Une uchronie (et il a fallu que je recherche dans le dico la signification de ce mot que, même le correcteur Word, ignore), c'est ainsi que le spectacle se présente dans les premières répliques, c'est-à-dire (pour mes sœurs et frères aussi ignorants que moi) : un récit imaginaire qui prend comme base de départ un fait réel, historique. Le fait historique se nomme ici, les "Sœurs de la Perpétuelle Indulgence", un mouvement catholique né à San Francisco en 1979 qui essaima sa mission dans les grandes capitales de la planète au fil des années qui suivirent. La fiction, elle, commence en 1990 à Rome, dans la cité du Vatican, et se poursuit à Paris avec la création du Couvent de Paris des Sœurs de la Perpétuelle indulgence. Alléluia !
Sur scène, face à nous, trois prie-Dieu qui seront en jeu plusieurs fois dans le spectacle, en plus d'une table à maquillage géante. Trois religieuses en chasuble et cornette agenouillées prient ou prient à peu près, écouteurs aux oreilles pour deux d'entre elles, leur dévotion se détourne vers des musiques qui ne sont absolument pas liturgiques. Le ton du spectacle commence à prendre corps, l'ironie teinte d'emblée une première scène qui montre l'éviction d'une jeune novice française du couvent italien où elle a trouvé refuge pour pleurer la perte de sa Mère-Supérieure adorée, une éviction sous prétexte qu'elle pleure trop cette perte.
À trois jours de prononcer ses vœux, elle se retrouve expulsée du Saint-Siège, jetée dans son habit de novice dans les rues de Rome comme si elle s'était retrouvée expulsée du paradis, tombée dans l'enfer brûlant des païens, des vices et des mauvaises rencontres non divines.
Et c'est un peu cette chute qui va lui arriver, à cette naïve jeune nonne. Elle se retrouve dans une sorte d'épopée rock and roll qui sera pour elle la longue initiation d'un monde dont elle ignore tout et la découverte d'elle-même dont elle ignore tout également. Pourtant, ce sont deux bonnes sœurs surgies de nulle part qui vont la sauver de l'errance dans les ruelles romaines en lui proposant de revenir avec elles en voiture à Paris. Commence alors un roadtrip ébouriffant, suivi d'une plongée dans la vie nocturne parisienne, de la rencontre avec les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence et de la découverte de leurs actions, de leurs rires, de leurs provocations, de leurs cœurs énormes et de leurs transformations qui vont illuminer la scène et l'avenir de la novice Christine.
Sur scène, face à nous, trois prie-Dieu qui seront en jeu plusieurs fois dans le spectacle, en plus d'une table à maquillage géante. Trois religieuses en chasuble et cornette agenouillées prient ou prient à peu près, écouteurs aux oreilles pour deux d'entre elles, leur dévotion se détourne vers des musiques qui ne sont absolument pas liturgiques. Le ton du spectacle commence à prendre corps, l'ironie teinte d'emblée une première scène qui montre l'éviction d'une jeune novice française du couvent italien où elle a trouvé refuge pour pleurer la perte de sa Mère-Supérieure adorée, une éviction sous prétexte qu'elle pleure trop cette perte.
À trois jours de prononcer ses vœux, elle se retrouve expulsée du Saint-Siège, jetée dans son habit de novice dans les rues de Rome comme si elle s'était retrouvée expulsée du paradis, tombée dans l'enfer brûlant des païens, des vices et des mauvaises rencontres non divines.
Et c'est un peu cette chute qui va lui arriver, à cette naïve jeune nonne. Elle se retrouve dans une sorte d'épopée rock and roll qui sera pour elle la longue initiation d'un monde dont elle ignore tout et la découverte d'elle-même dont elle ignore tout également. Pourtant, ce sont deux bonnes sœurs surgies de nulle part qui vont la sauver de l'errance dans les ruelles romaines en lui proposant de revenir avec elles en voiture à Paris. Commence alors un roadtrip ébouriffant, suivi d'une plongée dans la vie nocturne parisienne, de la rencontre avec les Sœurs de la Perpétuelle Indulgence et de la découverte de leurs actions, de leurs rires, de leurs provocations, de leurs cœurs énormes et de leurs transformations qui vont illuminer la scène et l'avenir de la novice Christine.
