La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

"Un dernier rêve pour la route"… On en reprend un p'tit dernier avec plaisir !

Dans une pièce où la fantaisie et la musique prennent le pouvoir, Helena Noguerra apporte un bol d'air frais sur des sujets, dont certains sombres, tels la vie, l'amour, la mort et le suicide. Dans ce quarté, l'autrice et comédienne ne suscite pas, à dessein, de réponses définitives mais pose des questions dans un cadre dramaturgique gai et enjoué.



© Émilie Brouchon.
© Émilie Brouchon.
Lumière sur un grand lit qui prend la quasi-superficie de la scène alors qu'un chant découvre au préalable la scénographie. Tout se déroule dans ce lit, entre propos et situations éveillés comme d'autres rêvés ou imaginés. C'est sur cette crête que s'insinuent des êtres autant réels qu'à cheval entre fées, chimères et monstres, au demeurant fort sympathiques.

Viennent s'ébattre au début Iléna (Helena Noguerra) et son amoureux (Pierre Notte). L'amour pose son genou dès l'entame de la pièce avec des premières réflexions sur le sujet. Une guitare et une chanson démarrent le spectacle. La musique accompagne différents moments. Guitare à la main, Philippe Eveno joue de l'instrument dans différentes scènes. Ces moments musicaux, avec un aparté, un moment plutôt joyeux et chantonnant, permettent de créer des ruptures de jeu et de nourrir la dramaturgie d'une certaine espièglerie.

Entre tragédie et comédie, légèreté et gravité, rêve et réalité, innocence et lucidité, la gamme d'émotions est vaste. Oscillant d'un sentiment à l'autre, la dramaturgie installe à une même place des événements qui se déroulent dans un espace de temps dont le spectateur est libre d'accorder une durée plus ou moins grande.

© Émilie Brouchon.
© Émilie Brouchon.
Qui est Iléna, protagoniste principale qui se dispute la scène avec sa mère et un amoureux d'un jour, d'un mois, d'une année ou d'une vie ? On ne saura pas pour ce dernier élément. Là aussi, le spectateur est libre de choisir. La dramaturgie s'inscrit dans un rapport à l'espace et à l'instant, à géométrie variable. Les personnages tout autant. La mère aime-t-elle sa fille ? Là aussi, libre à chacun de choisir. Les protagonistes ont un lien entre eux assez lâche où leur relation est ambigüe.

Iléna, aime-t-elle réellement son amoureux ? Sa mère, qui a un rapport un brin décalé avec ce qui se joue sur scène, aime-t-elle Iléna ? Au-delà de leur filiation, quel est leur véritable lien sentimental ? Elle accompagne sa fille dans ses doutes existentiels, voire son désespoir, mesuré dans les réflexions, mais beaucoup plus tranché dans ses décisions finales. Il y a un décalage par rapport à une réalité, avec une génitrice assez facétieuse face au destin de son enfant adulte qui se questionne, tragiquement, sur la vie, avec le suicide qui est aussi posé ouvertement.

© Émilie Brouchon.
© Émilie Brouchon.
La pièce ne tombe pas dans un travers triste. Bien au contraire, elle garde une allure de bonne tenue humoristique de bout en bout. La fantaisie permet de la faire dériver vers des rivages où le loufoque a ses reparties avec quelques protagonistes affublés de perruques et de costumes haut en couleur qui bousculent le thème dramaturgique. Nous sommes dans un rapport à l'imaginaire avec des personnages irréels et déjantés comme, entre autres, ces "monstres" en forme de lapins quand ce n'est pas Icare ou un boxeur qui prennent le relais. Fruits de l'imaginaire d'Iléna, ceux-ci participent, via son inconscient, à se nourrir à différentes auberges pour cheminer dans des contours dramaturgiques afin d'éclairer, toute proportion gardée, les côtés lumineux et obscurs de la vie.

"Un dernier rêve pour la route"

© Émilie Brouchon.
© Émilie Brouchon.
Texte : Helena Noguerra.
Mise en scène : Catherine Schaub.
Assistante à la mise en scène : Agnès Harel.
Avec : Romain Brau, Christiane Cohendy, Philppe Eveno, Helena Noguerra, Pierre Notte.
Scénographie : Emmanuel Clolus.
Création musicale : Helena Noguerra et Philippe Eveno.
Design sonore : Jean-Baptiste de Tonquedec
Costume : Romain Brau.
Lumières : Thierry Morin.
Durée : 1 h 20.

Du 6 au 24 juin 2023.
Du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 15 h 30.
Théâtre du Rond-Point, Salle Jean Tardieu, Paris 8e, 01 44 95 98 00.
>> theatredurondpoint.fr

Safidin Alouache
Lundi 12 Juin 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À Découvrir

"Bienvenue Ailleurs" Faire sécession avec un monde à l'agonie pour tenter d'imaginer de nouveaux possibles

Sara a 16 ans… Une adolescente sur une planète bleue peuplée d’une humanité dont la grande majorité est sourde à entendre l’agonie annoncée, voire amorcée diront les plus lucides. Une ado sur le chemin de la prise de conscience et de la mutation, du passage du conflit générationnel… à l'écologie radicale. Aurélie Namur nous parle, dans "Bienvenue ailleurs", de rupture, de renversement, d'une jeunesse qui ne veut pas s'émanciper, mais rompre radicalement avec notre monde usé et dépassé… Le nouvel espoir d'une jeunesse inspirée ?

