La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Avignon 2019

•Off 2019• Mireille… Un esprit libre qui donna un air de printemps à la chanson

"La Grande Petite Mireille", Petit Montparnasse, Paris

Au siècle dernier, un petit bout de femme, sous ses airs de chansonnette, libre, volontaire et indépendante, transforma à sa manière le monde de la chanson et du music-hall en lui donnant une note de féminisme et quelques légères mélodies aux tonalités joyeuses, insolentes et mutines ; et innova en créant une école où passèrent des artistes que nous aimons encore aujourd'hui. Elle se nommait Mireille Hartuch mais connue la célébrité sous son simple prénom… Mireille !



© J. Stey.
© J. Stey.
Qui connaît Mireille aujourd'hui ? Pas grand monde sans doute ! À part quelques seniors ou passionnés de chansons de qualité… ou bien Alice Dona, Hugues Aufray, Françoise Hardy, Alain Souchon, Daniel Prévost, ou encore Yves Duteil pour être passés dans les mains perspicaces, bienveillantes mais sans concessions de celle qui créa et dirigea le Petit Conservatoire de la chanson (1955-1974). Mais certaines mélodies et paroles se rappellent bizarrement facilement à notre souvenir… "Ce petit chemin"… qui sent la noisette… "Couchés dans le foin"… avec le soleil pour témoin, ou "Puisque vous partez en voyage"… Ma chérie… je pars avec vous…

"La Grande Petite Mireille", création musicale de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder, vient nous rafraîchir la mémoire et nous rappeler l'importance de cette interprète-compositrice qui modifia profondément l'univers de la chanson en la faisant passer de sa période noire, réaliste à celle plus ensoleillée, plus swing, plus jazzy, plus pétillante qui conduira à la joie de vivre, à la poésie clairvoyante, aux chroniques mi-réelles, mi-rêvées d'un Fou chantant ou plus tard d'un Higelin.

© J. Stey.
© J. Stey.
L'intelligence de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder est de nous conter une histoire qui fait appel, ni à la nostalgie, ni à l'obligation de détention d'un acte de naissance datant du début du siècle dernier, mais simplement à un intérêt, à une curiosité pour la chanson française, son histoire et ses acteurs à la vie parfois peu commune, voire exceptionnelle en ce qui concerne notre héroïne.

Ils conduisent le spectateur dans une aventure truculente et joviale animée par des flash-backs, d'étonnantes anecdotes et tranches de vie, pas toujours les plus connues mais singulières pour l'époque… et précurseurs d'une première revendication à l'indépendance féminine, ce qu'appliquera Mireille tout au long de sa vie.

Et cette dernière se construira sur de nombreuses rencontres… Jean Nohain, essentiel partenaire à la création des tubes qu'on ne nommait pas encore ainsi, Pills et Tabet, Jean Sablon et Maurice Chevalier, interprètes de quelques-uns de ses chefs-d'oeuvre, Ray Ventura, George et Ira Gershwin, Sacha Guitry, Yves Montand, le journaliste et essayiste Emmanuel Berl qui devint son mari…

© J. Stey.
© J. Stey.
Et sur des innovations comme la première pochette de disque* et la première tentative d'enseignement organisé de la chanson qui lui fera endosser le rôle de professeur aux méthodes parfois assez dures, allant jusqu'à tenter de décourager certaines présumées futures vedettes, mais sachant aussi cajoler celles et ceux en qui elle croyait… Françoise Hardy en fut une !

Usant d'une mise en scène inventive et astucieuse - et notre homme est un multirécidiviste -, Hervé Devolder assemble faits historiques, séquences de narration vivantes et enthousiastes, répliques humoristiques, interprétations duettistes ou en trio à l'américaine, extraits d'archives télévisuelles, historiettes croustillantes ou émouvantes, donnant à Mireille le statut (mérité) de "dépoussièreuse" de la chanson française et de la composition musicale, qui en révolutionna les genres et fit des émules dont la tête de file ne fut autre que Charles Trenet.

Cette plongée qui démarre dans le music-hall de la Grande Époque pour aller jusqu'aux années quatre-vingt-dix est tout simplement réjouissante car marquée de cette jeunesse éternelle de la "grande petite dame" qui chantera encore à soixante-dix ans au Printemps de Bourges, à Bobino et sera sur la scène de Chaillot en 95, un an avant sa mort…

© J. Stey.
© J. Stey.
Marquées par le jazz, le swing et le bonheur de vivre, ses compositions n’ont pas pris une ride et nous enchantent toujours… c'est ce que réussissent à nous transmettre avec talent Marie-Charlotte Leclaire, Adrien Biry-Vicente, Hervé Devolder et Cyril Romoli..

*Avant la Seconde Guerre mondiale, les 78 tours étaient emballés dans des pochettes en carton avec dessus le logo de la compagnie discographique qui éditait l'album. C'est André Girard (peintre) qui, travaillant pour la Columbia, réalisa la première pochette de disque illustrée (par une aquarelle) qui fut celle dédiée au vinyle du duo Pills et Tabet interprétant "La fille de Lévy" et "Couchés Dans Le Foin" de Mireille (musiques) et Jean Nohain (textes).

