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Théâtre

"Je peux dire sans me vanter qu'il est question de la mort dans tous mes spectacles… et de la folie aussi"

Entretien avec Claude Régy - réalisé le 4 novembre 2016 dans son appartement parisien - à propos de "Rêve et Folie", sa dernière mise en scène. Claude Régy est décédé le 26 décembre 2019 à Paris.



© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Lorsque l'on entre chez Claude Régy, on pénètre dans un lieu qui, à lui seul, dit quelque chose de l'homme qui vit ici. Sous les toits de ce cinquième étage du premier arrondissement - que l'on atteint après avoir gravi des volées de marches d'un escalier ancien -, dans la lumière bleutée frangée par la pluie de novembre qui vient marteler l'ardoise des fenêtres, ouvrant grand sur le ciel voilé parisien, entre silence et immobilité vibrante, entre livres et tables de travail, l'homme est là, souriant, simple et nimbé d'un mystère qui irradie l'espace de sa présence. Seules les sonneries de l'église Saint-Eustache, à portée de regard, viendront rappeler le monde extérieur.

Yves Kafka - Dans "La Brûlure du monde" - à prendre un peu comme votre profession de foi théâtrale, reprise dans "Du régal pour les vautours", votre récente publication au titre emprunté à Pascal Quignard - vous dites : "C'est absolument vrai qu'on n'a pas envie de parler de son travail… Quand on en parle, il y a forcément un élément de tricherie qui intervient… Peut-être même il ne faut pas en parler. C'est quelque chose de très mystérieux. Quelque chose qui doit rester secret. Dont on ne doit pas non plus être totalement conscient"… Alors faute d'avoir su trouver la forme idéale d'un entretien silencieux, je vous propose de nous donner à entendre les vibrations de la partition secrète de "Rêve et Folie"… Pourriez-vous retrouver en vous, Claude Régy, les traces de ce qui vous a poussé à vous saisir du poème de Georg Trakl ? Pourquoi Georg Trakl ?

Claude Régy - Tout dans ma vie de travail témoigne de la part du hasard et de l'intuition… une présence essentielle. Un ami m'a conseillé un livre de Claude Louis-Combet consacré à Trakl, et particulièrement la longue période de relations incestueuses avec sa sœur. Il en parle avec talent, de cet inceste commencé à l'adolescence et poursuivi, je suppose, toute sa vie. Sa sœur s'est donné la mort trois ans après lui, elle avait imité son goût pour la cocaïne et pour les drogues en général. C'était une musicienne, très douée. Au centre de la vie de Trakl - en fait il n'y a pas de centre ou alors plusieurs -, l'inceste n'est qu'un exemple de tout ce qu'il a pu expérimenter pour subvertir les habitudes morales. C'est le processus de la transgression systématique qui lui a donné accès à des territoires inconnus que nous, qui sommes plus sages, ne connaissons pas.

D'où notre "tentation", notre désir de découvrir cette façon de vivre à travers quelqu'un qui a vécu - dans l'horreur, d'ailleurs - ce monde des marges. Très vite, il a abandonné ses études, a rencontré un pharmacien qui l'a initié aux drogues. Son destin a été marqué très jeune. De même pour l'inceste - du moins on peut le supposer, la famille ayant détruit toute la correspondance entre sa sœur et lui - dont on n'a aucune preuve "vivante", si ce n'est que dans "Rêve et Folie", il évoque constamment sa présence. Il mythifie sa sœur en faisant d'elle, entre autres, un "adolescent mourant".

