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Théâtre

Compagnie Opus : Étonnante, riante, veillée et visite au musée des surprises au cœur d'une joyeuse ruralité

"La Veillée" et "Le Musée Bombana de Kokologo", en tournée

Brioux-sur-Boutonne… Festival au village, par le village, pour le village. Village heureux d'accueillir des artistes qui s'y trouvent bien et des visiteurs tout autant ! Pour l'édition 2018 (la trentième) un long prologue a été organisé avec le soutien de vieux comparses, de vieux complices dont les spectacles peuvent être vus comme de subtiles et joyeuses mises en abyme du festival.



"La Veillée" © Nicolas Joubard.
"La Veillée" © Nicolas Joubard.
Ainsi la compagnie opus… Avec "La Veillée", les personnages centraux Lucette Champolleau et Serge Gauthier de la commune de Ménétreux manifestent un savoir-faire bien à eux quand ils font la veillée autour du feu. Ce sont des gens simples et concrets. Ruraux… comme on dit à la ville. Qui savent la valeur d'une pomme de terre en robe des champs cuite sous la cendre, d'un verre de vin trinqué entre amis.

Avides de connaître le monde et d'échanger leurs souvenirs. Ils ont le goût des mots et des jeux et des énigmes. Papy et mamie, malicieux et volubiles, que l'on soupçonne d'avoir fait des équipées sauvages à mobylette, d'avoir pogoté du temps des pounks. Lui est madré, elle "désensorceleuse". Assurément altruistes tous deux.

Le spectacle "La Veillée" a tout pour étonner et plaire. Insufflant de la détente, il fait rire et efface les lignes qui séparent spectacle et théâtre en rapprochant les générations et en rendant indécis les points de vue du spectateur. À eux deux et leurs complices, ils dépassent la notion de farce et revitalisent un public. Celui-ci est, en effet, au contact du meilleur d'un théâtre invisible, d'un théâtre de proximité. "Pour sûr, ces gâs-là, ceusses filles-là son ben les p'tiots des Copiaus."

"Musée Bombana de Kokologo" © Franck Petricenko.
"Musée Bombana de Kokologo" © Franck Petricenko.
Avec "Le Musée Bombana de Kokologo", la compagnie Opus transporte les spectateurs au Burkina Faso dans un musée en plein air, en arène comme pour les combats de coqs. Avec son kofi tout rouge, sa chemise en wax à l'emblème d'un poulet bicyclette*, son bâton, le comédien burkinabé Athanase Kabré passe pour un chef. Il incarne le "bon noir" issu de la longue lignée des "Bombana" qui, comme Ulysse a fait un long voyage, a rapporté, conservé, toutes les bonnes idées glanées en Europe et qu'il présente sous la forme d'objets à l'aspect rudimentaire et coloré…

Le récit des aventures qui accompagne les explications muséales de ces adaptations, inventions, trouvailles, toutes plus pleines d'ingéniosité que les autres, est picaresque et pittoresque. Et l'on découvre un art de l'astuce, de la débrouillardise et de la roublardise émouvant de simplicité. Art du conteur oblige, le jeu peut même se révéler hautement désopilant. Ainsi la transposition des boniments du bateleur européen en milieu africain saisit-elle par sa vérité d'assimilation.

De même, un certain usage de la roue de bicyclette et de la dynamo laisse pantois et rêveur.

Cette visite au musée se montre pleine de sagesse et de pédagogie généreuse, ouvre des perspectives de poésie et d'utilité heureuse. Le miroir tendu à notre société est grossissant, et son ironie est tendre. En ces temps d'adaptation au changement climatique le spectateur se surprend à avoir de bonnes idées.

* Poulet bicyclette ainsi nommé en Afrique de l'Ouest parce qu'il ne fait que courir en liberté. Il est le contraire du poulet de chair dopé aux hormones.

"La Veillée"

"La Veillée" © Jean-Pierre Estournet.
"La Veillée" © Jean-Pierre Estournet.
Écriture : Chantal Joblon et Pascal Rome.
Mise en scène : Pascal Rome.
Avec : Chantal Joblon, Pascal Rome, Ronan Letourneur, Capucine Pellet, Patrick Girot/Mathieu Texier.
Assistants : Chantal Joblon et Ronan Letourneur.
Aiguillage : Cyril Jaubert.
Régie et constructions : Bruno Gastao, Laurent Patard, Mathieu Texier et Patrick Girot.
Costumes et accessoires : Tezzer.
Compagnie OPUS ou Office des Phabricants d'Univers Singuliers.
Durée : 1 h 45.

Du 8 au 9 août 2018 : Thonon Evènements, Thonon-les-Bains (74).
Du 10 au 11 août 2018 : Association Agora, La Chaux-de-Fonds (Suisse).
Du 21 au 22 septembre 2018 : Association CREA, Saint-Georges de Didonne (17).
Du 28 au 29 septembre 2018 : Le Moulin du Roc, Niort (79).
Du 1er au 6 octobre 2018 : La Coursive, La Rochelle (17).
Du 12 au 13 octobre 2018 : Association du Théâtre Populaire d’Uzès et de l’Uzège, Uzès (30).
Du 17 au 20 octobre 2018 : Palais des Beaux-Arts (PBA), Charleroi (Belgique).
Du 21 au 22 octobre 2018 : Festival Michtô, Nancy (54).
Du 27 au 29 novembre 2018 : Scène Nationale 61, Flers (61).

"Le Musée Bombana de Kokologo"

"Le Musée Bombana de Kokologo" © Pascal Rome.
"Le Musée Bombana de Kokologo" © Pascal Rome.
Écriture, scénographie et mise en scène : Pascal Rome.
Avec : Athanase Kabré.
Décor : Luis Maestro, Boa Passajou.
Peintures : Semou Konaté
Objets : Romain Ilboudo, Athanase Kabré, Luis Maestro, Evariste Nabolé, Agnès, Pelletier, Pascal Rome.
Compagnie OPUS ou Office des Phabricants d'Univers Singuliers.
Durée : 60 min.

Du 10 au 11 août 2018 : Thonon Evènements, Thonon-les-Bains (74).
Samedi 18 août 2018 : Montbron (16).
Samedi 25 août 2018 : Brassy (58).
Vendredi 7 septembre 2018 : Île de Ré (17).
Samedi 8 septembre 2018 : Rezé (44).

Jean Grapin
Vendredi 20 Juillet 2018

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023