Oui, transformations à vue pour ces deux sœurs qui sont en fait deux hommes travestis, maquillés, gays, au langage sans barrières, sans tabous qui seront le premier choc de la novice avant la rencontre avec d'autres LGBT+, dont une femme queer, lesbienne, qui se joindra à eux pour initier l'aventure de cette petite communauté du Couvent de Paris. Une communauté qui, au lendemain des premières années sombres du SIDA, agit au cours de la vie nocturne parisienne en intervenant dans tous les lieux interlopes, par des distributions de capotes, des conseils et surtout un esprit de show, de performance qui s'accompagne du travestissement en bonne sœur, avec cornette et chasuble portées sur des sous-vêtements pas très apostoliques et des maquillages sur fond de fard blanc comme des personnages du théâtre kabuki, mais avec beaucoup plus de fantaisie et de provocation.
Il y a un esprit farce dans ce spectacle dans lequel les trois personnages du couvent de Paris usent d'une vague de langage où percent sans arrêt des écueils solidement sexuels, des allusions "fornicables" et des jeux de mots à faire pâlir les bigots, car, comme elles disent volontiers : "la Foi de chacune ne regarde que le cul de chacune...". Il reste que ces sœurs ne prétendent nullement s'attaquer à la Foi, même si elles égratignent gentiment les moralistes à l'esprit fermé et les rigoristes de tous poils.
Il y a aussi une gravité qui givre par instant l'incandescence de ces sœurs en transe dans les rues de Paris lorsque le sida vient jeter ses morts dans leurs pattes. Et puis, tout au long du récit, ces extraits de l'enregistrement de l'une de ces sœurs, Krypton, "garde-cuisse" des Sœurs du Couvent de Paris qui viennent comme des chapitres subjuguer la scène avec sa gravité simple, une interview où celui-ci raconte sa jeunesse dans un diocèse colombien, son désir de devenir prêtre pendant de nombreuses années, sa rencontre en 1990 avec l'Archi Mère Rita du Calvaire de Marie-Madeleine à la fondation du Couvent de Paris, ses réticences initiales à rejoindre le groupe, son émotion lors des premières actions, les deuils successifs durant l'épidémie de SIDA, et sa foi catholique qui demeure intacte aujourd'hui.
Je peux avouer, sans me faire détester des créatrices du spectacle, être profondément athée, mais être aussi profondément croyant dans ce que transmet "Lost in Vatican" : que l'alliance de quelques individus pour une cause peut lutter, s'opposer et agir contre l'inertie, contre une injustice, contre un pouvoir policier ou judiciaire – d'ailleurs, nos quatre héroïnes "encornettées" se retrouvent vite en tôle, ce qui ne brise pas leur motivation. Et c'est ce qui fait que ce spectacle est à la fois un cri de révolte, une déclaration de liberté et gémissement de plaisir. Avec beaucoup d'amour en chantilly par-dessus. Bref, une belle provocation.
Il y a un esprit farce dans ce spectacle dans lequel les trois personnages du couvent de Paris usent d'une vague de langage où percent sans arrêt des écueils solidement sexuels, des allusions "fornicables" et des jeux de mots à faire pâlir les bigots, car, comme elles disent volontiers : "la Foi de chacune ne regarde que le cul de chacune...". Il reste que ces sœurs ne prétendent nullement s'attaquer à la Foi, même si elles égratignent gentiment les moralistes à l'esprit fermé et les rigoristes de tous poils.
Il y a aussi une gravité qui givre par instant l'incandescence de ces sœurs en transe dans les rues de Paris lorsque le sida vient jeter ses morts dans leurs pattes. Et puis, tout au long du récit, ces extraits de l'enregistrement de l'une de ces sœurs, Krypton, "garde-cuisse" des Sœurs du Couvent de Paris qui viennent comme des chapitres subjuguer la scène avec sa gravité simple, une interview où celui-ci raconte sa jeunesse dans un diocèse colombien, son désir de devenir prêtre pendant de nombreuses années, sa rencontre en 1990 avec l'Archi Mère Rita du Calvaire de Marie-Madeleine à la fondation du Couvent de Paris, ses réticences initiales à rejoindre le groupe, son émotion lors des premières actions, les deuils successifs durant l'épidémie de SIDA, et sa foi catholique qui demeure intacte aujourd'hui.