Claude Louis-Combet m'a donné l'envie de lire Trakl, directement, et non plus seulement au travers de ce qu'un autre en disait… Mais pourquoi ce texte-là ? Je ne sais pas… peut-être parce que c'est un poème en prose qui n'est pas du tout conforme aux lois de la poésie classique. Il se présente comme un récit, une réflexion sur lui-même…

© Yves Kafka.
© Yves Kafka.
"En floutant", on n'est pas dans la narration…

Claude Régy - Dans le spectacle - et c'est peut-être la première fois où je réussis ce pari - la lumière joue un rôle de cet ordre. C'est par expérience que j'ai découvert cette lumière particulière qui fait qu'on ne sait pas de quelle existence il s'agit. On ne peut même pas savoir s'il y a existence ou pas… Est-ce une existence incarnée ou celle d'un survivant revenant de territoires qui appartiendraient au monde de la mort ? La mort est une obsession chez Trakl qui - même si on ne peut en être sûr - a terminé probablement sa vie par un suicide, l'overdose de cocaïne n'ayant sans doute pas été accidentelle.

Cette obsession, vous la partagez avec Trakl… Dans "Intérieur", présenté à Avignon, il y a deux ans, elle est centrale…

Claude Régy - Je peux dire sans me vanter [rires] qu'il est question de la mort dans tous mes spectacles… et de la folie aussi, tout comme chez Trakl, même si le mot allemand n'a pas tout à fait le même sens, étant plus noir, plus chargé d'angoisse. Quand j'ai monté la première pièce de Peter Handke, "La Chevauchée sur le lac de Constance", il parlait de "poème dramatique". Cette expression m'a fait beaucoup rêver, le mot "poème" gommant les inconvénients du mot "dramatique". Cette forme ambiguë entre la poésie et le théâtre m'a donné envie de choisir cette pièce. Pour moi, il n'y a pas d'écriture véritable sans toucher à la poésie.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Ce qui m'a intéressé justement chez Trakl, c'est de voir comment un être humain pouvait, au travers de contradictions et par des assemblages de sonorités ou d'éléments qui ont l'air très hétérogènes, créer une substance qui relève de la poésie et touche au plus secret de l'humain. Ce qui me tente, c'est cette recherche des zones les plus inconnues, les plus secrètes, les plus inavouées présentes dans l'humain avec beaucoup plus de force qu'on ne veut en avoir conscience. La vastitude de ce domaine ouvre à des espaces infinis. Il y a là pour moi le territoire idéal pour travailler ce qu'on appelle le théâtre (même si je ne peux pas dire que je fais du théâtre, c'est autre chose).

Dans "Du régal pour les vautours", vous dites, non sans une certaine jubilation : "En vivant avec lui (Trakl), on demeure dans un foisonnement de transgressions". Est-ce cela qui vous fascine ? Cette capacité "démentielle" à s'extraire des limites de l'homme ordinaire pour explorer - quel qu'en soit le coût - les territoires inconnus ?

Claude Régy - L'inconnu ne peut pas être appréhendé d'une manière claire. Avec Georg Trakl, on est dans un au-delà de l'intelligible, un au-delà de toutes limites. C'est ce qui m'a fait entièrement adhérer à son œuvre et a déclenché en moi l'envie de monter "Rêve et folie". Tout en pressentant que c'était là un pari dangereux.

"Étrange" coopération que celle que j'entretiens avec Yann Boudaud… Bien avant "La barque le soir", il jouait déjà l'enfant dans "La mort de Tintagiles". Il a joué dans "Quelqu'un va venir" et "Variations sur la mort" de Jon Foss, et aussi dans "Des couteaux dans les poules" de David Harrower. Très longue coopération qui fut interrompue de par sa volonté à lui, à un moment où il éprouvait le désir de ne plus être acteur. Curieusement, cela l'a fait progresser dans le domaine même du théâtre. C'était très sensible lors de la rencontre avec Vesaas pour "La barque le soir", il a fait là un pas qui l'a encore emmené plus loin, au-delà des limites du raisonnable et du descriptible.

