La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Lyrique

"A Flowering Tree", un opéra de notre temps au théâtre du Châtelet

Le Théâtre du Châtelet poursuit sa présentation de l’œuvre du plus grand compositeur américain vivant, John Adams, après "Nixon in China" et "I was looking at the ceiling…"*. Jean-Luc Choplin a confié cette nouvelle production au réalisateur indien Vishal Bhardwaj. "A Flowering Tree" est le fruit de la troisième collaboration entre le compositeur et le défricheur Peter Sellars. Première le 5 mai.



© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
Qui a dit que l’opéra c’était vieux jeu ? Quelqu’un qui ne connaîtrait pas les œuvres de John Adams avec ses sujets passionnants et sa géniale musique (tonale) ! Par exemple, le ténor qui envahit la scène mitraillette au poing dans "The Death of Klinghoffer" ? C’est un terroriste palestinien. L’opéra met en scène avec une extrême intelligence l’épisode du détournement de "l'Achille Lauro" qui fit les gros titres en 1985. Déployant une vision particulièrement équilibrée de l’Histoire et des partis en présence, John Adams et sa librettiste Alice Goodman redonnent au genre lyrique toute sa nécessité vitale, politique et esthétique.

Même chose pour leur première collaboration dans "Nixon in China", œuvre créée déjà à la demande du metteur en scène Peter Sellars en 1987 et dont la production au Châtelet il y a deux ans était une totale réussite (Je lance un appel par la même occasion : quelle scène nous offrira une création en France de "The Death of Klinghoffer" ? Please !).

© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
Avec ses partitions mêlant les références les plus variées, du jazz à la musique répétitive et les influences les plus riches de Richard Wagner à Aaron Copland, l’œuvre appelle aussi les contributions artistiques les plus novatrices qui soient. Ainsi ce sont de jeunes artistes indiens qui ont été cette fois sollicités au Châtelet pour "A Flowering Tree" inspiré d’un conte indien populaire.

Cet apologue tout pétri de magie narrant les péripéties d’une jeune fille se transformant en arbre fleuri, d’un prince et de sa méchante sœur - créé à Vienne en 2006 pour fêter la naissance de Mozart - est sans aucun doute l’événement de ce printemps. Vous hésitez encore ? Un réalisateur de Bollywood fou de Shakespeare, un chorégraphe indien vivant en Europe, des chanteurs solides, l’évocation de notre village global… Et la musique de John Adams ! Allez, on y court, fleurs dans les cheveux.

* "I was looking at the ceiling and I saw the sky" est le titre complet de cet opéra qui retrace les circonstances du tremblement de terre de 1994 à Los Angeles.

© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
Théâtre du Châtelet, 01 40 28 28 40.
1 place du Châtelet 75001.
>> chatelet-theatre.com

"A Flowering Tree" (2006).
Opéra en deux actes.
Musique : John Adams.
Livret en anglais et en espagnol : John Adams et Peter Sellars.
Surtitré en français.

Jean-Yves Ossonce, direction musicale.
Vishal Bharwaj, mise en scène.

© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
Sudesh Adhana, scénographie et chorégraphie.
Gunjan Arora, Rahul Jain, costumes.
Renaud Corler, lumières.

Paulina Pfeiffer, Kumudha.
David Curry, le Prince.
Franco Pomponi, le narrateur.

Orchestre symphonique Région Centre Tours.
Chœur du Châtelet.

© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.
© Marie-Noëlle Robert/Théâtre du Châtelet.

Christine Ducq
Jeudi 1 Mai 2014

Nouveau commentaire :

Concerts | Lyrique







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024