La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2022

•Off 2022• "Dalida sur le divan" Ou comment (re)découvrir la célèbre chanteuse

En janvier 1986, Dalida repart sur les terres de son enfance, l'Égypte, pour y tourner "Le Sixième jour". Le cinéaste le plus connu de l'Orient, Youssef Chahine lui propose enfin un vrai rôle au cinéma. C'est ce moment-là de la vie de l'artiste que Joseph Agostini, en collaboration étroite avec Lionel Dameï et Alain Klinger, a choisi de commencer le récit de ce spectacle musical : au moment de ce départ d'une renaissance vers le premier pays, le berceau. Dalida jouera ce film et se suicidera peu après en laissant un message : "La vie m'est insupportable. Pardonnez-moi".



© Julien Truchon.
© Julien Truchon.
"Quelle belle aventure nous réalisons là, tous les trois. Adapter à la scène mon texte est un projet vertigineux, moi qui ai découvert les portes de l'amour, de la mort et du destin grâce à cette femme si singulière. Je ne l'ai jamais rencontrée, mais je lui dois tout et plus encore. Sans elle, je ne serai pas psychanalyste, ni auteur, ni même vivant", Joseph Agostini.

Joseph Agostini est en effet psychologue clinicien et, à ce titre, comment fut-il possible qu'il ne se passionne pas pour cette femme si particulière que fut Iolanda Gigliotti, plus connue sous le nom de Dalida, indépendamment du fait que celle-ci a exercé sur lui un pouvoir incontestable. Car c'est une femme bouleversante, exigeante et probablement un peu trop utopiste sur une certaine réalité du monde et des hommes, qui est présentée dans ce bien joli spectacle musical. L'angle choisi n'est pas celui des paillettes, ni du show-business, ni celui des projecteurs, mais plutôt celui de l'intime, des drames et des souffrances de la femme artiste.

Pourtant, son envie de croquer la vie à pleines dents était la vraie réalité de Dalida et cela transparaît tout en délicatesse dans l'interprétation du comédien si sensible, Lionel Dameï et de son complice de longue date, Alain Klinger qui prolonge en quelque sorte le rôle de Joseph Agostini en incarnant le psychanalyste.

"Le spectacle n'est pas une stricte adaptation du livre éponyme car ce dernier est très psychanalytique, mais plutôt une libre adaptation, une confession intime", Lionel Dameï.

C'est bien dans une atmosphère très intimiste, douce, calme et paradoxalement sereine que le spectateur est plongé à l'occasion de ce spectacle émouvant, interprété tout en délicatesse par les deux comédiens-chanteurs qui proposent un florilège de chansons connues, d'autres moins connues, de paroles dites ou d'autres inventées grâce surtout à la magie toute palpable de la création et de la passion affichée des deux protagonistes.

© Marie-Paule Santini.
© Marie-Paule Santini.
Le spectateur n'en perd pas une miette et se laisse bercer tout au long de la représentation par des voix tantôt parlées, tantôt chantées, en solo ou à deux, tout en étant porté par les notes au piano d'un psychanalyste pianiste très attachant dont on perçoit bien son désir de cerner la dimension inconsciente qui a bien pu régir l'existence de cette femme occultée par l'artiste adulée.

L'univers de Lionel Dameï est un univers particulier, passionné, subtilement sensible, mêlant musique, danse et chanson. Sur scène, tel un feu follet, il revit, car celle-ci est pour lui impérieuse et d'une absolue nécessité. Cela se voit et se sent dès les premiers instants du spectacle. L'âme de Dalida, il parvient mystérieusement à la transmettre et le piano ouvert sur lequel joue si facilement Alain Klinger est comme un puits ouvert, prêt à recueillir les confidences intimes de Dalida, à les sublimer ou au contraire à les engloutir.

"Il n'y a vraiment que l'amour qui vaille la peine". Mais lequel ? L'amour de la vie que fut celle de Dalida ? L'amour de la scène sur laquelle nous transporte le comédien ? Certainement un peu des deux. Le tout étant fort agréablement conjugué.