Oui, là, on est en train d'aborder la question de la mise en jeu de l'acteur portant le texte…

Claude Régy - Je mélange tout ! Chez moi, c'est une philosophie…
[rires]
"Le poète est celui qui inspire bien plus que celui qui est inspiré. Les poèmes ont toujours de grandes marges blanches, de grandes marges de silence où la mémoire ardente se consume pour recréer un délire sans passé", écrivait Paul Éluard dans "L'évidence poétique". Accéder à l'in-ouïe, à l'in-attendu pour mieux entendre… faire entendre ce qui n'est pas dit… Les marges et le silence… tels sont votre rapport à l'écriture, poétique par essence ou qui n'a pas "raison" d'être.

Claude Régy - Entendre autre chose, entendre autrement, dérailler des voies (voix) tracées.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Vous partez d'un poème d'un jeune homme écorché vif qui impose une figure faisant penser au cri d'Edvard Munch. Comment rendre, dans "les marges blanches", du silence du plateau, l'intensité de la violence intérieure qui habite ce jeune homme écartelé entre jouissances éperdues et remords moraux ?

Claude Régy - Ce qui m'a étonné chez Trakl, c'est l'influence du christianisme. Dans "Rêve et folie", une scène à propos de la mort du père reconstitue La Cène mythique du Christ avec Judas à ses côtés. L'influence chrétienne transposée dans son écriture est très visible et, en même temps, chez quelqu'un d'aussi "transgresseur" et d'aussi libre que lui, on est très étonné de le voir rongé par la sensation de "la faute" et du péché. De nombreuses traces de religiosité déposées par le christianisme dans lequel il a baigné avec une mère catholique et un père protestant… il a été agressé sur deux fronts à la fois, c'était difficile d'y échapper. Dans sa liberté affichée de transgresser toutes les règles, il a été repris au galop par la culpabilité et par ce qu'il appelle "la faute".

Le pain et le sang…

Claude Régy - Oui, chez lui, le pain saigne, sauf dans les mains de la mère où il devient pierre et ne peut plus se rompre. Transgressions constantes chez Trakl.

Alors, comment cette mise en jeu du conflit qui constitue cet homme, travaillé dans le même temps par le désir éperdu de liberté et par la contrainte du péché hérité, comment se saisir de ce conflit intérieur pour en faire théâtre ?

Claude Régy - Ne pas opposer les contraires, c'est là où on peut peut-être s'approcher de la vérité. La jouissance est constamment présente chez Georg Trakl, malheureusement elle est mêlée d'horreurs d'une vie dont il a fait un enfer. Yann Boudaud "a inventé" son jeu. Sa manière de bouger, tous les mouvements de son corps ont été improvisés à partir des sensations créées en lui par le texte, la "chorégraphie" trouve là son point d'appui.

De même, j'ai laissé une grande liberté d'improvisation à Philippe Cachia dont les sons deviennent presque constants - ce qui est inhabituel dans mon cas. Il m'a semblé - j'adore ne pas savoir - que c'était comme le souffle de l'écriture, le prolongement muet que les mots créent. Yann dit que ces sons l'aident, comme une présence à ses côtés. Quant aux lumières d'Alexandre Barry, elles sont là aussi pour ne pas trop éclairer, mais au contraire pour entretenir le doute sur l'existence elle-même. Être vivant ou fantôme, espace du rêve ou du réel, on ne sait… Ce sont des lumières qui "suggèrent" (comme disait Mallarmé), qui font perdre les repères, qui font voir sans savoir. C'est le doute qui ouvre des portes sur des territoires inconnus constitués de mondes opposés.

Oppositions (la lumière - la nuit ; l'intelligible - l'inintelligible ; la vie - la mort) cultivées comme de précieux sésames donnant accès, par-delà la conscience et la rationalité, à des territoires tout à la fois obscurs et lumineux. "La barque, le soir" (interprété par le même Yann Boudaud), "Intérieur", résonnaient déjà du bruissement de ces frontières troubles qui font vaciller la conscience du spectateur pour le plonger dans un état second propice à la création d'un monde recomposé…

Claude Régy - C'est ça, exactement… Conservez-le dans votre article…

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Vos propositions, beaucoup plus qu'un spectacle, s'apparentent en effet à une expérience, à un voyage d'ordre chamanique… C'est là votre pouvoir assumé de metteur en scène, nous guider vers l'au-delà du sens ?

