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Théâtre

"Le malade imaginaire" mise en scène par Michel Didym : de quoi rendre fier Molière !

"Le malade imaginaire", Théâtre Dejazet, Paris

Choisir de représenter, une énième fois, une des pièces les plus réputées de Molière, c’est accepter de jouer devant un public qui vous attendra au tournant. "Le malade imaginaire" est un théâtre vu et revu. Pour conquérir des spectateurs de plus en plus exigeants, il va falloir faire preuve d’un certain talent.



© Éric Didym.
© Éric Didym.
Le rideau s’ouvre sur André Marcon, sous les traits d’Argan, en train de faire ses comptes. Déjà, le sourire nous monte aux lèvres, suivi de près du rire. Tout autour du comédien, le décor est présent, joli, pas trop chargé ; il n’est là que pour accompagner l’œuvre. Il en est de même pour ce qui concerne les costumes, esthétiques et légers. Tout est fait pour mettre en valeur l’intrigue ainsi que les acteurs. La scénographie se place au second plan de la comédie.

La représentation est tout simplement géniale. Chacun des comédiens campe son personnage à la perfection. Tous proposent une semblable qualité de jeu, ils sont au même niveau et celui-ci est très haut. Angélique et Thomas Diafoirus sont les deux caractères les plus voyants car les plus extravagants au niveau de la mise en scène, mettant donc en avant leurs interprètes.

Jeanne Lepers, grande blonde longiligne, joue le rôle d’Angélique, la fille aînée d’Argan. Sa posture, sa gestuelle, son intonation de voix, tout son corps est engagé dans la volonté burlesque du spectacle. Nous ne sentons aucune retenue ni aucune pudeur dans son jeu, elle s’offre totalement. Elle incarne à merveille le personnage de cette jeune femme, pleine de volonté et sûre d’elle-même. Un très beau personnage moliéresque.

© Éric Didym.
© Éric Didym.
Bruno Ricci est tout aussi impressionnant dans l’interprétation qu’il fait de trois personnages différents. Il joue le rôle du notaire, celui de Monsieur Fleurant et de Thomas Diafoirus. Pour ce dernier, il emprunte les codes du bouffon et alors, chacune de ses répliques, chacune de ses interventions, est formidablement drôle.

Molière méprisait les médecins et s’en moquait bien allègrement dans son théâtre. Ce dédain trouve ici son paroxysme en la scène finale, représentant l’accession d’Argan au titre de médecin. Elle est organisée tel un rituel d’initiation, où chacun est vêtu d’une longue robe noire et d’un chapeau similaire à ceux des sorcières, baragouinant dans une sorte de faux latin, conférant à ce sacre une ambiance très mystique.

Michel Didym fait le choix de réintégrer les intermèdes musicaux qui sont habituellement effacés de la scène. C’est peut-être ce qui fait l’originalité et le succès de la reprise. C’est surtout parce que ceux-ci se révèlent être des moments où nous sommes secoués par les rires, où l’on en redemande, l’on ne voudrait surtout pas que cela s’arrête… À la fin du spectacle retentissent les applaudissements, se multiplient les bravos.

"Le malade imaginaire"

© Éric Didym.
© Éric Didym.
Texte : Molière.
Mise en scène : Michel Didym.
Assistante à la mise en scène : Anne Marion-Gallois.
Avec : André Marcon ou Michel Didym, Norah Krief ou Agnès Sourdillon, Jeanne Lepers ou Pauline Huruguen, Catherine Matisse, Bruno Ricci, Jean-Marie Frin, Barthélémy Meridjen ou François de Brauer, Jean-Claude Durand ou Didier Sauvegrain et en alternance une fillette dans le rôle de Louison : Lou Beauverger, Clotilde Caudron, Inès Duchene, Rose Pariaud, Adèle Saglio, Lou Vilgard-Nizard pour les représentations au Théâtre Dejazet.
Musique : Philippe Thibault.
Scénographie : Jacques Gabel.
Lumières : Joël Hourbeigt.
Costumes : Anne Autran.
Chorégraphie : Jean-Charles Di Zazzo.
Maquillage et perruque : Catherine Saint Sever.
Enregistrement et mixage musique : Bastien Varigault.
Avec le Quatuor Stanislas : Laurent Causse, Jean de Spengler, Bertrand Menut, Marie Triplet.
Modiste : Catherine Somers.
Couturières : Liliane Alfano, Anne Yarmola.
Durée : 2 h.

Du vendredi 3 novembre au dimanche 31 décembre 2017.
Du mardi au samedi à 20 h 45, samedi à 16 h et dimanche 24 et 31 décembre à 14 h.
Théâtre Dejazet, Paris 3e, 01 48 87 52 55.
˃˃ dejazet.com

Ludivine Picot
Vendredi 10 Novembre 2017

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