La proposition faite par Lionel Dameï, Joseph Agostini, Alain Klinger et un quatrième complice à la mise en scène, Christophe Roussel, est un moment de spectacle translucide comme un diamant. À aucun moment, avec Lionel Dameï, nous ne sommes chez Michou mais bien plus entre les quatre murs d'une interprétation fine et sensible que nous vous invitons à aller découvrir au Verbe Fou assis sur un fauteuil aux allures de divan.

Parce que le destin et les mots qui l'accompagnent pour le dire sont parfois de douces folies qu'il faut coûte que coûte s'employer à vivre. Vivre. Vivre. Et en quel autre lieu que celui de ce Théâtre dirigé par Fabienne Govaerts un tel spectacle aurait-il pu être programmé ? Nous cherchons… Mais nous ne trouvons pas !

Spectacle vu en avant-première le 27 avril 2022 au Verbe Fou, Avignon.

"Dalida sur le divan"

Spectacle musical
D'après le livre éponyme de Joseph Agostini.
Adapté pour la scène par l'auteur, Lionel Dameï et Alain Klinger.
Avec : Lionel Dameï (comédien, chanteur, auteur) et Alain Klinger (comédien, chanteur, pianiste).
Mise en scène et regard artistique : Sophie Lahayville et Christophe Roussel.
Direction technique : William Burdet.
Production : Cie Chansons de Gestes.
Durée : 1 h 05.

•Avignon Off 2022•
Du 6 au 30 juillet 2022.
Tous les jours à 13 h 30, relâche le mardi.
Théâtre du Verbe Fou, 95, rue des Infirmières, Avignon.
Réservations : 04 90 85 29 90.
>> leverbefou.fr

Brigitte Corrigou
Mercredi 6 Juillet 2022

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022










À découvrir

"Salle des Fêtes" Des territoires aux terroirs, Baptiste Amann arpente la nature humaine

Après le choc de sa trilogie "Des Territoires", dont les trois volets furent présentés en un seul bloc de sept heures à Avignon lors du Festival In de 2021, le metteur en scène se tourne vers un autre habitat. Abandonnant le pavillon de banlieue où vivait la fratrie de ses créations précédentes, il dirige sa recherche d'humanités dans une salle des fêtes, lieu protéiforme où se retrouvent les habitants d'un village. Toujours convaincu que seul ce qui fait communauté peut servir de viatique à la traversée de l'existence.

© Pierre Planchenault.
Si, dans "La vie mode d'emploi", Georges Perec avait imaginé l'existence des habitants d'un bâtiment haussmannien dont il aurait retiré la façade à un instant T, Baptiste Amann nous immerge dans la réalité auto-fictionnelle d'une communauté villageoise réunie à l'occasion de quatre événements rythmant les quatre saisons d'une année. Au fil de ces rendez-vous, ce sont les aspirations de chacun qui se confrontent à la réalité - la leur et celle des autres - révélant, au sens argentique d'une pellicule que l'on développe, des aspérités insoupçonnées.

Tout commence à l'automne avec l'exaltation d'un couple de jeunes femmes s'établissant à la campagne. Avec le montant de la vente de l'appartement parisien de l'une d'elles, écrivaine - appartement acquis grâce au roman relatant la maladie psychiatrique du frère qui les accompagne dans leur transhumance rurale -, elles viennent de s'installer dans une usine désaffectée flanquée de ses anciennes écluses toujours en service. Organisée par le jeune maire survient la réunion du conseil consultatif concernant la loi engagement et proximité, l'occasion de faire connaissance avec leur nouvelle communauté.