Claude Régy - Je ne pense pas être un chaman [rires]… Mais je comprends ce que vous dites, j'y adhère. Et cela me touche beaucoup car c'est effectivement ce sur quoi - et dans quoi - je travaille. C'est une chose qui m'est personnelle et qui n'est pas très répandue dans le monde du théâtre… En fait, je ne prétends pas faire du théâtre… Je m'intéresse plus à la littérature qu'au théâtre. Dans ce que je fais - qui s'appelle encore spectacle mais qui n'en est pas -, il y a cette absence qui est justement présente, comme le fait de "sous éclairer" fait voir des choses qu'on ne voit pas en pleine lumière. C'est l'éloge de l'ombre que je suis en train de faire, la pleine lumière imposant une vitre simplifiée des choses.

Tout ce que j'ai pu découvrir, c'est par la rencontre d'écrivains et par le travail lui-même. Au moment d'"Ode Maritime" de Pessoa, en baissant la lumière, on faisait apparaître ce que l'on ne voyait pas en pleine lumière ; et, surtout, cela ouvrait la porte à toutes les fonctions imaginaires, comme une échappatoire ouvrant à des sensations reposant sur d'autres bases. On tente ainsi à accéder à un autre monde que celui dans lequel on veut nous faire vivre en nous faisant croire que là est la réalité.

Vous réservez au spectateur une place tout autre que celle à laquelle "la réalité" du théâtre l'habitue… Vous allez le chercher au plus profond de ses intérêts ignorés…

Claude Régy - Peter Handke, dans une de ses pièces, fait entendre cette phrase : "Je suis venu au théâtre, j'ai vu cette pièce, j'ai joué cette pièce, j'ai écrit cette pièce", toutes ces fonctions étant recomposées par le spectateur créateur de ce à quoi il assiste. Le spectateur participe entièrement à la création, il s'empare de ce qu'on lui propose pour imaginer sa propre création. Comme le dit Handke, il ne faut jamais écrire complètement pour que le spectateur puisse continuer à écrire l'œuvre. On ne vient pas au théâtre pour admirer l'œuvre d'un metteur en scène, on vient au théâtre pour créer soi-même.

© Pascal Victor.
© Pascal Victor.
Je commence à instaurer le silence avant même que le spectacle ne commence. Par cette transformation louable, le spectateur a le temps de se débarrasser de ses préoccupations antérieures et d'entrer en communication avec son moi intérieur. Je crains en effet que notre époque nous coupe de notre vie intérieure et que, happés par l'extériorité des choses, par la multiplicité de systèmes de communication très performants, nous soyons coupés de nous-même et des autres, appauvris au lieu d'être enrichis.

D'où l'impression ressentie - au sortir des "expériences" auxquelles vous conviez le spectateur - de n'être plus tout à fait le même… comme si on venait de vivre un instant à part, un instant qui déstabilise pour mieux faire entrevoir l'essentiel…

Claude Régy - Je suis ému de voir que le travail proposé à partir de Trakl - travail qui échappe aux lois de l'écriture, aux règles de la mise en scène - provoque une écoute exceptionnelle. Pourtant le texte de Georg Trakl est très pessimiste, très noir - en général, les gens n'aiment pas trop descendre dans les abîmes -, et cependant il est compris comme un texte vivant. "Ça" parle semble-t-il au spectateur qui est mis en communication avec son inconscient. Entre rêve et désir de transgression, quelque chose manifestement lui a parlé.

© DR.
© DR.
Les photos "© Pascal Victor" sont celles de la dernière création de Claude Régy, "Rêve et folie".
Spectacle créé le 15 septembre 2016 à Nanterre-Amandiers, centre dramatique national.
Texte : Georg Trakl.
Mise en scène : Claude Régy.
Avec : Yann Boudaud.

Yves Kafka
Dimanche 12 Janvier 2020

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