La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Cirque & Rue

Bravo ! Le Prato

Retracer une prodigieuse aventure clownesque, unique et exceptionnelle, qui a marqué de manière indélébile le spectacle vivant et les arts du cirque, c'est le pari fou et réussi de l'ouvrage "Le Prato, un théâtre international de quartier"… Une occasion richement illustrée et documentée de découvrir le parcours singulier de Gilles Defacque, mais aussi celui de Patricia Kapusta… et "afficher" la multitude d'artistes qui furent programmés et accompagnés dans ce lieu unique à Lille !



"Soirée de Gala (Forever and ever)", Jacques Motte et Gilles Defacque, 2013 © Bruno Dewaele.
"Soirée de Gala (Forever and ever)", Jacques Motte et Gilles Defacque, 2013 © Bruno Dewaele.
Le Prato, c'est une épopée de presque cinquante ans qui consista à effectuer une "mise en clown" de Lille, en exploitant les formes les plus diverses du rire et de la poésie, en créant des spectacles tout-terrain, de cafés en bar-tabac, de théâtres en salles des fêtes, de rues en chapiteaux, des festivals (dont l'un se nomma Au Rayon Burlesque), tout cela sous l'impulsion énergique, enthousiaste de son fondateur, auteur, metteur en scène, clown et directeur, Gilles Defacque.

Depuis sa création à Lille en 1973, ce Théâtre international de quartier, "avec rigueur et folie, infatigablement, explore, joue et déjoue, fait bouger les lignes d'une carte jamais finie, bouscule des frontières souples, lestes, élastiques comme des acrobates", ainsi l'écrit cet artisan saltimbanque qui conduira le lieu et la programmation durant toutes ces années avec sa complice Patricia Kapusta.

Mais comment est née cette histoire ? Comment est apparue cette passion pour les arts du cirque ? C'est ce que ce livre va révéler, directement ou indirectement, à travers de nombreux témoignages et écrits, et cela, au fil de chapitres (dont les plus conséquents sont confiés à Yannic Mancel et Jean Vinet) aux noms évocateurs : "Histoire d'un Gilles", "Lignes, les écritures", "Comme une troupe…", "La musique et le Prato", "La vie de l'arbre-Prato", etc.

Gilles Defacque et Patricia Kapusta, 2021 © Richard Baron Light Motiv.
Gilles Defacque et Patricia Kapusta, 2021 © Richard Baron Light Motiv.
Les nombreuses contributions collectées (comédiennes, comédiens, circassiennes, circassiens, responsables de lieux ou de festival), les archives photographiques ressorties et à nouveau dévoilées, les textes des auteurs sollicités, etc., l'attestent : plus qu'une scène, le Prato est un espace bouillonnant, riche d'une permanente effervescence artistique où l'interdisciplinarité est reine, où l'audace à foison jette les plus improbables passerelles. C'est aussi la manifestation sans cesse renouvelée d'un engagement militant, la preuve que l'on peut articuler sujets de société et spectacle vivant.

Ce fut d'ailleurs cet engagement militant que fut l'un des points de départ conduisant Gilles de l'enseignement à la poésie, aux luttes altermondialistes, puis au théâtre… au premier Théâtre du Prato, une compagnie amateur s'implantant dans les rues et les places publiques de Wazemmes, un quartier historique et populaire de Lille. Nous sommes fin des années soixante début soixante-dix.

Puis, dès 1972, le Prato assume deux projets artistiques. D'un côté, ses membres sont des clowns de rues, improvisateurs, créateurs d'interventions en extérieur, de l'autre, initiant un théâtre comique, burlesque, toujours improvisé mais avec une structure plus écrite, notamment par Gilles, qui se jouera en salle, notamment dans un cinéma désaffecté. Cette période fonde véritablement la démarche des actrices et acteurs du Prato, cette dernière relevant alors de l'action politique et subversive, les préoccupations d'ordre artistique et esthétique étant souvent à ce moment-là au second plan… l'adhésion étant vers la mouvance de l'Agitprop !

Faisant maintenant un raccourci afin de vous laisser l'entier plaisir de la lecture de ce magnifique livre pour arriver, douze ans plus tard, dans le quartier post-industriel lillois de Moulins où Le Prato s'installe dans une ancienne filature et devient un véritable "théâtre international de quartier" jouant la proximité tout en n'ayant pas de frontière. Et c'est en 2011 qu'est obtenu la labellisation de Pôle national des arts du cirque.

L'histoire continue bien sûr de s'écrire et il ne vous reste plus qu'à plonger dans ce monde habité de clowns, de nez rouges, de poètes et poétesses, de saltimbanques de tous horizons et tous pays, pour découvrir, lire et voir la suite.

Le titre de cet article est celui qui fut donné dans la Revue du Spectacle "version papier" en avril 1994 pour la création de "En attendant Godot", mise en scène par Gilles Defacque et Alain D'Haeyer. Ce fut aussi la couverture de ce numéro.

"Le Prato Un théâtre international de quartier"
Auteur : Collectif sous la direction de Patricia Kapusta.
Date de sortie : 3 février 2023.
192 pages - près de 200 illustrations en couleur.
Une soixantaine de contributions.
Cet ouvrage est proposé en réalité augmentée avec l'application ARGOplay.
Format : 21 x 28 cm, broché avec rabats.
Prix : 25 euros.
Éditions invenit.
ISBN : 9782376800880.