"La Grande Petite Mireille"

© J. Stey.
© J. Stey.
Spectacle musical de Marie-Charlotte Leclaire et Hervé Devolder.
Mise en scène : Hervé Devolder.
Assistant à la mise en scène : Jean-Baptiste Darosey.
Avec : Marie-Charlotte Leclaire, Adrien Biry-Vicente et Hervé Devolder.
Musiques : Mireille.
Costumes : Jean-Daniel Vuillermoz.
Lumières : Denis Koransky.

•Avignon Off 2019•
Du 5 au 28 juillet 2019.
Tous les jours à 20 h 30.
Essaïon Avignon Théâtre
33, rue de la Carreterie.
Réservations : 04 90 25 63 48
>> essaion-avignon.com

Gil Chauveau
Mercredi 3 Juillet 2019

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | Avignon 2024 | À l'affiche ter







À découvrir

"Le Chef-d'œuvre Inconnu" Histoire fascinante transcendée par le théâtre et le génie d'une comédienne

À Paris, près du quai des Grands-Augustins, au début du XVIIe siècle, trois peintres devisent sur leur art. L'un est un jeune inconnu promis à la gloire : Nicolas Poussin. Le deuxième, Franz Porbus, portraitiste du roi Henri IV, est dans la plénitude de son talent et au faîte de sa renommée. Le troisième, le vieux Maître Frenhofer, personnage imaginé par Balzac, a côtoyé les plus grands maîtres et assimilé leurs leçons. Il met la dernière main dans le plus grand secret à un mystérieux "chef-d'œuvre".

© Jean-François Delon.
Il faudra que Gilette, la compagne de Poussin, en qui Frenhofer espère trouver le modèle idéal, soit admise dans l'atelier du peintre, pour que Porbus et Poussin découvrent le tableau dont Frenhofer gardait jalousement le secret et sur lequel il travaille depuis 10 ans. Cette découverte les plongera dans la stupéfaction !

Quelle autre salle de spectacle aurait pu accueillir avec autant de justesse cette adaptation théâtrale de la célèbre nouvelle de Balzac ? Une petite salle grande comme un mouchoir de poche, chaleureuse et hospitalière malgré ses murs tout en pierres, bien connue des férus(es) de théâtre et nichée au cœur du Marais ?

Cela dit, personne ne nous avait dit qu'à l'Essaïon, on pouvait aussi assister à des séances de cinéma ! Car c'est pratiquement à cela que nous avons assisté lors de la générale de presse lundi 27 mars dernier tant le talent de Catherine Aymerie, la comédienne seule en scène, nous a emportés(es) et transportés(es) dans l'univers de Balzac. La force des images transmises par son jeu hors du commun nous a fait vire une heure d'une brillante intensité visuelle.

Pour peu que l'on foule de temps en temps les planches des théâtres en tant que comédiens(nes) amateurs(es), on saura doublement jauger à quel point jouer est un métier hors du commun !
C'est une grande leçon de théâtre que nous propose là la Compagnie de la Rencontre, et surtout Catherine Aymerie. Une très grande leçon !

Brigitte Corrigou
06/03/2024
Spectacle à la Une

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Deux mains, la liberté" Un huis clos intense qui nous plonge aux sources du mal

Le mal s'appelle Heinrich Himmler, chef des SS et de la Gestapo, organisateur des camps de concentration du Troisième Reich, très proche d'Hitler depuis le tout début de l'ascension de ce dernier, près de vingt ans avant la Deuxième Guerre mondiale. Himmler ressemble par son physique et sa pensée à un petit, banal, médiocre fonctionnaire.

© Christel Billault.
Ordonné, pratique, méthodique, il organise l'extermination des marginaux et des Juifs comme un gestionnaire. Point. Il aurait été, comme son sous-fifre Adolf Eichmann, le type même décrit par Hannah Arendt comme étant la "banalité du mal". Mais Himmler échappa à son procès en se donnant la mort. Parfois, rien n'est plus monstrueux que la banalité, l'ordre, la médiocrité.

Malgré la pâleur de leur personnalité, les noms de ces âmes de fonctionnaires sont gravés dans notre mémoire collective comme l'incarnation du Mal et de l'inimaginable, quand d'autres noms - dont les actes furent éblouissants d'humanité - restent dans l'ombre. Parmi eux, Oskar Schindler et sa liste ont été sauvés de l'oubli grâce au film de Steven Spielberg, mais également par la distinction qui lui a été faite d'être reconnu "Juste parmi les nations". D'autres n'ont eu aucune de ces deux chances. Ainsi, le héros de cette pièce, Félix Kersten, oublié.

Joseph Kessel lui consacra pourtant un livre, "Les Mains du miracle", et, aujourd'hui, Antoine Nouel, l'auteur de la pièce, l'incarne dans la pièce qu'il a également mise en scène. C'est un investissement total que ce comédien a mis dans ce projet pour sortir des nimbes le visage étonnant de ce personnage de l'Histoire qui, par son action, a fait libérer près de 100 000 victimes du régime nazi. Des chiffres qui font tourner la tête, mais il est le résultat d'une volonté patiente qui, durant des années, négocia la vie contre le don.

Bruno Fougniès
15/10/2023