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Avignon 2023

•Off 2023• "La Brève liaison de Maman" où se croisent la petite et grande histoire dans l'univers décapant de l'humour

Attention ! Humour juif ! Mieux encore, humour juif new-yorkais ! Le plus connu de cet humour est le fameux Woody Allen, mais l'auteur de la pièce, Richard Greenberg, s'inscrit dans ce même registre. Ses personnages sont caractérisés non seulement par des caractères très marqués, excessifs, mais également par des névroses et autres chaos psychologiques qui sont tellement présents qu'ils en deviennent des moteurs de l'action.



© Elie Benzekri.
© Elie Benzekri.
C'est l'histoire d'une famille dont les enfants, des jumeaux homme et femme, sont déjà grands et dont les vies sont achevées, mais pour lesquels les liens familiaux sont encore extrêmement brûlants. Une famille tout à fait normale, disons-le, même si les deux enfants sont homosexuels, une homosexualité qu'ils vivent très bien. Ce qu'ils vont moins bien vivre, c'est d'apprendre tout à coup que leur mère (jouée par Francine Bergé incroyable de fluidité, de fragilité et de rouerie) a eu un amant et que, soudain, elle leur en dévoile l'existence.

Pour les enfants, cette révélation explose comme un cataclysme dans le ronron de l'histoire estampillée raisonnable de cette mère juive qu'ils croyaient totalement dévouée à leur famille. Au point qu'ils en doutent, qu'ils la soupçonnent de mythomanie, d'affabulation, voire de sénilité. La drôlerie de l'histoire est de voir ces deux personnages choqués par l'existence possible de cet amant qui semble avoir traversé leur jeunesse sans qu'ils n'en sachent rien. Alors qu'eux-mêmes sont un peu borderline. La fille (interprétée par Anne Leguernec, toujours aussi pertinente dans cette interprétation avec l'élégance sensuelle qu'on lui connaît) qui s'est mis en tête de lire à son bébé des histoires d'holocauste pour l'endormir. Le fils, dont le métier est d'écrire exclusivement des nécrologies (Frédéric Andrau est très attachant dans ce rôle où il développe une belle humanité)…

© Elie Benzekri.
© Elie Benzekri.
"La Brève liaison de Maman" nous fait donc assister à cette "enquête" autour de cet ancien amant (Jean-Jacques Vanier, fantôme très joliment incarné) qui finira par s'inscrire dans la grande Histoire en révélant un lien très étroit avec le drame des époux Rosenberg (couple qui fut exécuté par l'État américain pour raison d'espionnage dans les années cinquante).

Ode au bonheur possible malgré le monde et ses jugements, mais ode également aux secrets pour que ce bonheur existe, "La Brève liaison de maman" est comme une sonate pleine d'humour, de tendresse et de gravité, joliment mise en scène par Isabelle Starkier.

"La Brève liaison de Maman"

© Elie Benzekri.
© Elie Benzekri.
Texte : Richard Greenberg.
Traduction : Francine Bergé, Franck Pelabon et Éric Sanniez.
Mise en scène : Isabelle Starkier.
Avec : Frédéric Andrau, Francine Bergé, Anne Le Guernec, Jean-Jacques Vanier.
Musique : Alain Territo.
Lumières : Julia Grand.
Décor : Goury
Costumes : Anne Bothuo.
Par la compagnie Isabelle Starkier.
Durée : 1 h 30.
Tout public.

Sélection officielle Phénix Festival
Vu au Studio Hébertot.
>> phenixfestival.com

© Elie Benzekri.
© Elie Benzekri.
•Avignon Off 2023•
Du 7 au 29 Juillet 2023.
Tous les jours à 15 h 50. Relâche le mercredi.
Théâtre du Petit Louvre, Chapelle des Templiers, 23, rue Saint-Agricol, Avignon.
Réservations : 04 32 76 02 79.
>> theatre-petit-louvre.fr

Bruno Fougniès
Lundi 19 Juin 2023

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"Lilou et Lino Le Voyage vers les étoiles" Petit à petit, les chats deviennent l'âme de la maison*

Qu'il est bon de se retrouver dans une salle de spectacle !
Qu'il est agréable de quitter la jungle urbaine pour un moment de calme…
Qu'il est hallucinant de risquer encore plus sa vie à vélo sur une piste cyclable !
Je ne pensais pas dire cela en pénétrant une salle bondée d'enfants, mais au bruit du dehors, très souvent infernal, j'ai vraiment apprécié l'instant et le brouhaha des petits, âgés, de 3 à 8 ans.

© Delphine Royer.
Sur scène du Théâtre Essaïon, un décor représente une chambre d'enfant, celle d'une petite fille exactement. Cette petite fille est interprétée par la vive et solaire Vanessa Luna Nahoum, tiens ! "Luna" dans son prénom, ça tombe si bien. Car c'est sur la lune que nous allons voyager avec elle. Et les enfants, sages comme des images, puisque, non seulement, Vanessa a le don d'adoucir les plus dissipés qui, très vite, sont totalement captés par la douceur des mots employés, mais aussi parce que Vanessa apporte sa voix suave et apaisée à l'enfant qu'elle incarne parfaitement. Un modèle pour les parents présents dans la salle et un régal pour tous ses "mini" yeux rivés sur la scène. Face à la comédienne.