© PKL.
Sara a donc 16 ans lorsqu'elle découvre les images des incendies apocalyptiques qui embrasent l'Australie en 2020 (dont l'île Kangourou) qui blessent, brûlent, tuent kangourous et koalas. Images traumatiques qui vont déclencher les premiers regards critiques, les premières révoltes générées par les crimes humains sur l'environnement, sans évocation pour elle d'échelle de gravité, cela allant du rejet de solvant dans les rivières par Pimkie, de la pêche destructrice des bébés thons en passant de l'usage de terres rares (et les conséquences de leur extraction) dans les calculettes, les smartphones et bien d'autres actes criminels contre la planète et ses habitants non-humains.

Puisant ici son sujet dans les questionnements et problèmes écologiques actuels ou récurrents depuis de nombreuses années, Aurélie Namur explore le parcours de la révolte légitime d’une adolescente, dont les constats et leur expression suggèrent une violence sous-jacente réelle, puissante, et une cruelle lucidité, toutes deux fondées sur une rupture avec la société qui s'obstine à ne pas réagir de manière réellement efficace face au réchauffement climatique, à l'usure inconsidérée – et exclusivement humaine – de la planète, à la perte de confiance dans les hommes politiques, etc.

Composée de trois fragments ("Revoir les kangourous", "Dézinguée" et "Qui la connaît, cette vie qu'on mène ?") et d'un interlude** – permettant à la jeunesse de prendre corps "dansant" –, la pièce d'Aurélie Namur s'articule autour d'une trajectoire singulière, celle d'une jeune fille, quittant le foyer familial pour, petit à petit, s'orienter vers l'écologie radicale, et de son absence sur le plateau, le récit étant porté par Camila, sa mère, puis par Aimé, son amour, et, enfin, par Pauline, son amie. Venant compléter ce trio narrateur, le musicien Sergio Perera et sa narration instrumentale.

Gil Chauveau
10/12/2024
Spectacle à la Une

"Dub" Unité et harmonie dans la différence !

La dernière création d'Amala Dianor nous plonge dans l'univers du Dub. Au travers de différents tableaux, le chorégraphe manie avec rythme et subtilité les multiples visages du 6ᵉ art dans lequel il bâtit un puzzle artistique où ce qui lie l'ensemble est une gestuelle en opposition de styles, à la fois virevoltante et hachée, qu'ondulante et courbe.

© Pierre Gondard.
En arrière-scène, dans une lumière un peu sombre, la scénographie laisse découvrir sept grands carrés vides disposés les uns sur les autres. Celui situé en bas et au centre dessine une entrée. L'ensemble représente ainsi une maison, grande demeure avec ses pièces vides.

Devant cette scénographie, onze danseurs investissent les planches à tour de rôle, chacun y apportant sa griffe, sa marque par le style de danse qu'il incarne, comme à l'image du Dub, genre musical issu du reggae jamaïcain dont l'origine est due à une erreur de gravure de disque de l'ingénieur du son Osbourne Ruddock, alias King Tubby, en mettant du reggae en version instrumentale. En 1967, en Jamaïque, le disc-jockey Rudy Redwood va le diffuser dans un dance floor. Le succès est immédiat.

L'apogée du Dub a eu lieu dans les années soixante-dix jusqu'au milieu des années quatre-vingt. Les codes ont changé depuis, le mariage d'une hétérogénéité de tendances musicales est, depuis de nombreuses années, devenu courant. Le Dub met en exergue le couple rythmique basse et batterie en lui incorporant des effets sonores. Awir Leon, situé côté jardin derrière sa table de mixage, est aux commandes.

Safidin Alouache
17/12/2024
Spectacle à la Une

"R.O.B.I.N." Un spectacle jeune public intelligent et porteur de sens

Le trio d'auteurs, Clémence Barbier, Paul Moulin, Maïa Sandoz, s'emparent du mythique Robin des Bois avec une totale liberté. L'histoire ne se situe plus dans un passé lointain fait de combats de flèches et d'épées, mais dans une réalité explicitement beaucoup plus proche de nous : une ville moderne, sécuritaire. Dans cette adaptation destinée au jeune public, Robin est un enfant vivant pauvrement avec sa mère et sa sœur dans une sorte de cité tenue d'une main de fer par un être sans scrupules, richissime et profiteur.

© DR.
C'est l'injustice sociale que les auteurs et la metteure en scène Maïa Sandoz veulent mettre au premier plan des thèmes abordés. Notre époque, qui veut que les riches soient de plus en plus riches et les pauvres de plus pauvres, sert de caisse de résonance extrêmement puissante à cette intention. Rien n'étonne, en fait, lorsque la mère de Robin et de sa sœur, Christabelle, est jetée en prison pour avoir volé un peu de nourriture dans un supermarché pour nourrir ses enfants suite à la perte de son emploi et la disparition du père. Une histoire presque banale dans notre monde, mais un acte que le bon sens répugne à condamner, tandis que les lois économiques et politiques condamnent sans aucune conscience.

Le spectacle s'adresse au sens inné de la justice que portent en eux les enfants pour, en partant de cette situation aux allures tristement documentaires et réalistes, les emporter vers une fiction porteuse d'espoir, de rires et de rêves. Les enfants Robin et Christabelle échappent aux services sociaux d'aide à l'enfance pour s'introduire dans la forêt interdite et commencer une vie affranchie des règles injustes de la cité et de leur maître, quitte à risquer les foudres de la justice.

Bruno Fougniès
13/12/2024