la résistance des airs (l'utilisation d'un Powerpoint n'aurait pas été assez daté…), s'emploie avec naturel et humour à survoler cette histoire à tire-d'aile… S'arrêtant cependant sur une reproduction d'Icare, celui par qui la faute advint. Pour avoir voulu voler toujours plus haut, l'intrépide, aux plumes assemblées de cire, s'est brûlé les ailes… et depuis, cette question récurrente : voler est-ce humain ?

Joignant gestes et paroles, elle ôte son blouson libérant des plumes virevoltantes autour d'elle et s'adonne à quelques envolées autour de sa chaise devenant vite le second personnage en scène. D'ailleurs, lorsque, dans le déroulé de sa conférence, elle évoquera les fabuleuses machines volantes nées de l'imaginaire de Léonard de Vinci, on se dit que cette prouesse d'horlogerie fine - que l'on doit à Neil Price - permettant de projeter en douceur ladite chaise jusque dans les cintres, mériterait de les rejoindre au panthéon des créations volantes…

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Après les frères Montgolfier, ce sont d'autres frères, les Wright, qui ouvrent la voie des airs. L'air n'étant pas du vide, mais une pression atmosphérique, en créant un gauchissement de la voilure, on crée un vide aspirant naturellement vers le haut la machine volante - élémentaire mon cher Watson. Bon ! C'est peut-être un peu plus compliqué… En tout cas, ça a l'air de marcher… euh de voler, puisque son corps se faisant courbures autour du dossier, elle nage en apesanteur. Newton et sa pomme de discorde redonneront à la gravité toute sa place, avant qu'à nouveau elle ne s'envole dans les cieux, aspirée et inspirée par la folie nietzschéenne…

Projeté dans les cintres par le mécanisme invisible de la fabuleuse chaise volante, son corps semble en lévitation. Enchaînant, toujours dans la grâce du ralenti, figures et contre figures, les courbes de son corps épousent la substance aérienne pour ne faire plus qu'un avec elle. Elle ondoie, se redresse, replonge, sa chevelure prise dans le tourbillon dessinant les arabesques (é)mouvantes d'un corps libéré de ses amarres terrestres.

Chorégraphie enivrante nous délestant de notre propre pesanteur, nous nous rêvons de la rejoindre très haut dans la stratosphère… juste avant, qu'amorçant un piqué, elle ne s'élance dans le vide abyssal retenue uniquement par une jambe. Aux lenteurs poétiques ascensionnelle et géostationnaire succède la chute dans le vide… Le vent souffle de plus en plus fort, avant que, son corps se dépliant, le souffle cessant, la magie ne prenne fin.

Le charme de cette envolée lyrique et corporelle a joué en plein… Ces moments de grâce aérienne défiant toute gravité ont fait de festivaliers éreintés par des contraintes sanitaires de plus en plus lourdes à (sup)porter, les libres descendants des clochards célestes échappant - ne serait-ce que le temps d'une parenthèse enchantée - aux pesanteurs d'ici-bas.

Vu le samedi 24 juillet à 14 h 15 au Gymnase Ile Piot à Avignon.

"L'Aérien, causerie envolée"

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.
Texte : Pascale Henry.
Mise en scène : Mélissa Von Vépy.
Collaboration à la mise en scène : Pascale Henry.
Interprétation : Mélissa Von Vépy.
Scénographie : Neil Price.
Son : Jean-Damien Ratel.
Lumière : Xavier Lazarini.
Costume : Catherine Sardi.
Cie Happée.
Durée : 35 minutes.

•Avignon Off 2021•
A été représenté du 18 au 25 juillet 2021.
Tous les jours à 14 h 15, relâche les 22 juillet.
Dans le cadre de "L'Occitanie fait son cirque en Avignon"
Gymnase, 22, chemin de l'Île Piot, Avignon.
>> melissavonvepy.com

Tournée
18 et 19 septembre 2021 : 4 représentations au CIAM, Aix en Provence (13).
24 septembre 2021 : Le Prato, Lille (59).
6 et 7 mars 2022 : 3 représentations au Théâtre du Champ Exquis, Blainville-sur-Orne (14).

© Christophe Raynaud de Lage.
© Christophe Raynaud de Lage.

Yves Kafka
Lundi 26 Juillet 2021

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"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

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© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

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Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
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Brigitte Corrigou
06/03/2024
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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
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"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023