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Avignon 2021

•Off 2021• Comment Virginie D. a sauvé ma vie Un uppercut salvateur pour rappel d'une lutte toujours à poursuivre

Depuis plusieurs années, Corinne Merle, autrice, comédienne et performeuse, nous fait part, avec une énergique passion, de ses convictions féministes et de la légitimité du combat mené par des femmes célèbres ou pas… De leurs histoires, de leurs souffrances, des violences subies et du harcèlement, entre autres. Et dans "Comment Virginie D. a sauvé ma vie", pour nous parler aussi d'une rencontre littéraire avec Virginie Despentes, avec qui elle se retrouve en communauté d'esprit pour la concrétisation d'un nouveau féminisme… Âmes sensibles ou perchées sur un phallus s'abstenir !



© Camille Wodling.
© Camille Wodling.
Comme elle nous le déclare en préambule de son spectacle, elle va principalement nous parler de son ventre, de ses seins, de son vagin, très peu de sa tête. Le ton est clairement donné, Il est temps de poser sans ambiguïté les problèmes sur la table, de combattre les idées reçues, convenues… et dire les déconvenues des femmes au quotidien, les violences subies, les viols incestueux ou conjugaux, les soumissions journalières. La proposition est limpide, le public est invité à sortir de sa zone de confort pour un spectacle incisif et sans concessions…

Toute la force et la puissance de Corinne Merle résident notamment dans sa maîtrise à nous narrer des anecdotes douloureuses, à rappeler à la barre le violeur… même mort, à replacer dans la banalité des actes indicibles - à la fois du fait de leur extrême violence et de leur trivialité - pour les rendre plus réels, concrets afin de générer une prise de conscience immédiate de leur insoutenable gravité par la gent masculine… même si dans le public il est peu probable qu'il y ait des hommes concernés… Mais s'agissant d'un travail de longue haleine - les chiffres sur les féminicides* parlent d'eux-mêmes -, Corinne Merle ne mégote pas à asséner quelques uppercuts vocaux.

© Camille Wodling.
© Camille Wodling.
Mais la comédienne, pasionaria généreuse et enthousiaste, sait doser ses propos, en traduire des mélodies tragiques ou joyeuses, ces dernières s'appuyant sur un usage de l'humour expérimenté. Son texte, découpé en séquences, dont elle est l'autrice pour la majorité, les autres étant empruntées à "King Kong Théorie" de Virginie Despentes, inclut avec intelligence et espièglerie des références culturelles et/ou littéraires, souvent délicieuses, dont une lettre d'Antonin Artaud (que je vous laisse découvrir avec un plaisir non dissimulé) ou un souvenir radiophonique - "Radioscopie" - ayant mis en scène sur les ondes Jacques Chancel et Albert Cohen… où ce dernier se révèle être un fieffé goujat doublé d'un odieux phallocrate.

Autre moment fort du spectacle - parmi d'autres, plantés comme des aiguillons dans la carne machiste du mâle commun qui, comme toutes les espèces animales, est en cours d'évolution (espoir ! ?) - où est abordée la sphère littéraire qui encore aujourd'hui, même si cela a, pour le coup vraiment évolué, met en avant dans l'enseignement (au collège et au lycée) des modèles pas spécialement réjouissement où la condition de la femme est limitée à une misère crasse entre crime et prostitution.

© Camille Wodling.
© Camille Wodling.
Elle en profite donc pour faire une "remise à niveau" de l'image perçue des héroïnes de nos grands auteurs académiques. Que ce soit, par exemple, "Thérèse Raquin" d'Émile Zola qui la décrit comme une brute humaine ou "Nana" vouée à la prostitution pour sortir de la misère, ou encore "Emma Bovary" de Flaubert qui, pour faire court, est mise au couvent par le paternel veuf où elle apprend à lire, donc à se cultiver et à devenir plus libre, en amour notamment… Résultat ? Femme instruite donc dangereuse, libre en actes, en pensées et en amour… donc perverse ! Et hop ! Ève, la pomme, le serpent, le mal, le mâle trompé et tout le tralala !

La mise en scène de François Jenny apporte de l'ampleur au jeu de la comédienne, une occupation du plateau dynamique, avec des moments de retrait derrière la table aux œufs… en avenir d’omelette, où elle se procure une trêve ; et d’autres en running plateau et approche salle pour de percutantes et narratives adresses au public. Ici est privilégiée opportunément une séparation entre l’avant-scène dédiée à des expressions dynamiques et plus "sportives", et l'espace "arrière" du plateau, faisant alors office de zone de retrait, d’apaisement et de réflexion à voix haute. De cette mise en espace, Corinne Merle en joue avec l'élégante mobilité et la détermination d'une boxeuse sur un ring !

"Comment Virginie D. a sauvé ma vie" est une parole nécessaire, requinquante pour les femmes et salvatrice pour les hommes volontaires !

* Au 10 juin 2021, on comptait déjà 51 féminicides.

"Comment Virginie D. a sauvé ma vie"

© Camille Wodling.
© Camille Wodling.
D'après "King Kong Théorie" de Virginie Despentes.
Autrice : Corinne Merle.
Mise en scène : François Jenny.
Avec : Corinne Merle.
Lumières : Luc Jenny.
Production Come Prod.

•Avignon Off 2021•
Du 7 au 31 juillet 2021.
Tous les jours à 14 h 45.
Théâtre Arto, 3, rue du Râteau, Avignon.
Réservations : 04 90 82 45 61.
>> theatre-arto.fr

Gil Chauveau
Samedi 24 Juillet 2021

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•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
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•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

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© Philippe Hanula.
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Gil Chauveau
26/03/2024