Je peux avouer, sans me faire détester des créatrices du spectacle, être profondément athée, mais être aussi profondément croyant dans ce que transmet "Lost in Vatican" : que l'alliance de quelques individus pour une cause peut lutter, s'opposer et agir contre l'inertie, contre une injustice, contre un pouvoir policier ou judiciaire – d'ailleurs, nos quatre héroïnes "encornettées" se retrouvent vite en tôle, ce qui ne brise pas leur motivation. Et c'est ce qui fait que ce spectacle est à la fois un cri de révolte, une déclaration de liberté et gémissement de plaisir. Avec beaucoup d'amour en chantilly par-dessus. Bref, une belle provocation.
Pour inventer cette histoire, Alice Étienne s'est immergée au sein du Couvent de Paris des Sœurs de la Perpétuelle Indulgence. Puis ce seront ses comédiennes et comédiens qui viendront apprendre auprès des sœurs l'art du maquillage et du travestissement qu'elles reproduisent avec talent, en live. Une métamorphose en action, pleine de vie, qui fait aussi partie de ce sentiment de libération qui parsème toute la représentation. Libération de l'image de soi par les paillettes, libération du tragique et du jugement d'autrui par le rire, libération des désirs quels qu'ils soient pour assommer la haine, terrasser l'homophobie, défier l'ordre moral et redonner enjouement à une communauté meurtrie par l'épidémie du sida.
Toute la grâce de "Lost in Vatican", sa force de vie, est à découvrir sur scène, voir ces cinq interprètes inonder de feu, de lumière et de rire la noirceur de la vie, écouter le texte vif, inventif et parfois subversif de Lilas Roy et d'Alice Étienne, et sortir de là convaincu qu'une grappe de personnes résolues est capable de défier en tout temps l'ordre établi, la hiérarchie, la morale, pour sauver quelques vies.
◙ Bruno Fougniès
Sortie de résidence vu le 6 décembre 2025 à Lilas en Scène, 23 bis, rue Chassagnolle, Les Lilas (93).
Toute la grâce de "Lost in Vatican", sa force de vie, est à découvrir sur scène, voir ces cinq interprètes inonder de feu, de lumière et de rire la noirceur de la vie, écouter le texte vif, inventif et parfois subversif de Lilas Roy et d'Alice Étienne, et sortir de là convaincu qu'une grappe de personnes résolues est capable de défier en tout temps l'ordre établi, la hiérarchie, la morale, pour sauver quelques vies.
◙ Bruno Fougniès
Sortie de résidence vu le 6 décembre 2025 à Lilas en Scène, 23 bis, rue Chassagnolle, Les Lilas (93).
"Lost in Vatican"
Texte : Lilas Roy, avec la collaboration d'Alice Étienne.
Mise en scène : Alice Étienne.
Collaboration artistique : Lilas Roy.
Dramaturgie : Elsa Provansal.
Avec : Clarisse Chatillon, Alice Étienne, Amélie Husson, Martin Nadal, Jeanne Ros.
Costumes : Antoine Réjasse.
Scénographie : Anaïs Brancaz.
Création lumière : Mona Marzaq.
Création sonore : Anna Rohmer.
Production Compagnie Lesoeurs.
Tournée
12 et 13 janvier 2026 : L'Étoile du Nord, Paris 18ᵉ.
Du 28 janvier au 1ᵉʳ février 2026 : Lavoir Moderne Parisien, Paris 18ᵉ.
Du 06 au 10 mai 2026 : Théâtre La Reine Blanche, Paris 18ᵉ.
Mise en scène : Alice Étienne.
Collaboration artistique : Lilas Roy.
Dramaturgie : Elsa Provansal.
Avec : Clarisse Chatillon, Alice Étienne, Amélie Husson, Martin Nadal, Jeanne Ros.
Costumes : Antoine Réjasse.
Scénographie : Anaïs Brancaz.
Création lumière : Mona Marzaq.
Création sonore : Anna Rohmer.
Production Compagnie Lesoeurs.
Tournée
12 et 13 janvier 2026 : L'Étoile du Nord, Paris 18ᵉ.
Du 28 janvier au 1ᵉʳ février 2026 : Lavoir Moderne Parisien, Paris 18ᵉ.
Du 06 au 10 mai 2026 : Théâtre La Reine Blanche, Paris 18ᵉ.






















