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Danse

Premier des trois spectacles présentés au Rond-Point, "Fuck Me" de Marina Otero fait se lever un public chancelant pour une ovation méritée

Pourtant, rien n'était acquis. Marina Otero, chorégraphe et danseuse argentine, n'a pas l'habitude de lisser les images qu'elle jette sur le plateau pour faire du joli. Il y en a que cela dérange peut-être, et c'est tant mieux. Mais la chorégraphe n'a pour principe et seul guide que sa volonté de dire et de montrer ses émotions, ses sentiments et ses pensées dans toutes leurs intensités, leurs violences.



© Ale Carmona.
© Ale Carmona.
Depuis qu'elle a commencé sa série de créations intitulée "Recordar para vivi (Se rappeler pour vivre)", elle s'est choisie elle-même comme sujet de ses spectacles. Sa vie, ses bouleversements, ses créations, ses émotions, ses pensées forment le vivier dans lequel elle puise son inspiration, comme tout créateur, mais ils sont également le fil narratif de ses spectacles.

Des spectacles qui ne sont pas seulement des chorégraphies, mais un mélange beaucoup plus complexe et élaboré. En mêlant projections vidéos (de la vie réelle de Marina Otero), textes (sous forme de longs monologues), musiques et, bien sûr, chorégraphies, elle parvient à créer une sorte d'élongation temporelle. Le passé et le présent parviennent à se combiner, se répondre, se mêler, et c'est là l'intention profonde et centrale du projet "Recordar para vivir" qu'elle compte poursuivre jusqu'à sa mort : tordre le temps, lui tordre le cou peut-être.

"Fuck Me", c'est un titre qui provoque. C'est aussi le cri profond d'un corps blessé, en convalescence douloureuse dans un hôpital madrilène, le corps de Marina elle-même opérée de la colonne vertébrale, il y a quelques années. Une immobilisation qui déclenche un besoin d'amour, besoin d'être désirée, besoin de faire vivre ce corps, de lui faire ressentir à nouveau les pulsions fortes et pleines. "Le corps est la seule chose évidente" dit-elle en s'asseyant difficilement sur une chaise au bord de la scène.

© Maca de Noia.
© Maca de Noia.
Elle est bien là sur scène avec ses danseurs, Marina Otero, mais elle ne danse pas. Elle s'est instituée narratrice du spectacle, un spectacle dont elle raconte la longue gestation. Remontant à sa propre enfance en Argentine, ses souvenirs de son grand-père de la marine militaire pendant la junte criminelle des années soixante-dix (d'où le prénom Marina qu'elle reçut à sa naissance), puis, plus près de nous, les réminiscences d'un spectacle où elle était interprète d'une Andréa, prostituée, retrouvée assassinée, et plus près encore, cette opération de la colonne durant laquelle elle conçoit ce spectacle né de l'angoisse, de la douleur, de la soif de désir.

Ses cinq danseurs sont nus dès les premières minutes du spectacle. Cinq hommes, dont un se travestit en Marina Otero. C'est autant corrosif, violent, exacerbé que drôle et magnifiquement dérisoire par instant. Les cinq danseurs, figures masculines fièrement exhibées, sont autant sujets de désirs et de violence que marionnettes gentiment ridicules. Le propos de Marina Otero n'est jamais d'un bloc. La réalité se métamorphose régulièrement en fiction, invention, fantaisie.

Cinq danseurs dont il faut saluer le talent et l'esprit. Car ils se prêtent au jeu de la dérision quasi-fataliste de leur chorégraphe, ainsi tous s'appellent Pablo comme les trois dernières rencontres amoureuses de celle-ci… Pablo n°1, Pablo n°3, Pablo n°4, etc. Mais ils ajoutent à leurs arts de danseurs (danseurs un peu déjantés par moments) énormément de jeu. Ils interprètent finalement chacun, sous la fausse étiquette de leurs prénoms semblables, des personnages qui s'expriment non seulement par le corps, mais par le texte, par le chant. Augusto Chiappe, Cristian Vega, Fred Raposo, Juan Francisco López Bubica, Matías Rebossio ou Miguel Valdivieso sont la chair ironique ou investie de cette performance, de cette histoire.

© Marco Roa.
© Marco Roa.
Et même si la douleur, avec toute la violence qu'elle provoque, reste le centre du propos de "Fuck Me", le corps, ses désirs, ses manques et son poids sont les véritables enjeux en question, magnifiquement exposés par des chorégraphies baroques où la liberté est brandie, clamée, revendiquée jusqu'à en perdre le souffle. Les images fortes, faites de mots, de musiques et de corps, restent longtemps dans les esprits après avoir vu ce spectacle qui agit comme une sorte d'exutoire aux souffrances infligées par les autres, par le temps ("La mort de la jeunesse est irréversible" dit-elle) ou par son propre mal-être.

