La Revue du Spectacle, le magazine des arts de la scène et du spectacle vivant. Infos théâtre, chanson, café-théâtre, cirque, arts de la rue, agenda, CD, etc.



Augmenter la taille du texte
Diminuer la taille du texte
Partager
Humour

"Alsacienne d'Origine Contrôlée" Voyage immersif AOC dans "l'alsatitude" et l'exactitude d'une vraie vie menée tambour battant

Comment réussir à Paris avec un accent ? Comment faire "Strasbourg Saint-Denis" en passant par le Kosovo ? Pourquoi faut-il se méfier des cigognes, du made in Turquie, de la schneck et de Valérie Damidot ? Quels sont les prérequis pour survivre en Alsace ? Et enfin, qui est vraiment Mat Pokora ? Autant de questions que soulève la comédienne Catherine Sandner dans un one-woman-show pittoresque et interculturel, avec l'accent alsacien forcément, réjouissant comme une gorgée de vin "vendanges tardives".



© Christophe Dercourt.
© Christophe Dercourt.
Chacun, chacune d'entre nous pourrait-il ou elle, à la manière de Catherine Sandner, faire de son parcours de vie un spectacle ? Pas certain, tant la vie de cette comédienne quinqua encore bien trop peu connue à notre avis est amplement remplie, hétéroclite et pour le moins captivante. Certains(es) humoristes bien plus médiatisés(es) mériteraient peut-être plus d'humilité et moins de tapage pour lui laisser un peu de place sur le haut du pavé.

Boris Vian disait : "cette histoire est vraie parce que je l'ai inventée". Cette célèbre pensée du romancier pourrait convenir aussi à Catoch'… sauf que, pratiquement, tout ce que la virevoltante comédienne nous raconte dans ce one-woman-show est exact. Ou presque, comme elle le précise à la fin du spectacle ! C'est parfois un peu difficile d'y croire par moments, notamment lorsqu'elle raconte son immersion hilarante dans la famille kosovare de son mari duquel elle divorcera. Alors autant faire de sa vie un spectacle dans ces conditions. Et bien lui en a pris.

Tout au long de ce stand-up tourbillonnant, le public ne perd pas une miette des expériences de vie de cette alsacienne expatriée, auparavant experte en communication. Il est vraisemblable qu'en communication, les choses devaient avancer très vite avec elle parce que Catoch' parle beaucoup, beaucoup et rien ne semble l'arrêter ! Ses performances professionnelles ne devaient pas laisser sans voix ! Ses soixante heures de travail par semaine en tant que consultante ne lui ont certainement pas fait peur…

Catoch' adore faire rire, tout le temps, du matin jusqu'au soir, alors pourquoi ne pas le faire en parlant d'elle ? Mais humoriste, c'est un métier et comme tous les autres métiers, ça s'apprend dans le doute et la sueur. Et elle est passée par là Catherine Sandner !

"Je suis la preuve vivante que, dans la vie, tout est toujours possible, notamment se lancer dans le one-woman-show" à 50 ans, sans avoir jamais suivi de cours de théâtre. Qu'on n'a pas besoin d'être une Miss France lisse et sans aspérité pour représenter la France et ses régions. Que c'est en cultivant sa différence, en persévérant, qu'on trouve sa place dans l'univers, "parce qu'à force de vouloir entrer dans un moule, on finit par devenir tarte".

Au cours de sa création, en passant par Eichhoffen et Brodway, Catoch' nous relate son (pas si) fabuleux destin et c'est là aussi toute la force de l'expérience de vie partagée, surtout lorsqu'il est exécuté avec autant de brio. Aucun moment de flottement dans cette prestation virtuose dont le texte, taillé au cordeau et exécuté dans une fougue marathonienne exceptionnelle, relève de la performance.

"À 20 ans, ma vie d'expatriée alsacienne à Paris commence, sans jamais perdre mon accent, ni mon caractère "brut de fonderie" et j'avance dans la comédie. Surtout la comédie humaine".
On découvre l'Alsace à l'occasion de ce spectacle, qu'il ne faut pas confondre l'accent alsacien avec l'allemand, mais Catoch', derrière le rire franc et communicatif, traite aussi de la tolérance, de l'acceptation et de la différence.

Dans l'émission "Douce France", Catherine Sandner, qui n'était pas encore la Catoch' d'aujourd'hui, a dansé un rock endiablé avec Jean Dujardin. C'était de toute évidence le début de quelque chose qui était en gestation et allait naître. Plusieurs années plus tard, ce one-woman-show est né. Comme quoi, le rock mène à tout, notamment quand, à la base, la vie est déjà plus que rock'and roll.