Vanessa Luna Nahoum est Lilou et son chat – Lino – n'est plus là. Ses parents lui racontent qu'il s'est envolé dans les étoiles pour y pêcher. Quelle étrange idée ! Mais la vie sans son chat, si belle âme, à la fois réconfortante, câline et surprenante, elle ne s'y résout pas comme ça. Elle l'adore "trop" son animal de compagnie et qui, pour ne pas comprendre cela ? Personne ce matin en tout cas. Au contraire, les réactions fusent, le verbe est bien choisi. Les enfants sont entraînés dans cette folie douce que propose Lilou : construire une fusée et aller rendre visite à son gros minet.

Isabelle Lauriou
15/05/2025
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"Un Chapeau de paille d'Italie" Une version singulière et explosive interrogeant nos libertés individuelles face aux normalisations sociétales et idéologiques

Si l'art de générer des productions enthousiastes et inventives est incontestablement dans l'ADN de la compagnie L'Éternel Été, l'engagement citoyen fait aussi partie de la démarche créative de ses membres. La présente proposition ne déroge pas à la règle. Ainsi, Emmanuel Besnault et Benoît Gruel nous offrent une version décoiffante, vive, presque juvénile, mais diablement ancrée dans les problématiques actuelles, du "Chapeau de paille d'Italie"… pièce d'Eugène Labiche, véritable référence du vaudeville.

© Philippe Hanula.
L'argument, simple, n'en reste pas moins source de quiproquos, de riantes ficelles propres à la comédie et d'une bonne dose de situations grotesques, burlesques, voire absurdes. À l'aube d'un mariage des plus prometteurs avec la très florale Hélène – née sans doute dans les roses… ornant les pépinières parentales –, le fringant Fadinard se lance dans une quête effrénée pour récupérer un chapeau de paille d'Italie… Pour remplacer celui croqué – en guise de petit-déj ! – par un membre de la gent équestre, moteur exclusif de son hippomobile, ci-devant fiacre. À noter que le chapeau alimentaire appartenait à une belle – porteuse d'une alliance – en rendez-vous coupable avec un soldat, sans doute Apollon à ses heures perdues.

N'ayant pas vocation à pérenniser toute forme d'adaptation académique, nos deux metteurs en scène vont imaginer que cette histoire absurde est un songe, le songe d'une nuit… niché au creux du voyage ensommeillé de l'aimable Fadinard. Accrochez-vous à votre oreiller ! La pièce la plus célèbre de Labiche se transforme en une nouvelle comédie explosive, électro-onirique ! Comme un rêve habité de nounours dans un sommeil moelleux peuplé d'êtres extravagants en doudounes orange.

Gil Chauveau
11/03/2024
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"La vie secrète des vieux" Aimer même trop, même mal… Aimer jusqu'à la déchirure

"Telle est ma quête", ainsi parlait l'Homme de la Mancha de Jacques Brel au Théâtre des Champs-Élysées en 1968… Une quête qu'ont fait leur cette troupe de vieux messieurs et vieilles dames "indignes" (cf. "La vieille dame indigne" de René Allio, 1965, véritable ode à la liberté) avides de vivre "jusqu'au bout" (ouaf… la crudité revendiquée de leur langue émancipée y autorise) ce qui constitue, n'en déplaise aux catholiques conservateurs, le sel de l'existence. Autour de leur metteur en scène, Mohamed El Khatib, ils vont bousculer les règles de la bienséance apprise pour dire sereinement l'amour chevillé au corps des vieux.

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Votre ticket n'est plus valable. Prenez vos pilules, jouez au Monopoly, au Scrabble, regardez la télé… des jeux de votre âge quoi ! Et surtout, ayez la dignité d'attendre la mort en silence, on ne veut pas entendre vos jérémiades et – encore moins ! – vos chuchotements de plaisir et vos cris d'amour… Mohamed El Khatib, fin observateur des us et coutumes de nos sociétés occidentales, a documenté son projet théâtral par une série d'entretiens pris sur le vif en Ehpad au moment de la Covid, des mouroirs avec eau et électricité à tous les étages. Autour de lui et d'une aide-soignante, artiste professionnelle pétillante de malice, vont exister pleinement huit vieux et vieilles revendiquant avec une belle tranquillité leur droit au sexe et à l'amour (ce sont, aussi, des sentimentaux, pas que des addicts de la baise).

Un fauteuil roulant poussé par un vieux très guilleret fait son entrée… On nous avertit alors qu'en fonction du grand âge des participant(e)s au plateau, et malgré les deux défibrillateurs à disposition, certain(e)s sont susceptibles de mourir sur scène, ce qui – on l'admettra aisément – est un meilleur destin que mourir en Ehpad… Humour noir et vieilles dentelles, le ton est donné. De son fauteuil, la doyenne de la troupe, 91 ans, Belge et ancienne présentatrice du journal TV, va ar-ti-cu-ler son texte, elle qui a renoncé à son abonnement à la Comédie-Française car "ils" ne savent plus scander, un vrai scandale ! Confiant plus sérieusement que, ce qui lui manque aujourd'hui – elle qui a eu la chance d'avoir beaucoup d'hommes –, c'est d'embrasser quelqu'un sur la bouche et de manquer à quelqu'un.

Yves Kafka
30/08/2024