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Humour

•Molières 2018• Le stand-up caustique, trash mais hilarant de la mutine et espiègle Blanche Gardin

"Il faut que je vous parle", La Nouvelle Seine, Paris

Âmes sensibles s'abstenir, spectacle interdit au moins de seize ans... Ne vous attendez pas au pire, ça va être encore pire... Car Blanche Gardin dépasse les bornes, les limites, fait valdinguer les tabous... Et tout ça, avec une frimousse de séraphine et surtout un insolent talent. Bref c'est jouissif, hilarant et réveille nos neurones façon chaise électrique !



© AD2 Productions.
© AD2 Productions.
Rarement stand-up aura été aussi délectable... et trash ! Blanche manie le vitriol avec une dextérité remarquable et harponne de ses fourches Caudines tant les télescopages involontaires de l'actualité ("éclipse solaire + crash A320 = éclipse d'avion !", par exemple) que les lapalissades masculines sur la vie de couple ou les effets de ses propres échecs et de ses remises en question sur sa féminité et ses capacités à dépasser le cap "meetic.fr" à 38 ans.

Plantée fermement sur ces deux jambes, cette trentenaire petit bout de femme au dessin d'ange, quasi immobile, en composition inébranlable façon John Cleese, dont le visage ne trahit aucune émotion, ni expression nous convainc très vite que tout ce qui est petit n'est pas forcément mignon et que derrière un ange se trouve souvent le démon, voire nos démons.

Sans jamais perdre sa posture "stand-up" - droite et rigide dans ses bottes", la douce et mutine Blanche assène, avec une délectation non feinte - lisible dans son regard aux pétillements sagaces -, des vérités dont les évidences font frissonner la salle (comble) et doivent quelque peu ébranler certains cerveaux mous nourris à la Blédina consensuel. Parmi celles-ci sont passées en revue : les états d'âme du terroriste moyen, les avantages de l'alcool pour briser la solitude, la cruauté de se faire larguer au moment où l'horloge biologique s'affole, le vivre ensemble (compliqué en ce moment !), la recherche de l'âme seule (et non plus de l'âme sœur), la naturalité de l'homosexualité féminine, la fragilité des croyances, la congélation des ovocytes façon Picard, les arnaques philosophiques de Socrate à Jésus, etc.

© AD2 Productions.
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Dans ce grand déballage aux allures d'improvisation (l'une des illusions fondatrices du stand-up), elle ose tout et surtout ne se refuse rien, brisant tous les tabous... Le sexe en premier lieu sur lequel Blanche donne une vision terriblement cynique et désespérante, abordant sans ambages l'inceste, la pédophilie, la zoophilie, la fellation et autres pratiques... Diatribes évidemment exemptes de sentimentalisme et dont la jouissive impertinence rappelle parfois l'écriture de Marianne Sergent.

Sous une apparente nonchalance, son phrasé traînant et singulier est redoutablement efficace et percutant... glissant avec une élégance démoniaque sur la pente d'un humour noir distancié et pince-sans-rire (l'univers des "Idées Noires" de Franquin n'est pas loin). Blanche a la stature d'une grande et fait preuve d'une présence scénique d'une densité surprenante... Que l'on peut sans doute lier à un parcours intéressant et des plus significatifs (Jamel Comedy Club, "Ligne Blanche" sur Comédie+ et bien sûr le personnage de la chef de projet marketing dans la série "WorkinGirls" sur Canal+).

"Il faut que je vous parle" est le premier spectacle seul en scène de Blanche Gardin... Mais c'est, sans conteste pour nous, l'une des deux révélations "humour" de ce début d'année. Sortez votre gilet pare-balles du placard et précipitez-vous pour découvrir le stand-up corrosif, déjanté mais jubilatoire de la taquine Blanche !

Blanche Gardin Molière de l'humour 2018

© AD2 Productions.
© AD2 Productions.
"Il faut que je vous parle"
Texte : Blanche Gardin.
Mise en scène : Papy alias "Alain Degois".
Avec : Blanche.
AD2 Productions.
Durée : 1 h.
Spectacle Interdit aux moins de 16 ans.

"Il faut que je vous parle"
Texte du spectacle chez First Éditions.
Sortie 17 mars 2016.

Création 2018
"Bonne nuit Blanche"

Texte : Blanche Gardin.
Mise en scène : Maïa Sandoz.
Spectacle interdit aux moins de 17 ans.

Du 13 septembre au 24 novembre 2018.
L'Européen, Paris 17e.

© DR.
© DR.

Gil Chauveau
Mardi 29 Mai 2018

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"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

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Brigitte Corrigou
08/09/2023
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La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023