Faites vite un saut au "Paris de l'humour" applaudir Catherine Sandner alias Catoch' et vous oublierez les petits tracas de votre vie, ne penserez plus aux poubelles désastreuses qui s'entassent sur les trottoirs, ni ne vous morfondrez autour de la réforme des retraites !

Pour sûr, de notre côté, on aimerait bien que Catherine Sandner nous fasse rire encore et encore ! Jusqu'à ses 64 ans, par exemple. Ou même davantage. Parce que le rire n'a pas d'âge, surtout lorsqu'il s'agit du sien, si franc et si libérateur !

"Alsacienne d'Origine Contrôlée (AOC)"

Stand-up.
Texte : Catherine Sandner.
Avec : Catoch'.
Mise en scène : Nathalie Viard.
Durée : 1 h.

Jusqu'en juin 2023.
Samedi à 18 h 30.
Théâtre "Le Paris de l'humour", Paris 19e, 06 12 63 24 61.
>> leparisdelhumour.com

Festival Off d'Avignon 2023
Du 7 au 29 juillet 2023.

tous les jours à 13H45- Sauf le mardi.
Théâtre Les Étoiles", 54 rue Guillaume Puy, Avignon, 04 13 39 07 78.

Brigitte Corrigou
Vendredi 31 Mars 2023

Nouveau commentaire :

Théâtre | Danse | Concerts & Lyrique | À l'affiche | À l'affiche bis | Cirque & Rue | Humour | Festivals | Pitchouns | Paroles & Musique | Avignon 2017 | Avignon 2018 | Avignon 2019 | CédéDévédé | Trib'Une | RV du Jour | Pièce du boucher | Coulisses & Cie | Coin de l’œil | Archives | Avignon 2021 | Avignon 2022 | Avignon 2023 | À l'affiche ter


Brèves & Com


Numéros Papier

Anciens Numéros de La Revue du Spectacle (10)

Vente des numéros "Collectors" de La Revue du Spectacle.
10 euros l'exemplaire, frais de port compris.






À découvrir

"L'Effet Papillon" Se laisser emporter au fil d'un simple vol de papillon pour une fascinante expérience

Vous pensez que vos choix sont libres ? Que vos pensées sont bien gardées dans votre esprit ? Que vous êtes éventuellement imprévisibles ? Et si ce n'était pas le cas ? Et si tout partait de vous… Ouvrez bien grands les yeux et vivez pleinement l'expérience de l'Effet Papillon !

© Pics.
Vous avez certainement entendu parler de "l'effet papillon", expression inventée par le mathématicien-météorologue Edward Lorenz, inventeur de la théorie du chaos, à partir d'un phénomène découvert en 1961. Ce phénomène insinue qu'il suffit de modifier de façon infime un paramètre dans un modèle météo pour que celui-ci s'amplifie progressivement et provoque, à long terme, des changements colossaux.

Par extension, l'expression sous-entend que les moindres petits événements peuvent déterminer des phénomènes qui paraissent imprévisibles et incontrôlables ou qu'une infime modification des conditions initiales peut engendrer rapidement des effets importants. Ainsi, les battements d'ailes d'un papillon au Brésil peuvent engendrer une tornade au Mexique ou au Texas !

C'est à partir de cette théorie que le mentaliste Taha Mansour nous invite à nouveau, en cette rentrée, à effectuer un voyage hors du commun. Son spectacle a reçu un succès notoire au Sham's Théâtre lors du Festival d'Avignon cet été dernier.

Impossible que quiconque sorte "indemne" de cette phénoménale prestation, ni que nos certitudes sur "le monde comme il va", et surtout sur nous-mêmes, ne soient bousculées, chamboulées, contrariées.

"Le mystérieux est le plus beau sentiment que l'on peut ressentir", Albert Einstein. Et si le plus beau spectacle de mentalisme du moment, en cette rentrée parisienne, c'était celui-là ? Car Tahar Mansour y est fascinant à plusieurs niveaux, lui qui voulait devenir ingénieur, pour qui "Centrale" n'a aucun secret, mais qui, pourtant, a toujours eu une âme d'artiste bien ancrée au fond de lui. Le secret de ce spectacle exceptionnel et époustouflant serait-il là, niché au cœur du rationnel et de la poésie ?