Gil Chauveau
Mercredi 22 Février 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter





Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"Rimbaud Cavalcades !" Voyage cycliste au cœur du poétique pays d'Arthur

"Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées…", Arthur Rimbaud.
Quel plaisir de boucler une année 2022 en voyageant au XIXe siècle ! Après Albert Einstein, je me retrouve face à Arthur Rimbaud. Qu'il était beau ! Le comédien qui lui colle à la peau s'appelle Romain Puyuelo et le moins que je puisse écrire, c'est qu'il a réchauffé corps et cœur au théâtre de l'Essaïon pour mon plus grand bonheur !

© François Vila.
Rimbaud ! Je me souviens encore de ses poèmes, en particulier "Ma bohème" dont l'intro est citée plus haut, que nous apprenions à l'école et que j'avais déclamé en chantant (et tirant sur mon pull) devant la classe et le maître d'école.

Beauté ! Comment imaginer qu'un jeune homme de 17 ans à peine puisse écrire de si sublimes poèmes ? Relire Rimbaud, se plonger dans sa bio et venir découvrir ce seul en scène. Voilà qui fera un très beau de cadeau de Noël !

C'est de saison et ça se passe donc à l'Essaïon. Le comédien prend corps et nous invite au voyage pendant plus d'une heure. "Il s'en va, seul, les poings sur son guidon à défaut de ne pas avoir de cheval …". Et il raconte l'histoire d'un homme "brûlé" par un métier qui ne le passionne plus et qui, soudain, décide de tout quitter. Appart, boulot, pour suivre les traces de ce poète incroyablement doué que fut Arthur Rimbaud.

Isabelle Lauriou
25/03/2024
Spectacle à la Une

"Le consentement" Monologue intense pour une tentative de récit libératoire

Le livre avait défrayé la chronique à sa sortie en levant le voile sur les relations pédophiles subies par Vanessa Springora, couvertes par un milieu culturel et par une époque permissive où ce délit n'était pas considéré comme tel, même quand celui-ci était connu, car déclaré publiquement par son agresseur sexuel, un écrivain connu. Sébastien Davis nous en montre les ressorts autant intimes qu'extimes où, sous les traits de Ludivine Sagnier, la protagoniste nous en fait le récit.

© Christophe Raynaud de Lage.
Côté cour, Ludivine Sagnier attend à côté de Pierre Belleville le démarrage du spectacle, avant qu'elle n'investisse le plateau. Puis, pleine lumière où V. (Ludivine Sagnier) apparaît habillée en bas de jogging et des baskets avec un haut-le-corps. Elle commence son récit avec le visage fatigué et les traits tirés. En arrière-scène, un voile translucide ferme le plateau où parfois V. plante ses mains en étirant son corps après chaque séquence. Dans ces instants, c'est presque une ombre que l'on devine avec une voix, continuant sa narration, un peu en écho, comme à la fois proche, par le volume sonore, et distante par la modification de timbre qui en est effectuée.

Dans cet entre-deux où le spectacle n'a pas encore débuté, c'est autant la comédienne que l'on voit qu'une inconnue, puisqu'en dehors du plateau et se tenant à l'ombre, comme mise de côté sur une scène pourtant déjà éclairée avec un public pas très attentif de ce qui se passe.

Safidin Alouache
21/03/2024
Spectacle à la Une

"Un prince"… Seul en scène riche et pluriel !

Dans une mise en scène de Marie-Christine Orry et un texte d'Émilie Frèche, Sami Bouajila incarne, dans un monologue, avec superbe et talent, un personnage dont on ignore à peu près tout, dans un prisme qui brasse différents espaces-temps.

© Olivier Werner.
Lumière sur un monticule qui recouvre en grande partie le plateau, puis le protagoniste du spectacle apparaît fébrilement, titubant un peu et en dépliant maladroitement, à dessein, son petit tabouret de camping. Le corps est chancelant, presque fragile, puis sa voix se fait entendre pour commencer un monologue qui a autant des allures de récit que de narration.

Dans ce monologue dans lequel alternent passé et présent, souvenirs et réalité, Sami Bouajila déploie une gamme d'émotions très étendue allant d'une voix tâtonnante, hésitante pour ensuite se retrouver dans un beau costume, dans une autre scène, sous un autre éclairage, le buste droit, les jambes bien plantées au sol, avec un volume sonore fort et bien dosé. La voix et le corps sont les deux piliers qui donnent tout le volume théâtral au caractère. L'évidence même pour tout comédien, sauf qu'avec Sami Bouajila, cette évidence est poussée à la perfection.

Toute la puissance créative du comédien déborde de sincérité et de vérité avec ces deux éléments. Nul besoin d'une couronne ou d'un crucifix pour interpréter un roi ou Jésus, il nous le montre en utilisant un large spectre vocal et corporel pour incarner son propre personnage. Son rapport à l'espace est dans un périmètre de jeu réduit sur toute la longueur de l'avant-scène.

Safidin Alouache
12/03/2024