La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Une femme (drôlement !) seule au Guichet Montparnasse

Aujourd’hui Dario Fo est partout. Ce dramaturge italien est même entré au répertoire de la Comédie Française (depuis 2010)… C’est tout dire ! Et quand l’éclectique Bernard Pisani quitte Anouilh ou ses chaussons de danse pour la mise en scène d’"Une femme seule" au Guichet Montparnasse, le résultat est détonant…
de rire !



Brigitte Lucas © D.R.
Brigitte Lucas © D.R.
Qui est Bernard Pisani ? Un danseur étoilé, un chanteur d’opéra, un comédien auréolé par Jean Anouilh lui-même et un metteur en scène de talent. Ouf, rien que ça ! Et sa dernière mise en scène d'un texte de Dario Fo nous le prouve autant qu’elle nous surprend. Au lieu d’en faire une pièce à un personnage (comme le titre l’indique), il a la bonne idée d’y ajouter un "partenaire-complice" (Romain Mascagni). Une sorte de second rôle incontournable qui devient rapidement un personnage à part entière. L’idée est formidable et donne un tour encore plus drôle et plus percutant au texte de Fo.

L’intrigue se résume vite mais le personnage n’en est pas moins complexe. Cette femme dont nous ne connaissons même pas le prénom nous raconte. Quoi donc ? Sa vie de ménagère, de commère, de femme mariée, de mère et d’amante… enfin, sa vie quoi ! Un récit qui pourrait tourner au fait divers et rejoindre les rangs de S.O.S. Femme Battue si un gros grain de folie ne venait enrayer la machine. Quand le drame devient burlesque et la comédie dramatique, le rire est grinçant et non moins hilarant. D’un côté comme de l’autre, Bernard Pisani a le sens de l’équilibre et a su faire danser ses personnages sur une corde raide.

Brigitte Lucas d’abord, dans le rôle de "la femme". Chapeau fleuri, jupe violette et top rouge (pimpant) : elle est aux couleurs de sa folie… "bille-barrée". Même si elle a encore besoin d’un peu plus de justesse dans le ton et dans la gestuelle (pas toujours assez précise), la comédienne a su néanmoins épouser avec souplesse et énergie ce personnage totalement décalé. Cette jeune comédienne de soixante-trois ans (elle a démarré son apprentissage à Dullin il y a une dizaine d’années) ne manque ni d’excentricité ni de personnalité.

Romain Mascagni © D.R.
Romain Mascagni © D.R.
Mais le clou du spectacle est bien dans le choix du bruiteur, Romain Mascagni. Un poil ahuri, à mi-chemin entre Jerry Lewis et Michel Courtemanche, il navigue entre son essoreuse à salade, ses bouts de polystyrène, sa ventouse à gogues et divers objets aussi improbables pour imiter les bruits d’une machine à laver, d’un oiseau ou d’un baiser romantique. Ce virtuose (aux instruments insolites) "mime" avec fracas et drôlerie l’univers déjanté qui habite cette femme. En clair : un joyeux bordel que cette vie-là !

Pour mettre en scène cette enfant terrible (devenue un classique du répertoire italien), Bernard Pisani a eu recours à une fabrication faite de bric et de broc. Du pur jus artisanal. Aux saveurs explosives et pleines de trouvailles !



"Une femme seule"

Brigitte Lucas © D.R.
Brigitte Lucas © D.R.
(vu le 14 avril 2011)

Texte : Dario Fo.
Mise en scène : Bernard Pisani.
Avec : Brigitte Lucas et Romain Mascagni.
Production : Cie Vents et Marées.

Du 30 mars au 11 juin 2011.
Du mercredi au samedi à 19 h.
Théâtre du Guichet Montparnasse, Paris XIVe, 01 43 27 88 61.
Pour plus de renseignements :
www.guichetmontparnasse.com/

Autres dates : Du 8 au 30 juillet 2011.
Au Magasin-Théâtre, 31 rue des Teinturiers, Avignon (84).

Sheila Louinet
Samedi 23 Avril 2011

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025












À Découvrir

"La Chute" Une adaptation réussie portée par un jeu d'une force organique hors du commun

Dans un bar à matelots d'Amsterdam, le Mexico-City, un homme interpelle un autre homme.
Une longue conversation s'initie entre eux. Jean-Baptiste Clamence, le narrateur, exerçant dans ce bar l'intriguant métier de juge-pénitent, fait lui-même les questions et les réponses face à son interlocuteur muet.

© Philippe Hanula.
Il commence alors à lever le voile sur son passé glorieux et sa vie d'avocat parisien. Une vie réussie et brillante, jusqu'au jour où il croise une jeune femme sur le pont Royal à Paris, et qu'elle se jette dans la Seine juste après son passage. Il ne fera rien pour tenter de la sauver. Dès lors, Clamence commence sa "chute" et finit par se remémorer les événements noirs de son passé.

Il en est ainsi à chaque fois que nous prévoyons d'assister à une adaptation d'une œuvre d'Albert Camus : un frémissement d'incertitude et la crainte bien tangible d'être déçue nous titillent systématiquement. Car nous portons l'auteur en question au pinacle, tout comme Jacques Galaud, l'enseignant-initiateur bien inspiré auprès du comédien auquel, il a proposé, un jour, cette adaptation.

Pas de raison particulière pour que, cette fois-ci, il en eût été autrement… D'autant plus qu'à nos yeux, ce roman de Camus recèle en lui bien des considérations qui nous sont propres depuis toujours : le moi, la conscience, le sens de la vie, l'absurdité de cette dernière, la solitude, la culpabilité. Entre autres.

Brigitte Corrigou
09/10/2024
Spectacle à la Une

"Very Math Trip" Comment se réconcilier avec les maths

"Very Math Trip" est un "one-math-show" qui pourra réconcilier les "traumatisés(es)" de cette matière que sont les maths. Mais il faudra vous accrocher, car le cours est assuré par un professeur vraiment pas comme les autres !

© DR.
Ce spectacle, c'est avant tout un livre publié par les Éditions Flammarion en 2019 et qui a reçu en 2021 le 1er prix " La Science se livre". L'auteur en est Manu Houdart, professeur de mathématiques belge et personnage assez emblématique dans son pays. Manu Houdart vulgarise les mathématiques depuis plusieurs années et obtient le prix de " l'Innovation pédagogique" qui lui est décerné par la reine Paola en personne. Il crée aussi la maison des Maths, un lieu dédié à l'apprentissage des maths et du numérique par le jeu.

Chaque chapitre de cet ouvrage se clôt par un "Waooh" enthousiaste. Cet enthousiasme opère aussi chez les spectateurs à l'occasion de cet one-man-show exceptionnel. Un spectacle familial et réjouissant dirigé et mis en scène par Thomas Le Douarec, metteur en scène du célèbre spectacle "Les Hommes viennent de Mars et les femmes de Vénus".

N'est-ce pas un pari fou que de chercher à faire aimer les mathématiques ? Surtout en France, pays où l'inimitié pour cette matière est très notoire chez de nombreux élèves. Il suffit pour s'en faire une idée de consulter les résultats du rapport PISA 2022. Rapport édifiant : notre pays se situe à la dernière position des pays européens et avant-dernière des pays de l'OCDE.
Il faut urgemment reconsidérer les bases, Monsieur le ministre !

Brigitte Corrigou
12/04/2025
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024