La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

"Nixon in China" au Châtelet du 10 au 18 avril 2012 : Un opéra de notre temps

Vous n’avez pas encore entendu parler de John Adams, un compositeur américain né en 1947 ? Vous n’êtes pas sûr d’aimer l’opéra, ou au contraire vous en êtes un amateur fanatique ? Précipitez-vous au théâtre du Châtelet pour découvrir un des opéras du maître controversé, créé à Houston en 1987 sur un livret de la grande poétesse Alice Goodman : "Nixon in China"



Maquette de l'un des décors réalisée par Doriane Fréreau © Shilpa Gupta.
Maquette de l'un des décors réalisée par Doriane Fréreau © Shilpa Gupta.
Le caractère unique et savoureux des œuvres lyriques de John Adams vient du fait qu’il tire ses sujets des événements qui ont marqué notre actualité depuis quarante ans, et bouleversé notre époque. Du coup, elles entrent toutes en une étrange résonance avec nous. Parfois, c’est la controverse violente qui marque l’existence d’une œuvre : "The death of Klinghoffer" (créée en 1991) retrace la prise d’otage qui eut lieu sur le paquebot "Achille Lauro" en 1985 par un groupe de terroristes palestiniens. Un opéra remarquable qui déclenche toujours les réactions les plus extrêmes*.

"Doctor Atomic" (créé en 2005) revient sur les premiers essais nucléaires aux USA. Peter Sellars (qu’on ne présente plus) a soufflé l’idée au compositeur d’un premier "docu-opéra", qui en engendrerait d’autres : "Nixon in China" retrace les trois jours de la visite historique des époux Nixon en 1972 dans la Chine d’un Mao vieillissant, en pleine guerre froide. C’était la première fois qu’un président américain venait en Chine depuis le début de la Révolution culturelle : on en devine les enjeux.

Costumes, montage réalisé par Petra Reinhardt © Petra Reinhardt /Théâtre du Châtelet.
Costumes, montage réalisé par Petra Reinhardt © Petra Reinhardt /Théâtre du Châtelet.
Le Théâtre du Châtelet est à l’origine de cette nouvelle production et ses choix artistiques sont passionnants - au moment où l’Opéra de Paris semble un énorme vaisseau sans timonier (sans mauvais jeu de mots !) et sans vraie politique créative. On ne remerciera donc jamais assez l’équipe du Châtelet d’avoir choisi John Adams, et le jeune metteur en scène chinois Chen Shi-Zheng, prodige formé à l’école de l’Opéra chinois, et bouillant créateur - résident aux USA depuis 1987 - d’un nouveau genre de spectacle mêlant théâtre, chant, cirque et musique.

Connu sur la scène artistique pour sa vision pertinente où fusionnent Orient et Occident, il sera ici secondé par la très jeune plasticienne indienne Shilpa Gupta, découverte dans une galerie parisienne par Jean-Luc Choplin, directeur général du Châtelet. On attend donc avec impatience ce nouveau spectacle. Si la visite de Nixon en Chine a été "une titanesque chorégraphie pensée à son intention" (selon les propres mots de Chen Shi-Zheng), on peut compter sur les artistes pour faire vivre cet "opéra héroïque" et intime, mêlant petite et grande histoire, vicissitudes et geste de Grands - qui ne sont en coulisses que des hommes ordinaires.

Maquette de l'un des décors réalisée par Doriane Fréreau © Shilpa Gupta.
Maquette de l'un des décors réalisée par Doriane Fréreau © Shilpa Gupta.
"Nixon in China", nouveau mythe de notre temps, dont la musique renoue heureusement avec la tonalité - voire le jazz ! – sera interprété par d’excellents chanteurs, dont June Anderson , Peter Sidhom et Franco Pomponi, entre autres. Avec l’Orchestre de chambre de Paris sous la direction d’Alexander Briger. Nous en reparlerons évidemment.

