La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Pièce du boucher

Épisode n° 1 - Le festival d'Avignon à l'heure de l'accord de Paris sur le climat

Avignon Off n'est plus la joyeuse improvisation voulue par Alain Léonard et Julien Blaine qui accueillait déjà pas moins de trois ou quatre cent spectacles.



© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
La formule est simple et lui a permis de durer. Elle repose sur le bénévolat, sur le soutien du public, et aussi quelquefois très discret du festival officiel (notamment lors de la direction de Bernard Faivre d'Arcier). Comme le rappelait Alain Léonard dans un entretien avec Raymond Yana : "Les comédiens se sentaient alors mandatés par le peuple".

Dans la foulée de pionniers André Bénedetto au Théâtre des Carmes, Gérard Gélas au Théâtre du Chêne Noir, Gérard Ventaggioli au Théâtre du Chien qui fume, Alain Timar au Théâtre des Halles, puis plus récemment Pascal Keiser à la Manufacture et Raymond Yana à l'espace Alya… (que les autres me pardonnent), l'offre théâtrale s'est étoffée, améliorée. Face à des loueurs de salles plus ou moins improvisés, l'existence de lieux dédiés s'est très vite imposée et la position de directeur artistique affirmée.

Leurs bâtiments d'accueil ont fait l'objet de vrais efforts d'équipement. À la suite des pionniers le Théâtre Gilgamesh-Belleville s'installe même cette année à demeure. Le festival Off s'est professionnalisé et cela a des effets sur la vie quotidienne en terme de régulation des flux, de gestion, des accueils, de créations d'emplois permanents et occasionnels. Son importance économique a été reconnue par les acteurs des services périphériques du festival notamment ceux du tourisme. Même si la restauration et l'hôtellerie gardent malgré encore un comportement opportuniste.

© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
© AF&C - Cédric Delestrade/AMC.
L'objectif ces dernières années qui visait à l'amélioration des conditions de travail a été poursuivi et probablement atteint. Le confort des salles, des loges, l'accueil du public, la communication correspondent aux critères de la profession.

Du point de vue strictement environnemental, les organisateurs du festival Off sont conscients de la nécessité de faire évoluer le dispositif d'ensemble. Il faut saluer les initiatives prises depuis plusieurs années qui prennent en considération les aspects écologiques les plus criards qui accompagnent la création des spectacles vivants. C'est ainsi que cette année, il est proposé d'en finir avec une forme d'excès dans la communication qui apparaît comme un gaspillage abusif. Celui de l'impression d'une partie des supports de communication en support-papier.

Pour aller au plus concret, avec ses plus de 13 millions de tracts, son programme distribué à 130 000 exemplaires, auquel il faut rajouter affiches sauvages accrochées aux grilles, aux arbres, aux lampadaires, l'identité visuelle du festival Off pâtit de cette énorme masse de déchets à traiter pour la commune.

Cette année, l'offre de mutualisation pour une impression des affiches avec une encre non toxique (biocompatible) est un signe fort qui remet un peu le respect de l'environnement au centre de la vie culturelle et prend soin de l'équilibre financier des compagnies.

Par ailleurs le prix Tournesol récompense des spectacles abordant la question de l'environnement… Est-ce suffisant ?

On peut en douter. Par sa concentration dans l'espace et le temps, Avignon Off se caractérise ainsi, aussi, par une frénésie de déchets et de consommation non compensée carbone. Victime de son succès et de son aura le festival d'Avignon vit un accroissement de l'inconfort à rebours des intentions.
Le festival est un miroir de notre société, presque caricatural.

À Suivre…

Note :
Dans une lettre publiée dans le journal "Nature" fin juin, l’ancienne responsable "climat" à l’ONU, Christiana Figueres et Hans Joachim Schellnhuber, du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), estiment que les trois prochaines années sont cruciales. Selon eux, si les émissions sont ramenées à la baisse d’ici à 2020, le seuil de température menant à un changement climatique irréversible et incontrôlable pourrait ne pas être atteint.


Épisode n° 2 Victime de son succès et de son aura le festival d'Avignon vit un accroissement de l'inconfort à rebours des intentions

Jean Grapin
Vendredi 7 Juillet 2017

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023