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Théâtre

Un "songe d'une nuit d'été" où apparaissent les oripeaux du théâtre, comme rêves et désirs

"Le Songe d’une nuit d’été", Manufacture des Œillets/La Fabrique, Ivry-sur-Seine (94)

Dans "Le Songe d’une nuit d’été" de William Shakespeare, une troupe de comédiens amateurs a l'idée saugrenue et maladroite de présenter une histoire d'amants malheureux (celle de Pyrame et Thisbé) à l'occasion de mariages de jeunes gens de la noblesse. Saugrenue et maladroite car ces mariages sont vraiment malheureux, forcés qu'ils sont par des pères d'autorité.



© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Mais les projets des uns et des autres sont malmenés par les forces de la nuit, les forces du rêve, qui œuvrent dans la forêt enchantée où tout le monde se réfugie. Les uns pour fuir, les autres pour répéter. La lune étant déclinante, quasi à son dernier quartier, ces forces conduites par le roi Obéron et sa femme Titania sont elles-mêmes un peu détraquées. Puck, fidèle serviteur, cumule les maladresses, mélanges les philtres et les magies. La reine en aime un âne. Les amoureux se fuient avec ardeur.

Mais au lendemain, tout est bien qui finit bien. Les mariages retrouvent le sens des accordailles naturelles. La nouvelle lune peut monter.

En montrant la matérialité, la trivialité du monde, en montrant la difficulté du spectacle, la pièce est une comédie qui lance un appel constant à la magnanimité du public. Les personnages évoluent sur une ligne où tout effet peut s'autodétruire. Retour systématique de certains jeux de trucs, réitération d'excuses langagières, le merveilleux, si il doit apparaître, apparaît en dépit de lui-même.

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Fidèle en ce sens à la littéralité de l'œuvre, Guy Pierre Couleau traite la pièce de Shakespeare, dans une forme de farce maîtrisée : sans relâchement, ni histrionisme. "À la rigolade" (au sens de Dario Fo). Et les comédiens évitent les pièges de la complaisance. Dans une grande maîtrise, ils font prestation de théâtre populaire jouant avec la matérialité et l'illusion.

À cet égard, le travail des lumières doit être souligné. Les rais de lumières, rais de lune, découpent dans l'espace de véritables pendrillons de grains de lumières et de poussières mêlés. Des cercles de feux follets "chenillent" au sol. Le songe de cette nuit d'été fait apparaître les oripeaux du théâtre comme un songe et un désir.

Le public ne s'y trompe pas qui rit à gorge déployée à "l'hénaurmité" et à la finesse de la proposition.

"Le Songe d’une nuit d’été"

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Traduction: Françoise Morvan et André Markowicz (Editions Les Solitaires Intempestifs).
Mise en scène : Guy Pierre Couleau.
Assistante à la mise en scène : Carolina Pecheny.
Avec : Sébastien Amblard, Clément Bertonneau, Pierre-Alain Chapuis, François Kergourlay, Marlène Le Goff, Anne Le Guernec, José Mantilla Camacho, Adrien Michaux, Ruby Minard, Martin Nikonoff, Carolina Pecheny, Achille Sauloup, Romaric Seguin, Rainer Sievert, Jessica Vedel, Clémentine Verdier.
Scénographie : Elissa Bier.
Costumes : Laurianne Scimemi, assistée de Blandine Gustin.
Lumières : Laurent Schneegans.
Musiques originales : Philippe Miller.
Masques et maquillage : Kuno Schlegelmilch, assisté de Camille Penager.
Régie générale : Alexandra Guigui.
Images vidéo : André Muller.
Durée : 3 h, entracte inclus.

© Laurent Schneegans.
© Laurent Schneegans.
Du 15 au 23 mai 2017.
Lundi, mardi, vendredi à 20 h, jeudi à 19 h, samedi à 18 h et dimanche à 16 h.
TQI CDN, Manufacture des Œillets/La Fabrique, Ivry-sur-Seine (94), 01 43 90 11 11.
>> theatre-quartiers-ivry.com

Jean Grapin
Jeudi 18 Mai 2017

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