La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Théâtre

Roméo et Juliette au pays du soleil levant !

"Roméo et Juliette", Théâtre 71, Malakoff (92)

Omar Porras dépayse la pièce de William Shakespeare dans la version de François-Victor Hugo. Jouée par une troupe helvético–japonaise, la version est celle du Japon des mangas, des karaokés, le Japon mignon "kawai" qui, en suivant comme autant de chromos les scènes de la célèbre pièce de Shakespeare, se revêt des atours du Kabuki, du Bunraku et du No… Et, comme en une montée d’émulsion, découvre de nouvelles sources de séductions.



© K. Miura.
© K. Miura.
C’est au rythme de tambours battants, dans une vitalité de ninjas, que se développent une farce et un divertissement frénétique qui ne rechigne pas à appuyer les signes du grotesque. Le jeu est intense, le corps est en mouvement, toujours tenu, à la limite du gymnique, quasi marionnettique : ce qui peut occasionner une certaine fatigue du spectateur.

Théâtralement, le kitsch apparent, appuyé par une très grande qualité de travestissement, se décante et se dissout en une somptueuse scène finale, scène de mort, de fusion, d’apaisement des amants enfin réunis… L’image est belle et juste. Ces Japons qui se regardent offrent une vertigineuse remontée du temps au présent. Il apparait au spectateur que les personnages se battent réellement contre les fantômes et font bien l’expérience sensorielle de rejoindre leurs rêves.

© K. Miura.
© K. Miura.
La naissance de l’amour a bien sonné, à la fois un préavis de la mort des personnages et la naissance de la beauté.

De ce voyage théâtral sourd une forme de mélancolie qui offre de réelles correspondances avec le monde de la renaissance européenne et le monde contemporain.

Force de la fatalité, débat entre archaïsmes et modernités, dans sa remontée vers le No, ce Roméo et Juliette a bien des qualités.

"Roméo et Juliette"

© K. Miura.
© K. Miura.
Spectacle en français et japonais surtitré en français.
Texte : William Shakespeare.
Traduction française : François-Victor Hugo.
Traduction japonaise : Kawai Shoichiro.
Adaptation et mise en scène : Omar Porras, assisté de Fabiana Medina.
Avec : Adrien Gygax, Tsuyoshi Kijima, Pierre-Yves Le Louarn, Micari, Yoneji Ouchi, Morimasa Takeishi, Momoyo Tateno, Takahiko Watanabe, Miyuki Yamamoto, Ryo Yoshimi.
Création son : Emmanuel Nappey.
Création lumière : Takeaki Iwashini.
Composition musicale : Alessandro Ratoci.
Scénographie : Omar Porras, conseillé par Amélie Kiritzé-Topor.
Perruques et maquillage : Véronique Nguyen, assistée de Jennifer Yuki Hata.
Durée : 1 h 45.

Du 8 au 19 octobre 2013.
Mardi et vendredi à 20 h 30, mercredi, jeudi et damedi à 19 h 30, dimanche à 16 h.
Théâtre 71 Scène Nationale, Malakoff (92), 01 55 48 91 00.

Tournée 2013.
Suisse - Monthey : Théâtre du Crochetan, 23 octobre 2013.
France - Corbeil-Essonnes : Le Théâtre, 8 et 9 novembre 2013.
France - Châteauvallon : CNCDC, 15 et 16 novembre 2013.
France - Annecy : Bonlieu Scène Nationale, 20 au 22 novembre 2013.
Suisse - Morges : Théâtre de Beausobre, 23 novembre 2013.
Suisse - Genève : Cité Bleue, 29 novembre au 1er décembre 2013.
Suisse - Vevey : Théâtre de Vevey, 5 décembre 2013.
Suisse - Genève : Cité Bleue, 7 au 14 décembre 2013.
France - Caen : Comédie de Caen, 18 et 19 décembre 2013.

Jean Grapin
Mardi 15 Octobre 2013

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter | Avignon 2025







À Découvrir

"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
Spectacle à la Une

"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
Spectacle à la Une

"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

© Christophe Raynaud de Lage.
Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024