Brigitte Corrigou
08/09/2023
Spectacle à la Une

"Hedwig and the Angry inch" Quand l'ingratitude de la vie œuvre en silence et brise les rêves et le talent pourtant si légitimes

La comédie musicale rock de Broadway enfin en France ! Récompensée quatre fois aux Tony Awards, Hedwig, la chanteuse transsexuelle germano-américaine, est-allemande, dont la carrière n'a jamais démarré, est accompagnée de son mari croate,Yithak, qui est aussi son assistant et choriste, mais avec lequel elle entretient des relations malsaines, et de son groupe, the Angry Inch. Tout cela pour retracer son parcours de vie pour le moins chaotique : Berlin Est, son adolescence de mauvais garçon, son besoin de liberté, sa passion pour le rock, sa transformation en Hedwig après une opération bâclée qui lui permet de quitter l'Allemagne en épouse d'un GI américain, ce, grâce au soutien sans failles de sa mère…

© Grégory Juppin.
Hedwig bouscule les codes de la bienséance et va jusqu'au bout de ses rêves.
Ni femme, ni homme, entre humour queer et confidences trash, il/elle raconte surtout l'histoire de son premier amour devenu l'une des plus grandes stars du rock, Tommy Gnosis, qui ne cessera de le/la hanter et de le/la poursuivre à sa manière.

"Hedwig and the Angry inch" a vu le jour pour la première fois en 1998, au Off Broadway, dans les caves, sous la direction de John Cameron Mitchell. C'est d'ailleurs lui-même qui l'adaptera au cinéma en 2001. C'est la version de 2014, avec Neil Patrick Harris dans le rôle-titre, qui remporte les quatre Tony Awards, dont celui de la meilleure reprise de comédie musicale.

Ce soir-là, c'était la première fois que nous assistions à un spectacle au Théâtre du Rouge Gorge, alors que nous venons pourtant au Festival depuis de nombreuses années ! Situé au pied du Palais des Papes, du centre historique et du non moins connu hôtel de la Mirande, il s'agit là d'un lieu de la ville close pour le moins pittoresque et exceptionnel.

Brigitte Corrigou
20/09/2023
Spectacle à la Une

"Zoo Story" Dans un océan d'inhumanités, retrouver le vivre ensemble

Central Park, à l'heure de la pause déjeuner. Un homme seul profite de sa quotidienne séquence de répit, sur un banc, symbole de ce minuscule territoire devenu son havre de paix. Dans ce moment voulu comme une trêve face à la folie du monde et aux contraintes de la société laborieuse, un homme surgit sans raison apparente, venant briser la solitude du travailleur au repos. Entrant dans la narration d'un pseudo-récit, il va bouleverser l'ordre des choses, inverser les pouvoirs et détruire les convictions, pour le simple jeu – absurde ? – de la mise en exergue de nos inhumanités et de nos dérives solitaires.

© Alejandro Guerrero.
Lui, Peter (Sylvain Katan), est le stéréotype du bourgeois, cadre dans une maison d'édition, "détenteur" patriarcal d'une femme, deux enfants, deux chats, deux perruches, le tout dans un appartement vraisemblablement luxueux d'un quartier chic et "bobo" de New York. L'autre, Jerry (Pierre Val), à l'opposé, est plutôt du côté de la pauvreté, celle pas trop grave, genre bohème, mais banale qui fait habiter dans une chambre de bonne, supporter les inconvénients de la promiscuité et rechercher ces petits riens, ces rares moments de défoulement ou d'impertinence qui donnent d'éphémères et fugaces instants de bonheur.

Les profils psychologiques des deux personnages sont subtilement élaborés, puis finement étudiés, analysés, au fil de la narration, avec une inversion, un basculement "dominant - dominé", s'inscrivant en douceur dans le déroulement de la pièce. La confrontation, involontaire au début, Peter se laissant tout d'abord porter par le récit de Jerry, devient plus prégnante, incisive, ce dernier portant ses propos plus sur des questionnements existentiels sur la vie, sur les injonctions à la normalité de la société et la réalité pitoyable – selon lui – de l'existence de Peter… cela sous prétexte d'une prise de pouvoir de son espace vital de repos qu'est le banc que celui-ci utilise pour sa pause déjeuner.

La rencontre fortuite entre ces deux humains est en réalité un faux-semblant, tout comme la prétendue histoire du zoo qui ne viendra jamais, Edward Albee (1928-2016) proposant ici une réflexion sur les dérives de la société humaine qui, au fil des décennies, a construit toujours plus de barrières entre elle et le vivant, créant le terreau des détresses ordinaires et des grandes solitudes. Ce constat fait dans les années cinquante par l'auteur américain de "Qui a peur de Virginia Woolf ?" se révèle plus que jamais d'actualité avec l'évolution actuelle de notre monde dans lequel l'individualisme a pris le pas sur le collectif.

Gil Chauveau
15/09/2023