La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

Antoine Chenuet, le ténor gracieux

Jeune chanteur découvert à l'Opéra-Théâtre de Metz, le ténor Antoine Chenuet y a incarné avec talent Augustin, l'ami au front de Sébastien Guèze dans "Un Amour en guerre", l'opéra de Caroline Glory. À l'orée d'une carrière qu'on lui souhaite riche, il nous a accordé cet entretien. Avant deux prises de rôle à Dijon et à Metz en 2015, Antoine Chenuet nous raconte la naissance d'une vocation.



© DR.
© DR.
Rieur et grave à la fois, Antoine Chenuet nous avertit d'entrée : hors de question pour lui de se laisser enfermer dans un emploi ou une identité vocale. Il a bien l'intention de nous surprendre - à commencer par cet agent allemand rencontré il y a peu. Identifié dans un registre à mi-chemin entre ténor lyrique léger et spieltenor, l'ancien corniste va bientôt endosser les habits d'Harlekin du "Kaiser von Atlantis" à l'Opéra de Dijon. Mais, insiste-t-il, on aurait tort de ne voir en lui que l'artiste spécialisé dans les rôles comiques typiques de la commedia dell'arte ou du Brésilien dans "La Vie Parisienne". Derrière la malice et les rires du chanteur, se révèle assurément une volonté de fer.

Christine Ducq pour La Revue du Spectacle - Comment êtes-vous passé du cor au chant ?

Antoine Chenuet - Il y a quelques années je me voyais bien musicien d'orchestre. J'ai participé à de beaux projets en tant que corniste comme l'été 2004 avec l'Orchestre des Jeunes du Centre dirigé par le regretté Jean-Marc Cochereau. J'étais cor solo dans des extraits de "Madame Butterfly" et je doublais sans arrêt Pinkerton, le ténor. Il y avait dans le chant quelque chose de hors-norme, une respiration incroyable, une autre conception du son et du temps musical qui dépassait mon expérience d'alors. Ce fut le déclic à vingt ans !

L'année suivante j'étais dans la fosse pour "Les Noces de Figaro" et je voyais les chanteurs jouant la comédie, dans une autre langue. Je me suis dit qu'ils étaient beaucoup plus proches de Mozart que moi. C'était sur la scène que ça se passait ! J'ai donc commencé à prendre des cours de chant.

© DR.
© DR.
Quelles ont été les rencontres déterminantes pour le chant ?

Antoine Chenuet - J'ai croisé le chemin de plusieurs personnes qui ont été décisives. D'abord le ténor Christian Papis qui m'a donné quelques cours de chant pendant mes études de musicologie. Il m'a trouvé une voix légère, de ténor ou de baryton aigu. Je me vois encore dire que si je n'étais pas ténor, ce n'était pas la peine que je chante ! Ce que j'aimais déjà à l'époque, c'était aller à la conquête de l'aigu !

Il y eut ensuite Michel Fockenoy, professeur au conservatoire du dix-neuvième arrondissement de Paris chez qui j'ai obtenu mon prix de chant en 2013. Parallèlement, je confirmais mes instincts d'interprète auprès de Joëlle Vautier, professeur d'art lyrique : conjuguer travail émotionnel et clarté d'esprit pour oser exprimer ses intentions et ne pas se satisfaire de la pure performance vocale.

Un autre parrain pour moi a été le baryton Alain Buet. Il m'a encouragé et finalement engagé dans son ensemble Les Musiciens du Paradis pour la tournée de "Venus and Adonis" de John Blow (le professeur d'Henry Purcell) en 2012. J'ai pu commencer à vivre du chant grâce à lui.
Enfin je n'oublie pas le directeur de l'Opéra de Metz Paul-Émile Fourny qui m'a repéré.

Avec qui travaillez-vous en ce moment ?

Antoine Chenuet - Je travaille actuellement avec Anna Ringart qui a été une des dirigeantes de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Paris. Je l'ai rencontrée à l'académie de Vendôme et j'ai apprécié son discours. Elle connaît très bien les voix de jeunes professionnels et aime dire qu'il faut aussi être son propre luthier pour s'améliorer. Elle m'a fait comprendre la notion d'emploi lyrique, le "Fach" en allemand. Elle m'aide à trouver mon aplomb et à concilier disponibilité vocale et interprétation sans les opposer.

Répétition de "Un Amour en guerre" à l'Opéra de Metz.
Répétition de "Un Amour en guerre" à l'Opéra de Metz.
Quels sont les ténors que vous aimez ?

Antoine Chenuet - J'ai beaucoup écouté Alfredo Kraus sur le conseil de mon père qui avait été enthousiasmé par un de ses récitals. Kraus a d'ailleurs été un des professeurs de Christian Papis. En ce moment, j'écoute davantage Fritz Wunderlich. Je vais d'abord spontanément vers les voix des anciennes générations. C'est peut-être un peu old-fashion ! Nicolai Gedda bien sûr… Je suis cependant très admiratif de Roberto Alagna. Dans "Werther" la saison dernière, quel artiste !

Quelles seraient les prises de rôle qui vous feraient rêver ?

Antoine Chenuet - Oh là là ! Tout ! (rires). J'adore Mozart que j'ai par ailleurs beaucoup étudié en classe d'harmonie (dont il est diplômé, NDLR). J'ai déjà appris Ferrando dans "Cosi fan lutte", mon rêve serait Tamino dans "La Flûte enchantée". Les grands romantiques français m'attirent également : Gounod, Bizet, Massenet… Et pourquoi pas "Werther" un jour ! Il paraît que je fais jeune, alors j'ai tout le temps de mûrir ma voix pour préparer les premiers rôles les plus vaillants !

Plus sérieusement, je serai ravi d'aller prochainement vers des rôles tels que Fortunio de Messager, Gonzalve dans "L'Heure espagnole" ou encore Fenton dans "Falstaff". En tout cas j'ai beaucoup de chance de vivre de mon art aujourd'hui.

Entretien réalisé le 26 novembre 2014.

Agenda 2015

Opéra de Dijon :
Du 11 au 13 mars 2015 : "Der Kaiser von Atlantis" de Viktor Ullmann (Harlekin).
Direction musicale : Mihàly Menelaos Zeke.
Mise en scène : Benoît Lambert.

Opéra-Théâtre de Metz :
Du 17 au 19 avril 2015 : "La Vie parisienne" de Jacques Offenbach (Le Brésilien/Frick).
Direction musicale : Dominique Trottein.
Mise en scène : Jérôme Savary.

Christine Ducq
Mercredi 24 Décembre 2014

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024