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Pièce du boucher

Épisode n° 3 pour basculer dans l'optimisme actif… quelques pistes

Il est temps de changer de registre et d'inciter les organisateurs et les compagnies à explorer des modes résolument alternatifs. Le théâtre tel que nous le connaissons dans ses bâtiments et sa forme artistique a été conçu aux XIXe et XXe siècles et repose sur une certaine utilisation de l'énergie, une certaine ostentation de gaspillage qui ne sont plus soutenables.



Village du Off 2017 © AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Village du Off 2017 © AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Lorsque Alain Léonard et Julien Blaine inventent Avignon Off, ils s'appuient sur une ville dont la topographie multiséculaire aide à la propagation des rumeurs. Les files d'attente des spectateurs, les terrasses de café, les halls d'hôtel, les campings favorise les échanges.

Avec son bouche à oreilles, le festival d'Avignon élabore une information et un effet théâtre en temps réel. Les organisateurs et les participants du festival savent intuitivement que la ville est à elle-même une machine cybernétique. Le festival est à lui-même un réseau social optimal, favorisant le lien social et les relations humaines. Une rencontre impromptue dans la rue suffit pour se diriger vers un plaisir théâtral. C'est un atout formidable pour utiliser les nouvelles technologies à bon escient.

Sachant que, dans l'effet théâtre, une simple toile peinte, une expression du visage dans un contexte, produit plus d'effets que son équivalent numérique dévorateur d'énergie et de terres rares, de nombreuses solutions techniques s'offrent aux acteurs du festival pour que soit rénové le système de production de présentation du théâtre. Cet agrément ancestral à haute valeur culturelle ajoutée peut tout à fait, dans une optique de développement durable et soutenable, être pionnier dans les changements de comportements qu'impose le changement climatique.

© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Sur le terrain, on peut, pêle-mêle, imaginer qu'en matière de production énergétique un choix de proximité peut être recherché par le festival en installant des éoliennes pour courants d'air, des panneaux voltaïques y compris sur les sacs à dos, des tapis de dance floor récupérateur d'énergie, vêtements techniques, etc… En matière de services et d'aménités des fours solaires, des chauffe-eaux solaires peuvent être installés.

Du côté des locaux, pour contrer le poste climatisation très coûteux, des théâtres de plein air munis de vélums blancs et de plantations adaptées créant des ventilations naturelles, peuvent installés.

Un appel peut être fait à toutes les personnes publiques, industriels ou architectes pour promouvoir des prototypes ou des préséries en ce sens.

Plus anecdotique et efficace, des cours de maniement d'éventail peuvent être donnés pour que les spectateurs éprouvent du bien-être ! Les vêtements, eux, sont choisis pour leurs qualités isothermiques. Robe longue en laine par exemple plutôt qu'en polyester.

© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
Tous ces petits efforts se retrouvent comptabilisés dans le bilan d'activité des compagnies en recherche de financement, notamment par le biais de mécénat ou de souscription.
Comme l'activité présentée à Avignon est essentiellement de création, tout un pan dans la présentation des budgets est à inventer pour améliorer la lisibilité du bilan d'activité des compagnies.

Pour basculer dans la transition de développement durable, il est probablement nécessaire de réfléchir à la ventilation des charges et des coûts liés à la création pure de manière à mieux cerner la part d'investissement.

À son échelle, avec son haut niveau de créativité, le festival est tout à fait capable de passer du stade incantatoire au mode action. Ce que tout le monde attend dans le renouvellement des formes et de contenus. Il pourrait même, vu son importance stratégique, à son niveau, dégager par anticipation des critères d'évaluation de la qualité sociale et environnementale adaptés aux besoins du secteur de la création artistique du spectacle vivant.

En ayant en tête qu'une partie du théâtre, par le jeu du répertoire et de la forme culturelle, est un élément de la création d'un patrimoine immatériel. Le théâtre peut échapper à la standardisation et au gaspillage des énergies.

La modernité tout simplement !

>> Épisode n° 1 - Le festival d'Avignon à l'heure de l'accord de Paris sur le climat

>> Épisode n° 2 Victime de son succès et de son aura le festival d'Avignon vit un accroissement de l'inconfort à rebours des intentions

Jean Grapin
Mardi 11 Juillet 2017

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023