La suite des représentations au Théâtre du Rond-Point, ce sera : "Love Me" le mardi 24 septembre 2024 à 19 h 30 pour lequel Marina Otero sera seule sur scène. Puis "Kill Me" du 25 au 29 septembre, un magnifique opus que nous avions chroniqué en juin pour le Printemps des Comédiens.
>> Après "Fuck me" et "Love me", "Kill me" poursuit spectaculairement la création infinie de Marina Otero
◙ Bruno Fougniès

"Fuck Me"

© Maca de Noia.
© Maca de Noia.
Écriture : Marina Otero.
Dramaturgie et mise en scène : Marina Otero.
Assistante à la mise en scène : Lucrecia Pierpaoli.
Assistante chorégraphique : Lucía Giannoni.
Avec : Augusto Chiappe, Cristian Vega, Fred Raposo, Juan Francisco, López Bubica, Matías Rebossio, Miguel Valdivieso, Marina Otero.
Conception de l'espace et de l'éclairage : Adrián Grimozzi.
Direction technique : David Seldes et Facundo David.
Conception des costumes : Uriel Cistaro.
Conception sonore et musique originale : Julián Rodríguez Rona.
Conseil dramaturgie : Martín Flores Cárdenas.
Assistante en design d'espaces et éclairage : Carolina Garcia Ugrin
Artiste visuel : Lucio Bazzalo
Montage technique audiovisuel : Florencia Labat.
Stylisme des costumes : Chu Riperto.
Photographie : Matías Kedak.
Costumes : Adriana Baldani.
Opération des surtitres : Myriam Henne-Adda.
Durée : 1 h 10.
À partir de 16 ans.

© Matias Kedak.
© Matias Kedak.
A été joué du 18 au 22 septembre 2024.
Mercredi, jeudi et vendredi à 21 h, samedi à 20 h, dimanche à 17 h.

"Love Me"
A été joué le 24 septembre à 19 h 30.

"Kill Me"
Du 25 au 29 septembre 2024.
Du mercredi au vendredi à 21 h, samedi à 20 h, diamnche à 17 h.
Durée : 1 h 30.
Théâtre du Rond-Point, Salle Renaud-Barrault, Paris 8e, 01 44 95 98 21.
>> theatredurondpoint.fr

Tournée de "Kill Me"
3 et 4 octobre 2024 : HAU - Hebbel am Ufer, Berlin (Allemagne).
19 et 20 octobre 2024 : Staatstheater Mainz, Mayence (Allemagne).
31 octobre au 2 novembre 2024 : Théâtre Vidy-Lausanne, Lausanne (Suisse).
5 novembre 2024 : L'Onde, Vélizy-Villacoublay (78).
12 novembre 2024 : Teatr Polski, Bydgoszcz (Pologne).
21 novembre 2024 : Temporada Alta, Girona (Espagne).
19 au 23 mars 2025 : Teatro Lliure, Barcelona (Espagne).
26 au 29 mars 2025 : Les Célestins, Lyon (69).

Bruno Fougniès
Mercredi 25 Septembre 2024

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"Différente" Carolina ou "Cada uno es un mundo (Chacun est un monde)"

Star internationale à la frange rouge, Carolina est de retour en France, après sa tournée mondiale. Heureuse de retrouver son public préféré, elle interprète en live des chansons populaires qui touchent le cœur de toutes les générations.

© Audrey Bären.
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Portraitiste décalé et impertinent d'une Histoire de France ou de l'Humanité aux galbes pas toujours gracieux dont surgissent parfois les affres de notre condition humaine, Régis Vlachos, "Cabaret Louise" (Louise Michel), "Dieu est mort" (Dieu, mieux vaut en rire)"Little Boy" (nom de la bombe larguée sur Hiroshima), revient avec un nouveau spectacle (création 2023) inspiré d'un des plus grands scandales de notre histoire contemporaine : la Françafrique. Et qui d'autre que Jacques Chirac – l'homme qui faisait la bise aux dictateurs – pouvait être convoqué au "tribunal" du rire et de la fantaisie par l'auteur facétieux, mais doté d'une conscience politique aiguë, qu'est Régis Vlachos.

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Gil Chauveau
03/11/2024