*Je vous recommande "The death of Klinghoffer", l’opéra de J. Adams transposé et filmé par Penny Woolcock en 2003. Magnifique.

Conférence sur le spectacle le 5 avril 2012 au Théâtre du Châtelet avec David Sanson (entrée libre).

"Nixon in China"

Costumes, montage réalisé par Petra Reinhardt © Petra Reinhardt /Théâtre du Châtelet.
Costumes, montage réalisé par Petra Reinhardt © Petra Reinhardt /Théâtre du Châtelet.
Opéra en 3 actes et 6 tableaux.
Créé à l'Opéra de Houston le 22 octobre 1987.
Musique : John Adams.
Livret en anglais d’Alice Goodman.
Direction musicale : Alexander Briger.
Mise en scène et chorégraphie : Chen Shi-Zheng.
Décors : Shilpa Gupta.
Costumes : Petra Reinhardt.
Lumières : Alexander Koppelmann.
Vidéaste : Olivier Roset.
Collaboratrice à la chorégraphie : Yin Mei
Orchestre de Chambre de Paris.
Chœur du Châtelet.

Avec : Franco Pomponi (Richard Nixon), June Anderson (Pat Nixon), Peter Sidhom (Henry Kissinger), Alfred Kim (Mao Zedong), Sumi Jo (Madame Mao : Jiang Qing), Kyung Chun Kim (Chou En-Lai), Sophie Leleu (1ère secrétaire de Mao), Alexandra Sherman (2e secrétaire de Mao), Rebecca de Pont Davies (3e secrétaire de Mao).

Du 10 au 18 avril 2012.
En anglais, surtitré.
Mardi, jeudi, samedi, lundi et mercredi à 20 h.
Théâtre du Châtelet, Paris 1er, 01 40 28 28 40.
>> chatelet-theatre.com

Christine Ducq
Mercredi 4 Avril 2012

Concerts | Lyrique




Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À Découvrir

•Off 2024• "Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
14/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• Lou Casa "Barbara & Brel" À nouveau un souffle singulier et virtuose passe sur l'œuvre de Barbara et de Brel

Ils sont peu nombreux ceux qui ont une réelle vision d'interprétation d'œuvres d'artistes "monuments" tels Brel, Barbara, Brassens, Piaf et bien d'autres. Lou Casa fait partie de ces rares virtuoses qui arrivent à imprimer leur signature sans effacer le filigrane du monstre sacré interprété. Après une relecture lumineuse en 2016 de quelques chansons de Barbara, voici le profond et solaire "Barbara & Brel".

© Betül Balkan.
Comme dans son précédent opus "À ce jour" (consacré à Barbara), Marc Casa est habité par ses choix, donnant un souffle original et unique à chaque titre choisi. Évitant musicalement l'écueil des orchestrations "datées" en optant systématiquement pour des sonorités contemporaines, chaque chanson est synonyme d'une grande richesse et variété instrumentales. Le timbre de la voix est prenant et fait montre à chaque fois d'une émouvante et artistique sincérité.

On retrouve dans cet album une réelle intensité pour chaque interprétation, une profondeur dans la tessiture, dans les tonalités exprimées dont on sent qu'elles puisent tant dans l'âme créatrice des illustres auteurs que dans les recoins intimes, les chemins de vie personnelle de Marc Casa, pour y mettre, dans une manière discrète et maîtrisée, emplie de sincérité, un peu de sa propre histoire.

"Nous mettons en écho des chansons de Barbara et Brel qui ont abordé les mêmes thèmes mais de manières différentes. L'idée est juste d'utiliser leur matière, leur art, tout en gardant une distance, en s'affranchissant de ce qu'ils sont, de ce qu'ils représentent aujourd'hui dans la culture populaire, dans la culture en général… qui est énorme !"

Gil Chauveau
19/06/2024
Spectacle à la Une

•Off 2024• "Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles…

… face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
26/03/2024