La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Au revoir Madame le Doyen

Hier, une immense comédienne nous a quittés. Dominique Constanza, sociétaire brillante de la Comédie-Française, n’avait que 65 ans et allait fêter ses quarante ans de carrière au Français.



Dominique Constanza dans "Un fil à la patte"© DR.
Dominique Constanza dans "Un fil à la patte"© DR.
Vous avez pu la voir encore récemment sur la scène de la Comédie-Française (où elle était entrée en 1973 et y était devenue sociétaire en 1977) dans son interprétation de la baronne dans la pièce "Un Fil à la patte", mis en scène par Jérôme Deschamps, pour lequel elle a reçu un Molière en 2011. C’est avec Jean-Laurent Cochet et Antoine Vitez qu’elle avait débutés sa carrière.

On avait beaucoup ri dans son interprétation de Frosine lors de "L’Avare" monté par Catherine Hiegel, avant son départ de la Comédie-Française. Elle savait jouer à la perfection les servantes mutines, comme elle pouvait nous emmener vers des rôles plus graves. On pense par exemple à sa très belle interprétation d’Eléna dans "Oncle Vania".

Murielle Mayette, administratrice du Français, a écrit un texte très touchant dans lequel elle rend hommage à cette femme "fragile", aussi "drôle" que "bouleversante".
Le voici :

"Dominique Constanza, le doyen de la troupe, nous a quittés ce matin. La nouvelle est si terrible, si brutale, si injuste qu'elle étouffe nos larmes. Dominique était une actrice unique, inclassable. À dix-huit ans déjà elle était sur les planches y jouant chaque soir une part de sa vie car ce métier l'a sauvée de son enfance autant qu'il la lui a prise !
Elle fut ma partenaire souvent et j'ai eu la chance de jouer à ses côtés : "Turcaret", "Les Grelots du fou" ou "Les Bonnes" de Jean Genet. Autant de registres différents qu'elle incarnait avec grâce après avoir été la jeune première sublime de la troupe, la belle Sylvia de Marivaux, en robe blanche, ou la Youlia des "Estivants".
Passant avec virtuosité de la comédie à la tragédie ou au drame, elle nous laisse l'image d'une actrice immense. Jean-Luc Boutté, Jean-Paul Roussillon, Jacques Lassalle, Antoine Vitez, Claude Régy la mirent en scène avec bonheur. Plus récemment avec Catherine Hiegel et Jérôme Deschamps, elle renouait avec ses prix de comédie obtenus au Conservatoire. J'ai eu le plaisir de la mettre en scène dans "Chat en poche" profitant de ses talents comiques qui lui donnaient des airs de feu follet. Elle habitait le plateau de façon toujours inattendue et ses réponses d'actrice, fulgurantes et géniales, prenaient des airs d'enfant...
Dominique était un ange et ses grands yeux d'oiseaux lui donnait un regard doux et aimant sur le monde. Elle avait une pureté d'âme que les brutalités de la vie heurtaient trop souvent. Elle semblait marcher sur terre en l'effleurant et cela lui donnait une présence époustouflante, peuplée de silences en perdition. Elle a offert sans retenue tout son cœur à son métier d'actrice.
Hervé Van der Meulen, son mari fut à ses côtés toujours avec une fidélité absolue et généreuse. Je pense à lui et à Guillaume, le fils de Dominique. La troupe et l'ensemble des personnels de la Comédie-Française se joignent à moi pour leur témoigner toute notre affection.
Hier encore elle jouait la baronne dans "Un Fil à la patte" et réjouissait des salles entières. Elle nous manque et marquera l'histoire de la maison comme une grande actrice inoubliable, comme un doyen généreux et si sensible. Surtout elle nous manque comme amie."

Murielle Mayette, Administratrice générale, 24 juin 2013.

Mardi 25 Juin 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter











À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Mon Petit Grand Frère" Récit salvateur d'un enfant traumatisé au bénéfice du devenir apaisé de l'adulte qu'il est devenu

Comment dire l'indicible, comment formuler les vagues souvenirs, les incertaines sensations qui furent captés, partiellement mémorisés à la petite enfance. Accoucher de cette résurgence voilée, diffuse, d'un drame familial ayant eu lieu à l'âge de deux ans est le parcours théâtral, étonnamment réussie, que nous offre Miguel-Ange Sarmiento avec "Mon petit grand frère". Ce qui aurait pu paraître une psychanalyse impudique devient alors une parole salvatrice porteuse d'un écho libératoire pour nos propres histoires douloureuses.

© Ève Pinel.
9 mars 1971, un petit bonhomme, dans les premiers pas de sa vie, goûte aux derniers instants du ravissement juvénile de voir sa maman souriante, heureuse. Mais, dans peu de temps, la fenêtre du bonheur va se refermer. Le drame n'est pas loin et le bonheur fait ses valises. À ce moment-là, personne ne le sait encore, mais les affres du destin se sont mis en marche, et plus rien ne sera comme avant.

En préambule du malheur à venir, le texte, traversant en permanence le pont entre narration réaliste et phrasé poétique, nous conduit à la découverte du quotidien plein de joie et de tendresse du pitchoun qu'est Miguel-Ange. Jeux d'enfants faits de marelle, de dinette, de billes, et de couchers sur la musique de Nounours et de "bonne nuit les petits". L'enfant est affectueux. "Je suis un garçon raisonnable. Je fais attention à ma maman. Je suis un bon garçon." Le bonheur est simple, mais joyeux et empli de tendresse.

Puis, entre dans la narration la disparition du grand frère de trois ans son aîné. La mort n'ayant, on le sait, aucune morale et aucun scrupule à commettre ses actes, antinaturelles lorsqu'il s'agit d'ôter la vie à un bambin. L'accident est acté et deux gamins dans le bassin sont décédés, ceux-ci n'ayant pu être ramenés à la vie. Là, se révèle l'avant et l'après. Le bonheur s'est enfui et rien ne sera plus comme avant.

Gil Chauveau
05/04/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024