Yves Kafka
17/10/2022
Spectacle à la Une

"Qui a cru Kenneth Arnold ?" Une histoire à dormir… éveillé

Levant la tête vers le ciel, qui pourrait soutenir encore que le monde s'organise autour de la Terre centrale et immobile… depuis que Copernic et Galilée ont renversé magistralement la hiérarchie du système solaire, rejetant notre planète Terre - actrice décatie et déchue - au rang d'accessoire de l'étoile Soleil ? De même qui, de nos jours, pourrait être assez obtus pour affirmer que d'autres formes d'intelligences ne puissent exister dans l'univers… depuis que le GEIPAN (Groupe d'Études et d'Informations sur les Phénomènes Aérospatiaux Non-identifiés) a été scientifiquement créé pour démêler le vrai des infox entourant ces phénomènes ? Le collectif OS'O, la tête dans les étoiles (cf. "X", sa précédente création), s'empare de ce sujet ultrasensible pour apporter sa contribution… "hautement" artistique.

© Frédéric Desmesure.
Dans l'écrin du Studio de création du TnBA, une table avec, pour arrière-plan, un écran tendu plantent le décor de cette vraie fausse conférence sur les P.A.N. Mobilisant les ressources de la haute technologie - bricolée frénétiquement - un (vrai) acteur (faux) conférencier de haut vol, assisté d'une (vraie) actrice (fausse) scientifique coincée dans ses notes, et accompagné d'un (vrai) acteur complice, (faux) journaliste critique, incrusté dans les rangs du public, le maître ufologue va compiler les témoignages venus d'ici et d'ailleurs.

Sur le ton amusé des confidences, le conférencier introduit la session en livrant son étrange vision d'une nuit d'été où, à l'aube de ses quinze ans, à 23 h 23 précises, il fut témoin d'une apparition fulgurante alors qu'il promenait son chien sur une plage… Et, encore plus étranges, les deux heures qui suivirent et leur absence de souvenirs, comme s'il avait été "ravi à lui-même", enlevé par les passagers des soucoupes orange…

Suivent d'autres témoignages reposant eux sur des archives projetées. Ainsi, dans l'état du New Hampshire, du couple Betty et Barney Hill, témoignant "en gros plan" avoir été enlevé par des extraterrestres dans la nuit du 19 au 20 septembre 1961. Ainsi, au sud du Pérou, des géoglyphes de Nazca, photographies à l'appui montrant un système complexe de lignes géométriques seulement visibles du ciel… et ne pouvant avoir été tracées que par des extraterrestres…

Yves Kafka
09/02/2023
Spectacle à la Une

Dans "Nos jardins Histoire(s) de France #2", la parole elle aussi pousse, bourgeonne et donne des fruits

"Nos Jardins", ce sont les jardins ouvriers, ces petits lopins de terre que certaines communes ont commencé à mettre à disposition des administrés à la fin du XIXe siècle. Le but était de fournir ainsi aux concitoyens les plus pauvres un petit bout de terre où cultiver légumes, tubercules et fruits de manière à soulager les finances de ces ménages, mais aussi de profiter des joies de la nature. "Nos Jardins", ce sont également les jardins d'agrément que les nobles, les rois puis les bourgeois firent construire autour de leurs châteaux par des jardiniers dont certains, comme André Le Nôtre, devinrent extrêmement réputés. Ce spectacle englobe ces deux visions de la terre pour développer un débat militant, social et historique.

Photo de répétition © Cie du Double.
L'argument de la pièce raconte la prochaine destruction d'un jardin ouvrier pour implanter à sa place un centre commercial. On est ici en prise directe avec l'actualité. Il y a un an, la destruction d'une partie des jardins ouvriers d'Aubervilliers pour construire des infrastructures accueillant les JO 2024 avait soulevé la colère d'une partie des habitants et l'action de défenseurs des jardins. Le jugement de relaxe de ces derniers ne date que de quelques semaines. Un sujet brûlant donc, à l'heure où chaque mètre carré de béton à la surface du globe le prive d'une goutte de vie.

Trois personnages sont impliqués dans cette tragédie sociale : deux lycéennes et un lycéen. Les deux premières forment le noyau dur de cette résistance à la destruction, le dernier est tout dévoué au modernisme, féru de mode et sans doute de fast-food, il se moque bien des légumes qui poussent sans aucune beauté à ses yeux. L'auteur Amine Adjina met ainsi en place les germes d'un débat qui va opposer les deux camps.

Bruno Fougniès
23/12/2022