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Festivals

Nancy Jazz Pulsations… Un grand cru !

Le festival Nancy Jazz Pulsations (NJP) fête sa quarante-sixième édition. Dès sa première année d'existence en 1973, il a acquis droit de cité dans les festivals de stature internationale. Il s'est ouvert depuis plusieurs années à toutes les musiques du monde et propose en 2019 près d'une centaine de concerts d'artistes émergents ou confirmés.



Alfa Mist © DR.
Alfa Mist © DR.
Première incursion au NJP avec Incredible Polo, de son vrai nom Paul Malburet. Il est chez lui, au milieu des siens dans cette ville qui l'a vu naître. Le son est très travaillé, à la limite sophistiqué, dans un style électro-pop. La créativité est son univers dans lequel il s'impose et a conçu Incredibox - comptant, d'après le site de l'application, plus de cinquante millions d'utilisateurs- qui permet de créer directement des compositions (plus de sept millions de mix enregistrés).

Son premier album, "Ma Hill", est sorti en avril 2018. En DJ, derrière sa table de mixage, le groove balance avec une rythmique aérée où les notes semblent se détacher. Le beat est rapide, la musique entraînante avec des paroles un tantinet drôles. C'est syncopé, porté par une sonorité claire, tellement limpide que le reflet du tempo pourrait se voir à l'intérieur. Ce touche-à-tout est, en plus d'être multi-instrumentiste, un arrangeur hors pair avec un son de qualité à faire pâlir les amplis.

Puis c'est au tour d'Alfa Mist. Son premier album "Antiphon" (2017) a bousculé le monde du sillon où le jeune Londonien a posé d'emblée son propre univers musical. Ses deux claviers autour de lui, il lance des tempos jazz pour enchaîner ensuite une chanson rap. Accompagné par le saxophoniste Sam Rapley qui envoie, dans une tonalité suave à faire fondre des chocolats, des chorus de haute voltige.

Kokoroko © Nina Manandhar.
Kokoroko © Nina Manandhar.
La base mélodique, cool, est menée par la bassiste Kaya Thomas-Dyke, en appui des accords de guitare très léchés, discrets, de Jamie Leeming, frôlant le note à note. L'instrument joue parfois de trémolos dans les cordes, envoyant une sonorité délicatement glissante. La rythmique est emmenée par la batterie, ô combien envoûtante, de Dornik Leigh, qui porte des salves de frappes sèches, rapides, sur les toms et les cymbales. Le rap chanté par Alfa Mist est accompagné, en plus de son clavier, par le batteur qui déploie sa maestria en l'habillant d'une cadence soutenue et rapide, légèrement en décalé.

Le final de cette soirée est assuré par Kokoroko. Cela explose de générosité dans une dynamique à la tonalité très chaleureuse, le tout porté par les instruments à vent balançant des rythmes venus tout droit de contrées ensoleillées. Ce collectif de jazz londonien, créé au Kenya, emmené par Sheila Maurice-Grey, trouve sa source d'inspiration dans l'afrobeat et le highlife.

Découvert il y a à peine un an avec le titre "Abusey Junction" dans la compilation "WE out there" qui regroupait la nouvelle génération de la scène jazz londonienne, ils ont réussi le tour de force d'imposer très rapidement l'afrobeat "made in London" sur la scène musicale avec une atmosphère planant de tranquillité autour de la guitare d'Oscar Jerome, amoureuse de sa ligne mélodique, suivant note à note, et, en appoint, les percussions percutantes de Yohan Kebede. Le saxophone, la trompette et le trombone mènent la mesure durant tout le concert dans des chorus dansants. La guitare embarque avec elle, dans ses envolées, des solos discrets aux sons très glissants.

Du bonheur sur scène arrosé d'ambiances venant d'horizons différents avec pour seule ligne de conduite une qualité sans égale.

"Nancy Jazz Pulsations"

Diron Animale en 2018 © Kawczynski.
Diron Animale en 2018 © Kawczynski.
Du 9 au 19 octobre 2019.
Chapiteau de la Pépinière, Magic Mirrors, Salle Poirel, Théâtre de la Manufacture, L'Autre Canal, Le Hublot et Opéra national de Lorraine.
Rens. : 03 83 35 40 86 (pas de réservation par téléphone).
>> nancyjazzpulsations.com
>> Programmation du NJP

Soirée du 10 octobre 2019.
DJ Incredible Polo
Rare Groove/Grand Est.

Alfa Mist
Acid Jazz/Royaume-Uni.
Alfa Sekitoleko (claviers), Dornik Leigh (percussions), Kaya Thomas-Dyke (basse et chant), Jamie Leeming (guitare), John Woodham (trompette).

Naya en 2018 © Vincent Zobler.
Naya en 2018 © Vincent Zobler.
Kokoroko
Afrobeat-Jazz/Angleterre.
Sheila Maurice Grey (trompette), Cassie Kinoshi (saxophone), Richie Seivwright (trombone), Mutale Chashi (contrebasse), Oscar Jerome (guitare), Yohan Kebede (claviers), Onome Ighamre (percussions), Ayo Salawu (batterie).

Safidin Alouache
Mardi 15 Octobre 2019

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023